15 juin 2015

OUVRAGE : SFDI, Droit international et développement

David ROY

L’équilibre a été gardé entre un regard rétrospectif sur le passé à la lumière du présent et une analyse en général lucide du droit tel qu’il va. Que l’on soit convaincu ou non par l’idée d’un « droit de la reconnaissance » (E. Tourme Jouannet), que l’on adhère ou non à l’idée d’une « gouvernance globale du développement » (M. Salah ; v. aussi les contributions de B. Gueye et G. Aïvo), que l’on estime la doctrine du security development nexus féconde ou non (M. Dubuy ; v. aussi la contribution d’E. Serrurier sur la gestion du développement en situation conflictuelle), ces tentatives de renouvellements conceptuels montrent d’abord que l’on ne peut s’en tenir à l’approche marxisante, essentiellement économiciste, qui inspirait les zélateurs du droit international du développement dont, à sa modeste place, faisait partie le signataire de ces lignes [ndr Alain Pellet] (qui n’en a pas de regret – à l’époque, c’était le bon combat).

Elles montrent aussi que, si l’on peut enrichir la notion, l’objectif d’atténuation des inégalités poursuivi par ce que j’avais appelé jadis le « droit social des nations » demeure incontournable. Le concept de développement durable centré sur l’humain, ce qui en fait un « droit de l’humanité » (C. Le Bris), si central dans les débats de Lyon (v. not., parmi d’autres, les contributions de V. Barral, M. Bennouna, E. Decaux, E. Gaillard, R. Khérad, M-P. Lanfranchi ou I. Michallet), en témoigne de manière éclatante : le développement est l’objectif, mais il est pensé maintenant sur le long terme dans une perspective intergénérationnelle et indissociable de la préservation de l’environnement. Comme celui de maintien de la paix, le concept de développement est devenu de plus en plus « englobant » (H. Hamant) grâce, notamment, à la « fonction unificatrice » du droit au développement (K. Neri), qui ne doit pas, au demeurant, dissimuler l’« irréductible hétérogénéité des approches développementalistes » régionales (L. Burgorgue-Larsen).

La multiplication des acteurs du développement (« mal-développement » ? J-M Thouvenin), leur institutionnalisation (L. Boisson de Chazournes, A. Louwette), la recherche d’une « plurijuridicité » assurant « la participation de tous les acteurs concernés, dans leur pluralité et leur diversité » à l’élaboration des normes pour le développement (A. Geslin), confirment la fin du monopole étatique en ce domaine (mais a-t-il jamais été une réalité ?). Peut-on en déduire la mort de la souveraineté ? Certes, dans les années 1960 et 1970, les pays du Tiers Monde étaient obsédés par la nécessité d’affirmer la leur, minée par les inégalités de développement ; la prégnance dans leurs préoccupations de la « souveraineté permanente sur les ressources naturelles et les activités économiques » est le signe de cette (à l’époque) légitime obsession. Selon la formule célèbre de Louis Henquin, il est assurément prématuré d’envoyer les faire-part de décès ; mais la prise de conscience des indispensables solidarités transfrontières, autant que le fait brut (et parfois brutal) de la globalisation conduisent tout esprit raisonnable à avoir de la souveraineté une conception bien tempérée et à y voir la source de devoirs autant que de droits – mais, des droits et des devoirs qui incombent à l’Etat et, parfois, à lui seul– et d’une « responsabilité partagée » (D. Gnamou).

C’est toute la dialectique – peut-être suffit-il de dire que c’est tout l’équilibre à réaliser ? mais ce qui est trop simple indiffère ! – entre le droit au développement et la responsabilité de protéger, équilibre dont l’aboutissement normatif est encore incertain (v. les contributions de J. d’Aspremont ou d’Y. Nouvel, qui décrit l’effacement – peut-être moins marqué qu’il l’écrit – de la question du développement dans le droit de l’investissement) même si l’on est à la recherche de nouveaux instruments de développement, dont les accords ou les contrats de partenariat économique (M. Cardon et J.-F. Sestier) sont un bon exemple, et de nouvelles techniques contractuelles (notamment en matière de « part locale » – M. Audit) ou conventionnelles (vers une OMC à la carte ? – H. Ghérari).

Les quelques lignes qui précèdent n’ont nullement l’ambition de rendre compte de la richesse des contributions au colloque 2014 de la SFDI. Elles suffisent cependant peut-être à confirmer et les propos introductifs de S. Doumbé-Billé : le développement continue de « hanter » le droit international ; et la conclusion de P.-M. Dupuy : il fallait venir à Lyon ! Mais, si ce n’était pas votre cas, il est encore possible de vous « rattraper » en vous plongeant dans ce volume qui en restitue les Actes.
« Préface » 
Alain Pellet


TABLE DES MATIERES

Avant-ProposStéphane Doumbé-Billé
PréfaceAlain Pellet

I. La notion de développement en droit international hier et aujourd’hui
Rapport introductif, S. Doumbé-Billé
Droit du développement et droit de la reconnaissance, les « piliers » juridiques d’une société́ internationale plus juste ?, E. Tourme Jouannet
Le droit du développement, une « invention » francophone ?, G. Feuer
Débats
II. Les acteurs
Le renouvellement du rôle des acteurs, rapport général, M. Salah
Les fonds souverains et le (mal) développement, J. M. Thouvenin
Les panels d’inspection, L. Boisson de Chazournes
La collaboration public/privé à travers le modèle des contrats de partenariats, J.-F. Sestier
Le NEPAD : cadre institutionnel de l’appui international à la paix et au développement en Afrique, D. Gnamou
Débats
III. Les instruments
Droit international et développement : les instruments et les sources, J. d’Aspremont
Les accords de partenariats économiques, M. Cardon
Les obligations relatives a la « part locale » dans les contrats d’Etat, M. Audit
Développement, bonne gouvernance et lutte contre la corruption, B. Gueye
Débats
IV. Le développement dans le contentieux international
Le développement et le contentieux général, M. Bennouna
Le développement dans le contentieux transnational de l’investissement, Y. Nouvel
Débats
ATELIERS

Atelier 1. Développement et maintien de la paix
Rapport général - H. Hamant
L'artificialité́ du security-developement nexus dans le cadre de la lutte contre le terrorisme : le choix d’une méthode contreproductive / M. Dubuy
Le développement dans le mandat du maintien de la paix : observations sur les missions au Darfour et au soudan du sud / E. Serrurier
Le développement à l’épreuve des conflits armés en Afrique / G. Aïvo
Atelier 2. Développement et droits de l’Homme
Rapport général, K. Neri
L’identité́ juridique du droit au développement : un droit de l’humanité́ en interaction avec les droits de l’Homme, C. Le Bris
La dimension sociale du développement durable : aspects de droits fondamentaux, D. Sinou
Les politiques et procédures opérationnelles de la banque mondiale : renforcement ou affaiblissement de la protection des droits de l’Homme ?, A. Louwette
Conclusions, E. Decaux
Atelier 3. Développement et environnement
Rapport général, I. Michallet
Le principe des responsabilités communes, mais différenciées dans les instruments internationaux relatifs à la protection de la biodiversité́, M.P. Lanfranchi
Développement durable et droits de l’Homme : vers la reconnaissance de droits de l’Homme des générations futures ?, E. Gaillard
Retour sur la fonction du développement durable en droit international : de l’outil herméneutique à l’obligation de s’efforcer d’atteindre le développement durable, V. Barral
V. Perspectives : quel avenir pour le droit international du développement ?
La régionalisation du développement, L. Burgorgue Larsen
L’avenir du cycle de DOHA ?, H. Ghérari
La lutte contre la pauvreté́ : une nouvelle finalité́ du droit international du développement ?, R. Khérad
Réflexion sur l’élaboration des normes de développement, A. Geslin

Conclusions

Grandeur et servitudes du droit du développement, P.-M. Dupuy



SFDI, Droit international et développement (Colloque de Lyon),
Paris, Pedone, 2015 (504 pp.)


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