8 août 2013

ACTU : Une directive de l'Union européenne exclut les Territoires occupés de la coopération avec Israël

Catherine MAIA

Dans une directive du 16 juillet 2013, l’Union européenne impose à tous les accords qu’elle signe avec Israël d'indiquer explicitement qu'ils ne s'appliquent pas aux Territoires occupés par cet Etat depuis 1967. Cette directive, qui entrera en vigueur en 2014, vise ainsi à exclure les entités israéliennes opérant dans les Territoires occupés palestiniens de l’accès à certaines subventions et transactions financières. Concrètement, les Territoires occupés ne pourront désormais plus bénéficier de nouveaux projets de coopération économique, financements, bourses, programmes de recherches ou prix, émanant de l'UE ou de ses États membres. Tandis que cette directive est considérée comme "modérée" par les militants pro-palestiniens, elle a provoqué de vives réactions en Israël, qui refuse toute immixtion sur la question de ses frontières et accuse l'UE d'un "acharnement disproportionné" à son encontre.




"Tous les accords entre l'Etat d'Israël et l'UE doivent indiquer sans ambiguïté et explicitement qu'ils ne s'appliquent pas aux territoires occupés par Israël en 1967". Cette directive, adoptée le 16 juillet 2013 et publiée le 19 juillet au Journal officiel de l'Union européenne établit pour la première fois "une distinction entre Israël et les entités en Cisjordanie, à Jérusalem-Est, la bande de Gaza et le plateau du Golan" qui devra être appliquée à partir de 2014. 

Pour les Européens, "il ne s'agit pas d'une nouvelle approche", comme l'a précisé la porte-parole du service diplomatique de l'UE, Maja Kocijancic, obligée de répondre aux vives réactions israéliennes le 16 juillet. Les "lignes directrices" sont destinées, selon elle, à "apporter des clarifications à un système que nous appliquons déjà". 

Ce qui change pour les Israéliens, c'est qu'"à partir de maintenant, si le gouvernement israélien veut signer des accords avec l'Union européenne ou l'un de ses Etats membres, il devra reconnaître par écrit que les colonies de Cisjordanie ne font pas partie d'Israël" a expliqué l'un de ses responsables sous couvert d'anonymat. Tout un symbole. 

Au point que Benyamin Nétanyahou, dans une réunion ministérielle exceptionnelle organisée dans l'urgence a assuré que son gouvernement n'accepterait pas de "diktats de l'extérieur sur nos frontières""Ça va même plus loin" explique Michelle Sibony, vice-présidente de l'Union Juive Internationale pour la Paix (UJIP), pour elle, "Netanyahou répond : vos deux Etats, je n'en ai que faire, moi je ne parle que d'un Etat, c'est la Judée-Samarie, on ne parle pas de territoires occupés ni de Cisjordanie, c'est le Golan annexé et c'est Jérusalem capitale unique du pays. Terminé".

"Un système hypocrite" 

Certains commentateurs israéliens tempèrent, comme le ministre des Relations internationales Youval Steinlitz qui a déclaré à l'AFP, "il ne faut pas exagérer les retombées de cette directive administrative énervante car elle ne s'applique qu'aux futurs accords et pas à ceux qui ont été déjà signés". Michelle Sibony ajoute que la directive est loin d'être claire et laisse un flou propice a des contournements. "Par exemple, les entreprises qui sont domiciliées en Israël (dans ses frontières de 1967) et qui travaillent avec des colonies sont-elles concernées?", s'interroge-t-elle. 

En fait, les entreprises israéliennes ont déjà des systèmes en place pour éviter des sanctions en raison de leur combat permanent contre le mouvement BDS international, les initiales de boycott, désinvestissements, et sanctions. La section C de la directive précise, par exemple, que "le lieu d'établissement, compris comme l'adresse postale doit correspondre à un emplacement physique concret" à l'intérieur des frontières israéliennes reconnues par le droit international. Mais un site d'information israélien, 972mag, cite les exemples de plusieurs entreprises domiciliées en Israël dont les usines se trouvent dans les colonies. 

"Sodastream, par exemple, est une des nombreuses sociétés qui loue un bureau à côté de l'aéroport international de Ben-Gourion, en l'utilisant comme adresse officielle pour cacher l'emplacement de son usine dans le parc industriel de Mishor Adumim en Cisjordanie". Preuves à l'appui, l'article défile plusieurs exemples de sociétés qui sont dans le même cas que Sodastream. 

Les mécanismes sont nombreux à renforcer la puissance des colonies, malgré les déclarations de principe de l'Union européenne. Un système que Michelle Sibony qualifie d'"extrêmement hypocrite" comme le dénonçait un rapport publié en octobre 2013 par plus d'une vingtaine d'ONG, intitulé La paix au rabais : comment l'Union européenne renforce les colonies israéliennes. 

"La paix au rabais" 

La position de principe, défendue depuis vingt ans par l'UE est de considérer que les colonies israéliennes implantées au sein des territoires palestiniens occupés sont "illégales au regard du droit international ; elles constituent un obstacle à l'instauration de la paix ; elles risquent de rendre impossible une solution fondée sur la coexistence de deux Etats". Seulement, en pratique, l'UE fait l'inverse des intentions affichées dans cette profession de foi : la valeur annuelle des produits qu'elle importe des colonies est 15 fois supérieure à celle des produits qu'elle achète dans les territoires palestiniens : 230 millions d'euros d'un côté, contre 15 millions d'euros de l'autre. Le rapport souligne que près de 4 millions de Palestiniens vivent en Cisjordanie et à Gaza, ainsi que 500 000 colons israéliens, ce qui signifie que l'UE "importe au moins 100 fois plus par colon que par Palestinien". Tout en condamnant régulièrement les colonies Israéliennes, l'UE "soutient leur viabilité en achetant leurs produits" et favorise de facto leur croissance.

A la suite de ce rapport, l'UE avait décidé d'étiqueter précisément les produits des colonies israéliennes de Cisjordanie et de Jérusalem-Est, comme c'est déjà le cas en Grande-Bretagne ainsi qu'au Danemark. Mais la décision ne cesse d'être reportée. "Il faut se rendre compte, explique Michelle Sibony, de l'ampleur du lobbying israélien : il n y a pas un seul bureau, du haut en bas des bâtiments de l'UE, dans lequel on ne rencontre pas, à toute heure, des représentants de lobbys pro-israéliens, que ce soit dans le sport, dans la cuisine, dans le ménage, dans tous les domaines possibles et imaginables." 

De son côté, Benyamin Netanyahou souligne qu'un boycottage des produits des colonies entraînerait une perte d'emploi pour les 25 000 Palestiniens qui y travaillent, "ce qui aggraverait la crise économique que traverse l'Autorité palestinienne". "Quel cynisme!" s'émeut Michelle Sibony. "En juin dernier, j'étais à la conférence nationale palestinienne du BDS, explique-t-elle, il y avait 700 personnes réunies, de Palestine à Bethléem, c'était très représentatif, non seulement leurs revendications étaient très claires au niveau international, mais elles ont aussi appelé les palestiniens eux-même à boycotter les produits israéliens dans leurs épiceries, ce qui n'est pas une mince affaire…". 

Pour Michelle Sibony, "nous sommes dans des compromissions dangereuses avec les israéliens, il faut poser des limites claires et précises à leurs activités, et c'est le rôle de la France, c'est notre responsabilité en tant qu'Etat de le faire". Sa remarque fait notamment échos aux révélations publiées sur Rue89 le 17 juillet 2013 par Laurent Bonnefoy, chercheur au CNRS en sciences politiques qui s'est rendu compte que des associations de colons israéliens étaient (indirectement) financées par les impôts français. Si la charge symbolique de la directive européenne a pu heurter le nationalisme israélien, force est de constater que ses liens économiques avec l'Union européenne restent bien vivaces. 

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