1 octobre 2015

ACTU : La France ouvre une enquête pour crimes contre l’humanité contre la Syrie

Kadidiatou HAMA

Une enquête préliminaire pour crimes contre l’humanité a été ouverte en France le 15 septembre, visant le régime du président Bachar Al-Assad, pour des exactions commises en Syrie entre 2011 et 2013. Le parquet de Paris a ouvert cette enquête après un signalement du Quai d’Orsay. Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a expliqué cette démarche : « Face à ces crimes qui heurtent la conscience humaine, à cette bureaucratie de l’horreur, face à cette négation des valeurs d’humanité, il est de notre responsabilité d’agir contre l’impunité de ces assassins ».

L’enquête se base notamment sur le témoignage de « César », un ex-photographe de la police militaire syrienne qui s’est enfui de Syrie en juillet 2013, en emportant sur une carte-mémoire 55 000 photographies effroyables de corps torturés, représentant environ 11 000 personnes tuées en détention.

Ces clichés ont nourri le rapport, dévoilé le 20 janvier 2014 par la chaîne américaine CNN et le quotidien britannique The Guardian, qui accuse le régime syrien d’avoir torturé et tué « à l’échelle industrielle ».

Les photographies font partie d'une série de 55 000, sortie clandestinement de Syrie l'an dernier par « César ».
© Reuters/Lukas Jackson

Jusqu’à cinquante corps par jour

Longtemps chargé de prendre en photo des scènes de crimes ou d’accident, « César » s’est vu affecter à une tout autre tâche après le début de la révolte syrienne, en mars 2011 : tirer le portrait des opposants, réels ou supposés, qui ont été torturés à mort ou froidement exécutés dans les geôles du régime.

Un travail de recensement photographique aussi méticuleux que mortifère, une bureaucratie de la barbarie menée dans un double but : d’une part, permettre aux autorités de délivrer un certificat de décès aux familles à la recherche d’un frère ou d’un père disparu, en mettant son trépas sur le compte d’un « problème respiratoire » ou d’une « attaque cardiaque » ; d’autre part, permettre aux tortionnaires de confirmer à leur hiérarchie que la sale besogne a bien été accomplie.

A l’hôpital militaire où il est assigné, « César » reçoit jusqu’à cinquante corps par jour. Chacun d’eux nécessite quinze à trente minutes de travail, car quatre à cinq clichés sont requis pour constituer le dossier de décès. Le spectacle de la sauvagerie des services de sécurité syrien éprouve durement le photographe légiste. Il est mûr pour passer à la rébellion.

L’exposé morbide effectué par le photographe militaire fait d’autant plus froid dans le dos que les 55 000 photos sont censées avoir été prises sur seulement deux sites : l’hôpital de Mezzeh et celui de Teshrin, toujours à Damas.

Yeux arrachés, cadavres torturés

Ecrit en anglais en lettres couleur sang, et intitulé Assad's secret massacres (Les massacres secrets d'Assad), ce photoreportage était destiné aux instances internationales, dont l'ONU, pour instruire un dossier sur la responsabilité du régime dans des « tortures de masse ». Damas avait alors qualifié ce rapport de « politique ». Pour le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, le « rapport César » témoigne de la « cruauté systématique du régime de Bachar Al-Assad ».

Les milliers de photos d'une cruauté insoutenable ont été authentifiées par de nombreux experts et projetées à Paris, en 2014, à l'Institut du monde arabe lors d'une conférence de presse. Elles montrent des cadavres torturés et morts de faim dans les prisons du régime. On y voit des personnes avec des lésions sur le dos ou le ventre, des yeux arrachés, des corps décharnés et aussi une centaine de cadavres gisant dans un hangar, au milieu de sacs plastique destinés à les enterrer.

Travail sur la base de photographies

Pour savoir si la justice française est compétente pour juger les responsables présumés de ces crimes, il faut qu’un Français ou un Franco-Syrien figure parmi les victimes, ce que s’attachent à savoir les gendarmes de l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité, les génocides et les crimes de guerre (OCLCHGCG).

Ils travailleront notamment à partir des photos accumulées pendant deux ans par cet homme se faisant appeler « César », qui fut photographe aux ordres du régime syrien avant d’être exfiltré de Syrie en juillet 2013. Il dit avoir travaillé dans une unité de documentation de la police militaire syrienne.

L’annonce de cette enquête est faite alors que la crise syrienne est au centre de la 70session de l’Assemblée générale des Nations Unies qui se tient actuellement. Le président français, François Hollande, a affirmé à l’ONU qu’« on ne peut pas faire travailler ensemble les victimes et le bourreau », excluant ainsi Bachar Al-Assad d’une solution politique au conflit. Le président américain, Barack Obama, a insisté sur le départ du président syrien pour vaincre les djihadistes de l’Etat islamique (EI), alors que le président russe, Vladimir Poutine, insiste pour le maintenir au pouvoir.




Sources : AFP/Reuters/Le Monde

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