30 juin 2014

REVUE : Études internationales (vol. 45, n°1, mars 2014)

Catherine MAIA

Le dernier numéro de la revue Études internationales (vol. 45, n°1, mars 2014) vient de paraître avec un dossier spécial, dirigé par Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, consacré à "L'Afrique face à la justice pénale internationale".


SOMMAIRE

Cour pénale internationale et néo-colonialisme : au-delà des évidences
Frédéric Mégret

Le « néocolonialisme » de la Cour pénale internationale a été beaucoup critiqué, au motif que le procureur de la cpi se serait presque exclusivement intéressé à des affaires concernant le continent africain. Cet article tentera d’aller au-delà de la vision de ce néocolonialisme comme ressortissant uniquement d’une sur-représentation d’affaires africaines. Si néocolonialisme il y a, celui-ci tiendrait plus subtilement à un traitement postcolonial de l’Afrique à travers les catégories de la justice pénale internationale. Il importe de replacer les rapports justice pénale internationale / Afrique dans un « temps long » de l’introduction de la pensée et des pratiques pénales modernes sur le continent par le biais de la colonisation et de la construction de l’État postcolonial, notamment au regard de logiques d’exclusion/instrumentalisation/hybridation des formes de la justice traditionnelle.

Un (possible) apport africain à la justice internationale pénale
Diane Bernard

Ancrée dans l’histoire du droit pénal occidental, teintée d’individualisme et de formalisme, la justice internationale pénale gagnerait sans doute à se nourrir des mécanismes postconflictuels mis en œuvre par certains États africains, mobilisant des approches transitionnelles non pénales, voire extrajudiciaires. Exposant les avantages et les inconvénients des réponses pénales et non pénales aux « crimes les plus graves », l’article traite de leur articulation en termes juridiques : le droit pénal peut-il reconnaître ses alternatives ?

Le sens de la peine dans la première condamnation par la Cour pénale internationale
Damien Scalia

Cette contribution propose une analyse de la première condamnation prononcée par la Cour pénale internationale, par laquelle Thomas Lubanga Dyilo a été reconnu coupable de crimes de guerre (de conscription et d’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans) et condamné à 14 ans d’emprisonnement. Attendue depuis dix ans, cette décision aurait pu être l’occasion pour la Cour pénale internationale (cpi) de préciser son action en Afrique, notamment en clarifiant le sens des peines qu’elle prononce. Or, les juges ont interprété le régime applicable à la fixation de la peine, mais n’ont pas donné de véritable sens à cette dernière. Par manque de pédagogie, cette première peine prononcée est insatisfaisante, voire incompréhensible.

La Cour spéciale pour la Sierra Leone et la portée de son héritage
Viviane E. Dittrich

La fermeture de la Cour spéciale pour la Sierra Leone a intensifié le débat sur l’impact de la Cour. La question de la portée de son héritage est ainsi d’une actualité brûlante. S’agissant d’un sujet tant juridique que politique, cet article fait le choix d’interroger la notion même d’héritage plutôt que d’évaluer ou de mesurer de manière empirique cet héritage. Une reconceptualisation du processus de legs est proposée pour mieux l’apprécier comme processus de construction continue d’héritages – au pluriel – avec une diversité d’acteurs. La Cour se présentant comme précurseur d’une approche institutionnelle, les héritages sont d’ores et déjà devenus des lieux de contestation sur la signification de la Cour pour la Sierra Leone, l’Afrique et la justice pénale internationale.

Les Chambres africaines extraordinaires au sein des tribunaux sénégalais. Quoi de si extraordinaire ?
Raymond Ouigou Savadogo

À la lumière de l’affaire Hissène Habré, cet article illustre les obstacles liés à l’exercice de la compétence universelle en Afrique en faisant ressortir les différentes spécificités contextuelles et substantielles des Chambres africaines extraordinaires. Du point de vue du contexte, il revient sur les points saillants qui ont marqué le long processus de la création des Chambres et aborde la question de savoir si ce «nouveau-né» peut intégrer la catégorie des tribunaux internationalisés. Après une confrontation des différents points de vue sur leur nature et au regard des sept critères traditionnels, l’auteur arrive à la conclusion que les Chambres africaines extraordinaires constituent un tribunal internationalisé, bien qu’elles soient le plus « national » des tribunaux dans cette catégorie. Ce volet contextuel s’achève par une brève analyse de la question de savoir si, en poursuivant Habré devant un tel tribunal, le Sénégal se décharge de l’obligation qui est la sienne en vertu de la Convention contre la torture (Nations Unies 1984). En ce qui concerne les spécificités de substance, l’article examine les domaines de compétence et compare les différents crimes par rapport au cadre juridique existant.

La compétence universelle et l'Afrique : ingérence ou complémentarité?
Fannie Lafontaine


L’exercice de la compétence universelle met en évidence une contradiction potentielle entre des principes fondamentaux du droit international, soit, d’un côté, la souveraineté des États et la non-ingérence dans leurs affaires internes et, de l’autre, la lutte contre l’impunité pour les crimes internationaux. L’Union africaine, si elle s’est fréquemment positionnée en faveur d’un renforcement de la lutte contre l’impunité, s’oppose par ailleurs à ce qu’elle considère comme un exercice abusif de la compétence universelle par certains États, surtout européens. Cet article aborde, à la lumière des positions juridiques de l’Union africaine, certaines limites potentielles à l’exercice de la compétence universelle qui permettent une utilisation raisonnable de celle-ci.

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