17 septembre 2013

ACTU : Des preuves «indiscutables» de l'utilisation d'armes chimiques en Syrie, affirme Ban Ki-moon au Conseil de sécurité

Catherine MAIA

Le Secrétaire général a confirmé, le 16 septembre, aux membres du Conseil de sécurité que des armes chimiques avaient bien été utilisées, «à grande échelle», à la Ghouta, en banlieue de Damas, en Syrie, où de nombreux civils, dont des enfants, ont trouvé la mort le 21 août dernier. «C'est l'utilisation la plus meurtrière d'armes chimiques contre des civils depuis que Saddam Hussein s'en est servi à Halabja, en 1988», a affirmé Ban Ki-moon, qui a fait état «de preuves claires et convaincantes de l'utilisation de roquettes sol-sol contenant l'agent neurotoxique sarin».

Ces accusations, le chef de l'ONU les a lancées alors qu'il présentait au Conseil de sécurité les conclusions du rapport de la Mission des Nations Unies chargée d'enquêter sur les allégations d'emploi d'armes chimiques en République arabe syrienne, qui a adhéré aux protocoles «les plus rigoureux» pour assurer la traçabilité de tous les échantillons prélevés sur le site de cette attaque qui avait choqué la communauté internationale.

L'équipe a interrogé plus de 50 victimes, les personnels médicaux et les premiers intervenants sur place, auprès desquels elle avait recueilli des cheveux, ainsi que des échantillons d'urine et de sang. Les experts ont également retrouvé des munitions à la Ghouta. Ces éléments de preuve ont été analysés au cours des deux dernières semaines par quatre laboratoires européens agréés par l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques.

Les experts ont constaté le caractère «généralisé» des attaques commises : 85% des échantillons sanguins ont été testés positifs au gaz sarin, de même que l'écrasante majorité des autres échantillons biomédicaux. Des résultats corroborés par les symptômes présentés par les survivants, qui concordent avec une exposition à des agents neurotoxiques. Les éléments prélevés sur le site confirment également l'emploi du sarin, en particulier les fragments de roquettes sol-sol, des modèles capables de transporter une charge chimique.

«Les conclusions sont accablantes et indiscutables. Les faits parlent d'eux-mêmes», a déclaré le Secrétaire général aux membres du Conseil. «C'est un crime de guerre et une violation grave du Protocole de 1925 (1) et d'autres règles du droit international coutumier. […]. La communauté internationale a le devoir de tenir pour responsables les auteurs de cet acte et de veiller à ce que les armes chimiques ne réapparaissent plus comme un instrument de guerre». «Après deux ans et demi de tragédie, le moment est venu pour le Conseil de sécurité d'assumer ses responsabilités politiques et morales et de démontrer sa volonté politique d'avancer de manière décisive», a plaidé M. Ban Ki-moon. Si celui-ci a réclamé que les responsables rendent des comptes, à l'instar du rapport, il ne désigne toutefois pas directement les responsables des tirs, le mandat des enquêteurs de l'ONU ne permettant pas de se prononcer sur ce point.

L'adhésion, la semaine dernière, de la Syrie à la Convention sur les armes chimiques et la reconnaissance tardive que ce pays possède des armes chimiques sont des évolutions positives, a reconnu le Secrétaire général, qui a souhaité que le Conseil de sécurité et le Conseil exécutif de l'OIAC examinent rapidement les moyens de mettre en œuvre la proposition russe de placer sous contrôle international, puis de détruire, les stocks de Bachar Al-Assad. Une tâche, a-t-il déclaré, dont il est conscient de la «complexité», «en pleine guerre civile», tandis que la mission onusienne sera de retour en Syrie «dès que possible» pour conclure son enquête sur les autres allégations d'utilisation d'armes chimiques en Syrie, notamment à Khan al-Assal. 

«Quand on regarde précisément les données, les quantités de gaz toxique utilisées, la complexité des mélanges, la nature et les trajectoires des vecteurs, cela ne laisse aucun doute sur l'origine de l'attaque», a estimé le Ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, jugeant le rapport accablant pour le régime de Damas. Un constat partagé par Washington et Londres. «D'après la profusion de détails techniques (...), il est extrêmement clair que le régime syrien est le seul à avoir pu en être responsable», estime ainsi William Hague, le responsable de la diplomatie britannique. La Maison Blanche a aussi annoncé le 16 septembre avoir accordé des exemptions à l'embargo sur l'exportation de matériels de défense vers la Syrie, afin de livrer, à destination des personnels d'organisations internationales, mais aussi «des membres de l'opposition syrienne approuvés au préalable», des équipements de protection et de soin contre les armes chimiques.

Avant même la publication des premiers éléments de l'enquête, les Ministres des Affaires étrangères de la France, de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis, réunis à Paris le 16 septembre, ont annoncé qu'ils souhaitaient obtenir «du Conseil de sécurité des Nations Unies une résolution forte» concernant le conflit syrien, qui prévoira «des conséquences sérieuses si elle n'était pas appliquée». Les trois alliés estiment que le rapport des inspecteurs des Nations Unies présente «une occasion favorable d'avancer sur ce sujet». De fait, un texte de résolution, placée sous le chapitre VII de la Charte des Nations Unies, circule depuis quelques jours parmi les membres du Conseil pour contraindre la Syrie à tenir ses engagements. La résolution, qui doit être soumise au vote dans les prochains jours, doit traduire l'accord sur la destruction de l'arsenal chimique de Damas auquel les Russes et les Américains sont parvenus la semaine dernière. Les trois pays souhaitent un calendrier précis pour le contrôle et le démantèlement de cet imposant arsenal.

L'accord russo-américain donne une semaine à Damas pour présenter une liste de ses armes chimiques, qui devront être détruites d'ici à la fin du premier semestre 2014. La résolution qui s'ensuit pourrait mentionner le chapitre VII de la charte des Nations unies, qui rend possible un recours à la force en cas de manquement du régime syrien à ses engagements. Le 16 septembre, la Russie toutefois a mis en garde contre toute résolution prévoyant des menaces explicites contre Damas. «Je suis certain que malgré toutes les déclarations émanant de certaines capitales européennes, la partie américaine s'en tiendra strictement à ce qui a été convenu», a souligné le Ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, qui a évoqué un «manque de compréhension» de l'accord conclu.

Les principales conclusions du rapport sont consultables ici.

(1) Protocole concernant la prohibition d'emploi à la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et de moyens bactériologiques (aussi appelé Protocole de Genève).

Source : ONU/AFP/Reuters/Le Monde

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