3 février 2014

ACTU : Le Conseil de sécurité débat des conclusions à tirer de l’analyse de la guerre et des moyens nécessaires pour parvenir à une paix durable

Catherine MAIA

Comment une interprétation commune du passé permet de renforcer la paix et la sécurité internationales ? Une soixantaine de délégations ont, le 29 janvier 2014, à l’aube d’une année de commémoration du déclenchement de la Première Guerre mondiale, réfléchi autour de la table du Conseil de sécurité à des exemples concrets de réconciliation sincère fondée sur le souvenir commun de l’histoire, ciment d’une paix durable.

Au cours de ce long débat intitulé « La guerre, ses enseignements et la quête de la paix permanente », initié par la Jordanie, qui assure la présidence mensuelle du Conseil de sécurité, l’accent a été mis en particulier sur l’importance de la justice, de la réconciliation, de la bonne gouvernance et de l’état de droit, ainsi que sur une approche visant à éviter les divergences dans l’interprétation de l’histoire qui soulèvent les peuples les uns contre les autres.

Parce que la reconstruction physique d’un pays ne suffit pas à effacer les instincts de revanche, le représentant de la Jordanie a jugé opportun que le Conseil de sécurité s’intéresse aussi aux aspects psychologiques des conflits.  Il a ainsi proposé la création d’une équipe de consultants en histoire qui aiderait les autorités des pays affectés, une fois que les armes se sont tues, dans leur effort de préservation des documents nécessaires à l’établissement d’une lecture partagée du passé.

Le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, M. Jeffrey Feltman, s’est félicité du fait que les Nations Unies soient de plus en plus impliquées dans les aspects non physiques de la consolidation de la paix. 

« Même si nous disposons d’outils qui ont fait leur preuve pour séparer les armées et rebâtir, nous avons moins réfléchi à notre capacité de reconstruire la confiance entre les communautés, et de réconcilier des visions contradictoires de l’histoire et de l’identité », a-t-il ajouté, cette réconciliation passant, selon lui, par la capacité des parties à assumer leurs responsabilités passées.  

Tout au long de ce débat thématique, les délégations ont tenté de tirer les leçons de l’histoire contemporaine, alors que le monde se prépare à commémorer le centenaire de la Première Guerre mondiale, catastrophe dont sont sortis les malheurs infinis du XXe, a souligné le représentant de la France, et le vingtième anniversaire du génocide rwandais.

Si le délégué d’Israël a rappelé que la guerre ne commençait pas avec les tirs d’armes à feu, mais lorsque les graines de la haine sont semées dans les cœurs de gens ordinaires, son homologue du Rwanda a salué l’exemple que constitue la réconciliation franco-allemande pour le reste du monde. 

« L’Allemagne et la France ont réussi ce que personne n’aurait pu espérer ni même penser en 1918 ou en 1945 », a déclaré le représentant français, après avoir notamment relaté l’horreur de la bataille de Verdun, où, en 1916, périrent 700 000 Français et Allemands.  « Il a fallu le génie de quelques-uns, la volonté et le courage de beaucoup, mais aussi de l’imagination et du temps pour créer des institutions communes où les jeunesses des deux pays ont appris à se connaître et leurs parents à coopérer. » 

« Traiter l’histoire de façon objective en reconnaissant les erreurs du passé est le meilleur moyen de construire un avenir sûr et stable », a dit le représentant du Royaume-Uni, dont le pays a admis sa responsabilité dans le « Bloody Sunday » du 30 janvier 1972 en Irlande du Nord, où 14 manifestants pacifiques furent tués par l’armée britannique.

De nombreux États ont convenu que la construction européenne a constitué l’un des meilleurs exemples de réconciliation.  « Le processus de l’intégration européenne a fait une réelle différence après des siècles de guerres et de conflits », a estimé le délégué de l’Union européenne, en expliquant que lorsque Robert Schuman avait annoncé la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) en mai 1951, il avait prédit que cette mise en commun des ressources rendrait impensable et impossible une guerre entre la France et l’Allemagne.

Plusieurs orateurs ont également estimé que la Cour pénale internationale (CPI) était un symbole mondial de la justice et un garant de la paix durable.  Néanmoins, pour le délégué de la Jordanie, l’un des faits qui démontre que le Conseil de sécurité n’a pas toujours pris en compte l’importance de la vérité dans le processus de résolution des conflits est le peu d’intérêt qu’il accorde à cette juridiction, alors même que, selon lui, seule la CPI pourrait, par des témoignages qu’elle recueille, produire des faits avérés susceptibles de servir la postérité.

S’agissant du rôle du Conseil de sécurité, les représentants de l’Iran et de l’Inde ont jugé que son incapacité à empêcher des génocides et des massacres justifiait la réforme de sa composition afin de le rendre plus efficace dans sa mission à « préserver les générations futures du fléau de la guerre ». 

Illustrant les tensions possibles autour des divergences de perception de la mémoire, les délégations de la République de Corée, de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) et de la Chine ont fustigé l’attitude du Premier Ministre japonais, lequel s’est rendu, le 26 décembre 2013, au sanctuaire Yasukuni, rendant ainsi hommage à 2,5 millions de soldats japonais morts au combat, mais aussi à des criminels de guerre. 

Si ces pays ont rappelé les exactions commises sur leur sol par l’armée impériale, le représentant du Japon a regretté que ce débat fût utilisé pour stigmatiser son pays qui a portant exprimé ses profonds remords à ce sujet.

Source : ONU

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