Présentant
le dernier rapport (S/2013/787) du
Secrétaire général sur la situation en République centrafricaine (RCA) en date du 31 décembre 2013, le
Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, M. Jeffrey Feltman, a
déclaré, le 6 janvier 2014, devant les membres du Conseil de sécurité, que la
situation dans le pays s’était considérablement détériorée. Au cours de
cette séance d’information, qui a permis également d’entendre la Ministre
centrafricaine des affaires étrangères, l’Observateur permanent de l’Union
africaine et le représentant du Tchad, M. Feltman a dressé un bilan
inquiétant de la situation sécuritaire et humanitaire dans le pays, en dépit
des efforts encourageants entrepris par le Gouvernement de transition et la Mission
internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA)
dont le déploiement a été autorisé par la Résolution 2127 (2013) du
5 décembre 2013. La communauté des donateurs, s’est-il félicité,
accorde désormais une attention plus grande à la République centrafricaine.
Les
tueries à Bangui et dans le reste du pays se poursuivent tous les jours, a
expliqué M. Feltman, en soulignant que la population reste divisée en
fonction de l’appartenance religieuse. Des localités telles que
Bossangoa, Bouar, Bozoum et Paoua sont aussi le théâtre d’atrocités, où
chrétiens et musulmans s’affrontent avec violence, précise-t-il.
Plusieurs pays comme le Cameroun, le Tchad, la Côte d’Ivoire et le Sénégal ont
rapatrié des dizaines de milliers de leurs ressortissants, la majorité étant
musulmans. C’est la première fois dans l’histoire de la RCA, a-t-il fait
remarquer, que des personnes se sentent obligées de quitter le pays parce
qu’elles craignent pour leur vie.
M.
Feltman a salué la rapidité avec laquelle la MISCA et l’opération Sangaris ont
atteint un niveau opérationnel. Il s’est félicité de l’envoi de troupes
en RCA par des États d’Afrique et la France, et a salué le rôle qu’a joué la
Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) pour contribuer à
la stabilité de la RCA. « Nous travaillons avec l’Union africaine
pour organiser, à la demande du Conseil de sécurité, la conférence des
donateurs afin d’assurer le financement de la MISCA », a-t-il assuré.
« Les
évènements du 5 décembre ont porté un coup aux autorités de transition »,
a souligné M. Feltman. Il a rappelé les circonstances dans lesquelles les
groupes anti-Balaka d’autodéfense s’étaient transformés en une rébellion à part
entière. Les abus de la Séléka contre la population chrétienne ont
rapidement été perçus comme étant fondés sur des différences religieuses,
a-t-il fait observer. Le Secrétaire général adjoint a placé un espoir
dans la création de la future commission internationale d’enquête. La
frustration des communautés musulmanes, a-t-il estimé, est le résultat d’une
marginalisation par les Gouvernements successifs depuis l’indépendance du
pays. Il a cité, par exemple, qu’aucun jour férié musulman n’était
célébré en République centrafricaine, alors que les musulmans représentent 20%
de la population du pays. Il a ainsi salué les efforts de médiation
entrepris par le Forum de dirigeants religieux.
Les Chefs d’État de la CEEAC ont proposé d’organiser une conférence nationale
inclusive qui serve de forum à tous les acteurs nationaux, a indiqué
M. Feltman. Il est important de s’engager dans les préparatifs des
élections, a-t-il souligné, en reconnaissant que des étapes avaient déjà été
franchies, comme par exemple l’adoption d’un nouveau Code électoral et la
prestation de serment des membres de l’Autorité électorale nationale. Le
Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en République
centrafricaine (BINUCA) fournit un appui financier et technique en vue d’organiser
ces élections, a-t-il assuré.
Rappelant
que le processus de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) de tous
les groupes armés était une des plus grandes priorités, M. Feltman a mis
l’accent sur la nécessité de garantir des conditions propices à ce processus,
notamment sur le plan du financement.
Concernant
la situation humanitaire, « qui s’est détériorée à un rythme
alarmant », il a déploré les violences persistantes qui ont forcé un cinquième
de la population à fuir leurs maisons pour trouver refuge dans 55 centres
établis pour accueillir les personnes déplacées. Plus de
100 000 personnes ont cherché à se réfugier dans l’aéroport de la
capitale. Les ONG et les institutions humanitaires de l’ONU sont restées
sur le terrain pour fournir une assistance malgré le danger.
Le
Secrétaire général adjoint a indiqué que, le 11 décembre 2013, l’ONU avait
lancé une réponse d’urgence à l’échelle du système de niveau 3, envoyant ainsi
sur le terrain un personnel très expérimenté. Outre des fonds et du
matériel d’urgence, un coordonnateur humanitaire a été déployé sur le terrain
pour renforcer l’intervention humanitaire en RCA. La Secrétaire générale
adjointe des Nations Unies aux affaires humanitaires et Coordonnatrice des
secours d'urgence, Mme Valerie Amos, a effectué un versement de 10
millions de dollars au Fonds central d’intervention d’urgence (CERF) pour
appuyer les efforts de secours dans le pays. Il a cependant regretté que
les besoins humanitaires continuent à dépasser les moyens disponibles.
L’aide fournie par le Programme alimentaire mondial (PAM), par exemple, sera
épuisée à 90%, si elle n’est pas renforcée d’ici au mois de février, a-t-il
prévenu.
Enfin,
attirant l’attention sur le sort des femmes et des enfants dans ce conflit, le
Secrétaire général adjoint a mentionné la mission que la Représentante du
Secrétaire général des Nations-Unies pour les enfants et les conflits armés,
Mme Leila Zerrougui; le Conseiller spécial du Secrétaire général pour la
prévention du génocide, M. Adama Dieng; ainsi qu’un représentant du
Représentant spécial du Secrétaire général sur la violence sexuelle dans les
conflits, ont effectuée sur le terrain en décembre dernier.
Intervenant
à son tour, la Ministre des Affaires étrangères de la République
centrafricaine, Mme Léonie Banga-Bothy Mbazoa, a rappelé que le Premier ministre centrafricain de la transition, lors de sa participation à la Réunion
de haut niveau sur la situation du pays, au Siège de l’ONU, le 22 septembre
2013, avait tiré la sonnette d’alarme sur le chaos dans lequel la République
centrafricaine risquait de sombrer. Elle a déploré que, le 5 décembre
dernier, les ennemis du peuple centrafricain aient mis en œuvre un « projet
diabolique et sanguinaire » en attaquant Bangui. Si la réaction
internationale a permis d’arrêter la progression des assaillants, a fait
remarquer la Ministre, la situation humanitaire dans la capitale s’est
gravement détériorée, forçant ainsi 300 000 personnes à fuir leurs
maisons. Dans de telles conditions, a-t-elle averti, les risques
d’épidémies à grande échelle comme le choléra sont très grands. Elle a
par ailleurs présenté les excuses officielles de la RCA aux États dont les
ressortissants ont été victimes de violences.
Tandis
que les institutions des Nations Unies apportent leur aide, la situation
continue de se détériorer, a-t-elle regretté. Au plan sécuritaire, si des
efforts ont été déployés à l’amorce des négociations avec les anti-Balaka,
« malheureusement, ces forces non organisées et non identifiées n’ont
manifesté aucune volonté de s’engager dans des pourparlers avec le Gouvernement
centrafricain et continuent, au contraire, de commettre des exactions sur la
population civile », a-t-elle déploré. La Ministre a salué les
initiatives prises par les autorités religieuses chrétiennes et musulmanes en
vue de rapprocher les communautés, tout en prévenant que « c’est un
travail de longue haleine ».
Tous
les organes prévus par la Charte constitutionnelle de transition ont été mis en
place, a-t-elle cependant fait valoir. Les autorités de transition ont
réaffirmé leur engagement de ne pas se présenter aux élections, a-t-elle dit,
en insistant pour que celles-ci ne soient pas organisées dans la précipitation.
Au plan sécuritaire, elle a indiqué que les milices anti-Balaka et quelques
éléments des Séléka continuaient de semer la terreur dans des quartiers de
Bangui. Elle a salué le travail remarquable mené sur le terrain par la
force internationale avec le soutien de l’opération Sangaris, en déplorant
cependant les pertes de soldats au sein des troupes françaises, congolaises et
tchadiennes. Enfin, elle a sollicité la communauté internationale pour
qu’elle augmente son soutien financier et s’est montrée favorable à
l’augmentation des effectifs de la MISCA. Elle a aussi demandé le
renforcement du BINUCA, en soulignant le rôle important qu’il joue en
particulier dans les domaines de la DDR, des droits de l’homme et de la
consolidation de la paix.
Pour
l’Observateur permanent de l’Union africaine, M. Tete Antonio, la violence en
RCA est d’autant plus déstabilisatrice et difficile à contenir qu’elle a pris
un caractère communautaire et religieux. Il a indiqué que la MISCA
travaille étroitement avec les différents responsables centrafricains,
notamment dans l’optique d’accélérer le calendrier de la transition, ainsi que
pour la mise en place d’un processus de réconciliation entre les différentes
communautés nationales. La MISCA entend tirer profit de la relative
accalmie actuelle pour accélérer la mise en œuvre des plans de sectorisation de
Bangui et du reste du pays, ainsi que des programmes de DDR. Le
représentant a en outre annoncé que la Commission de l’Union africaine
s’apprêtait à déployer un premier groupe d’observateurs des droits de l’homme
pour soutenir la MISCA dans ce domaine. Les autorités de la transition,
a-t-il insisté, doivent accélérer la mise en route des structures de l’appareil
judiciaire du pays. Dans ce contexte, M. Antonio a invité la
communauté internationale à renforcer son appui à la MISCA, notamment à
l’occasion de la Conférence de donateurs prévue à Addis-Abeba le 1er février 2014.
Le
représentant du Tchad, M. Mahamat Zena Cherif, dont le pays siège depuis le 1er janvier au sein du Conseil de sécurité pour un mandat de deux ans, a exprimé sa
profonde préoccupation quant à l’ampleur et les tournures de plus en plus
dangereuses que la crise centrafricaine est en train de prendre, malgré
« le mandat robuste » accordé à la MISCA et aux autres forces
impliquées. L’insécurité généralisée a conduit au départ massif de
ressortissants étrangers vers leur pays d’origine comme le Tchad, le Cameroun,
le Sénégal, le Mali et bien d’autres, a-t-il souligné. Il a, en outre,
déploré des dizaines de morts et de centaines de disparus parmi les
ressortissants tchadiens qui continuent d’être rapatriés par voie aérienne et
terrestre. Une telle haine contre toutes les communautés étrangères, à
cause de leur appartenance religieuse, ne se justifie sous aucun prétexte et
devrait être condamnée de la manière la plus ferme, a-t-il déclaré. Le
Tchad, aux côtés des autres États d’Afrique centrale, reste et restera engagé,
comme il l’a fait depuis 1994, pour appuyer l’effort collectif visant à rétablir
la paix et la stabilité en RCA, a assuré son représentant. Il a ajouté
que le Tchad accueillera à N’Djamena, le 9 janvier 2014, un Sommet
extraordinaire de la CEEAC, auquel participeront tous les partenaires
internationaux, pour se pencher de nouveau sur la crise en République
centrafricaine.
Source : ONU
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