Nous sommes médiatiquement sommés de nous comparer aux autres. Dès qu’il se passe quelque chose dans l’hexagone nous sommes vivement invités à aller voir comment nos voisins font face au même problème. Les statistiques sont mobilisées et les différences constatées immédiatement pointées du doigt comme variables explicatives que nous serions appelés à combler. On passe ainsi aisément de l’observation à la préconisation sans s’interroger sur ce qui fonde et explique la différence qui a souvent sa raison d’être.
On conviendra que l’observation d’autres sociétés peut être d’une grande richesse et nous apprendre beaucoup sur nous-mêmes. Elle peut même être menée avec beaucoup de finesse, d’humour, et permettre de se jouer de la censure comme le fit Montesquieu avec tout son talent dans ses fameuses Lettres persanes. C’est là l’une des grandes richesses de l’anthropologie et des sciences sociales à laquelle aucun chercheur ne saurait renoncer. À condition d’être mené sérieusement, notamment en sachant comment sont construites les catégories que l’on compare et de ne pas partir de l’a priori que ce qui vient d’ailleurs est forcément emprunt d’une rationalité supérieure devant laquelle il conviendrait de s’incliner.
Ceci doit être fortement rappelé dans le cadre européen où la façon dont on se situe par rapport à la moyenne vaut argument d’autorité et sert à pointer du doigt tout écart à la norme. L’implicite étant qu’à terme, on doit tous être pareils. D’où cet acharnement à vouloir « harmoniser » à marche forcée.
Michel ROGALSKI, « Voir d'ailleurs et comparer : l'art de l'embrouille » (Extrait de l'Editorial)
Il
y a une cinquantaine d’années, les pays qu’on appelait alors « sous-développés
» venaient de se voir regrouper sous le terme de « Tiers-monde », exprimant l’idée
plus géopolitique qu’économique qu’ils n’appartenaient ni au monde capitaliste
ni au monde se réclamant du socialisme, donc qu’ils étaient hors « guerre
froide ». Tour de passe-passe sémantique car ils restaient totalement articulés
– désarticulés disait déjà François Perroux – à l’économie dominante du monde
occidental. C’est pour s’en dégager qu’ils constituèrent à l’occasion du Sommet
de Bandoung le Mouvement afro-asiatique et quelques années plus tard le
Mouvement des non-alignés, ce qui dans le contexte de l’époque signifiait
tenter de se dégager de l’hégémonie du monde occidental, et mettre en concurrence
les deux premiers mondes.
Très
vite, ces pays dont les économies avaient été déformées par l’énorme pillage
colonial ont dû s’intégrer dans l’économie internationale, c’est-à-dire servir
les besoins erratiques des économies du Nord. Ceci eut un prix ! Et très vite
nombre de dirigeants de ces pays comprirent que leur situation ne relevait pas
d’un retard qu’une aide, même généreusement octroyée, pourrait permettre de
rattraper, mais bien d’un véritable blocage de développement et qu’il convenait,
en plus de mesures structurelles d’ordre interne, de redéfinir leurs relations à
l’environnement international. à partir d’une volonté politique de développement
s’est affirmé le besoin d’en réaliser les conditions permissives au niveau
mondial. Ainsi est née l’exigence d’un Nouvel ordre économique international
qui sera ratifié par les Nations unies en 1974, mais jamais appliqué.
Aujourd’hui
le panorama du Sud n’est plus superposable à ce qu’il était il y a cinquante
ans, au moment où apparaissait la notion de Tiers-monde. Ses rapports au Nord
comme sa place dans l’ordre international ont été fortement reconfigurés. Le
monde a connu de profondes transformations. Esquissons-en quatre principales.
Michel ROGALSKI, « Les rapports nord-sud à l’épreuve de la mondialisation » (Extrait de la Présentation)
SOMMAIRE
- Michel Rogalski
Voir d’ailleurs et comparer : l’art de l’embrouille ! [Éditorial]
- Mathieu Grand et Thomas Posado
Le chavisme peut-il survivre à Hugo Chávez ?
- Pierre Guerlain
Machiavel à Washington : Obama et la politique étrangère des États-Unis
- Patrice Jorland
Le Japon dans la zone des ténèbres
LES RAPPORTS NORD-SUD À L’ÉPREUVE DE LA MONDIALISATION
- Michel Rogalski
Les rapports Nord-Sud à l’épreuve de la mondialisation [Présentation]
- Mehdi Abbas
L’OMC et l’acte III de la globalisation
- Dimitri Uzunidis
Développement et libéralisme : de quoi parle-t-on ?
- Rémy Herrera
Réflexions sur les évolutions récentes des rapports Sud-Sud et Nord-Sud
- Pierre Paolo Fortunato
Les BRICs, une autre coopération de développement ?
- Vincent Piolet
Les BRICs : fondation d’un nouvel ordre mondial ? Analyse géopolitique
- Frédéric Thomas
Chine – Amérique latine : enjeux conflictuels d’une relation
- Jean-Robert Henry
Mondialisation et Méditerranée
TRACES
- Alain Ruscio
Quelques réflexions sur la guerre du Vietnam et les Accords de Paris (1973)
NOTES DE LECTURE
Coordination du dossier : Michel Rogalski
RECHERCHES INTERNATIONALES
6 avenue Mathurin Moreau
75167 Paris Cedex 19
Tél. : 01 42 17 45 27
Fax : 01 45 35 92 04
e-mail : recherinter@internatif.org
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