6 novembre 2012

OUVRAGE : C. Lutringer, Gouvernance de l’agriculture et mouvements paysans en Inde

Marc GALVIN

Alors qu’en Inde le secteur agricole fait face à de nouveaux enjeux sur le plan économique et social, la paysannerie renouvelle ses stratégies de mobilisation. Les mouvements sociaux qui en découlent contestent désormais la redéfinition des politiques nationales et s’opposent à une ouverture généralisée des marchés à l’échelle mondiale. C’est sur la base de ce constat, et dans une approche sociopolitique, que Christine Lutringer démonte les modalités de cette action collective pour en comprendre les caractéristiques et les implications. Cette mobilisation prend-elle des formes sociales particulières ? A-t-elle un impact sur la production des normes nationales et internationales ? Est-elle en mesure d’engendrer des pratiques de production alternative ? Quels sont les rattachements idéologiques et les productions discursives ? Autrement dit, quelle place ces mouvements sociaux paysans ont-ils dans la gouvernance de l’agriculture indienne ?
Outre une description détaillée de l’évolution de ce secteur, l’originalité de l’approche repose sur la volonté de l’auteure d’éclairer les dynamiques d’intensification des échanges mondiaux en observant l’impact au niveau local. L’Inde rurale est la matière première de ce livre, comme en témoignent deux études de cas, l’une en Uttar Pradesh et l’autre au Chhattisgarh. C’est également l’occasion de mieux comprendre les croisements d’intérêts entre défense de la diversité agricole, développement de la recherche agronomique et préservation des intérêts locaux des paysans. Les exemples fascinants d’appropriation des germoplasmes de riz dans l’affaire dite «Syngenta» illustrent la rencontre – parfois conflictuelle – entre deux mondes, l’un scientiste et marchand, l’autre centré sur la nature, l’intérêt collectif et les pratiques du quotidien. Une étude de cas qui nous amène à nous interroger sur la frontière entre tradition et modernité. 

Enfin, si une des leçons du livre est de montrer que l'intégration des mouvements paysans dans les arènes sociales indiennes leur a permis d’exister politiquement, l'autre leçon porte sur leur capacité à faire évoluer les représentations de leurs besoins et de leurs luttes, ainsi qu'à alimenter la réflexion autour des grandes préoccupations contemporaines (sécurité alimentaire, biens public globaux, subventions à l’agriculture, place des savoirs traditionnels, etc.), et ce à toutes les échelles de la gouvernance multiniveaux.



TABLE DES MATIERES

Introduction – Une pluralité d’acteurs

Chapitre I – L’Etat, la révolution verte et la sécurité alimentaire
Révolution verte et autosuffisance alimentaire
Les conditions de l’adoption des nouvelles techniques
Une redéfinition du système d’intervention dans l’agriculture?

Chapitre II – Les paysans de l’Uttar Pradesh occidental face à l’ouverture international
D’un parti politique à un syndicat paysan
Les mobilisations contre les réformes
Les multiples stratégies paysannes: enquête dans le district de Bulandshahr

Chapitre III – Biodiversité agricole et recherche agronomique
L’Inde dans le régime global de recherche
La place du Chhattisgarh dans la recherche agricole
Les défis de l’ouverture: nouveau régime et nouveaux acteurs

Chapitre IV – L’«affaire Syngenta» et le mouvement pour la préservation de la biodiversité agricole du Chhattisgarh
Les mouvements sociaux au Chhattisgarh
La mobilisation populaire dans l’«affaire Syngenta»
Une pluralité d’initiatives liées à l’agrodiversité régionale

Réflexions conclusives
Les enjeux de la gouvernance
Résistances et adaptations
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Christine LUTRINGER, Gouvernance de l’agriculture et mouvements paysans en Inde, préface de Frédéric Landy, Genève, Institut de hautes études internationales et du développement / Paris, Editions Karthala (252 pp.)

Christine Lutringer est chercheuse et chargée d’enseignement au  Centre for Area and Cultural Studies de l’Ecole polytechnique fédérale  de Lausanne (EPFL). Politologue de formation, elle est diplômée de  l’Institut d’études politiques de Strasbourg et titulaire d’un doctorat en  relations internationales de l’Institut de hautes études internationales et  du développement à Genève. Ses recherches portent notamment sur les transformations de l’action publique en Inde, sous l’effet de la mondialisation et de la mobilisation de nouveaux acteurs sociaux.

Ils ont aimé…
« Parce qu’elle traite de deux Etats fédérés au lieu de se contenter de décrire la situation vue de New Delhi, Christine Lutringer offre un vaste panorama des mobilisations indiennes dans le domaine de l’agriculture. Là n’est pas le moindre mérite de ce beau livre: permettre d’y voir clair dans les identités des acteurs, au-delà de discours parfois opportunistes », Frédéric Landy, maître de conférences à l'Université Paris X.

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