28 octobre 2015

ACTU : L’Assemblée générale de l'ONU réclame la levée du blocus américain contre Cuba

Catherine MAIA
Le 27 octobre, l’Assemblée générale a réclamé à l’unanimité moins deux voix la levée du blocus américain contre Cuba en arguant de sa contravention à l’esprit de la Charte des Nations Unies et de son anachronisme, alors que l’année écoulée a vu le rétablissement des relations diplomatiques entre les deux pays 54 ans après leur rupture.
Dans une résolution A/70/120, adoptée par 191 voix sur 193 et longuement saluée par la salle qui a fait une ovation debout, l’Assemblée générale « se félicite » du rétablissement des relations diplomatiques et « salue » la volonté du Président des États-Unis d’œuvrer à la levée du blocus économique, financier et commercial contre Cuba. Mais elle reste « préoccupée » par les conséquences « préjudiciables » du blocus en vigueur depuis 1962 pour la population cubaine, de l’intérieur comme de l’extérieur.

La résolution, présentée pour la vingt-quatrième année consécutive, avait recueilli 188 voix l’an dernier. Unique voix « contre » cette année, avec celle des États-Unis, le délégué d’Israël a justifié son vote comme « le reflet des relations spéciales » de son pays avec les États-Unis dont le représentant a regretté de voir une résolution qui ne fait pas avancer les choses et qui est une erreur. Nous n’attendons pas que Cuba et les États-Unis oublient le passé du jour au lendemain, mais il est « malheureux » que malgré les progrès, Cuba présente aujourd’hui un texte « presque identique » à ceux du passé.

De très nombreux pays ont continué de dénoncer le caractère « cruel », « arbitraire », « injuste » et surtout « inefficace » d’une mesure décrétée unilatéralement par les États-Unis et dont le Président, M. Barack Obama, a lui-même reconnu qu’elle avait échoué et avait isolé son pays, a souligné le Ministre cubain des affaires étrangères, M. Bruno Rodriguez Parilla.

Citant le Rapport du Secrétaire général, le Ministre a indiqué qu’entre avril 2014 à avril 2015, le total des pertes liées à l’embargo s’est élevé à plus de 3,8 milliards de dollars pour Cuba.  Sur plus d’un demi-siècle, cette somme dépasse les 121 milliards de dollars. Tout en saluant « les progrès enregistrés pour la première fois en 2015 », M. Rodriguez Parilla a aussi remarqué que depuis les annonces américaines du 17 décembre 2014, aucune modification « tangible et substantielle » n’avait eu lieu : produits alimentaires et médicaments restent toujours aussi difficiles d’accès, le préjudice humain, les carences et les privations sont « incalculables » pour les familles et 77% des Cubains nés sous l’embargo en subissent l’impact négatif depuis leur naissance.

Pour autant, vouloir conditionner la levée du blocus à des changements internes à Cuba est « inacceptable et contre-productif », car Cuba ne négociera ni son système socialiste ni son indépendance, a prévenu le Ministre des Affaires étrangères, saluant au passage le courage du peuple cubain et l’appui « toujours plus marqué » de la population américaine à la levée de l’embargo.

Renoncer à un embargo qui n’a « servi à rien » relèverait d’ailleurs d’une question de justice pour une population qui a fait preuve d’une résistance « héroïque », a commenté le représentant de l’Équateur.  Mais au-delà, a poursuivi celui du Mexique, sa levée profiterait à toute la région en permettant à Cuba de prendre sa place dans les échanges. Outre les dommages qu’il inflige à la population cubaine, notamment au plan sanitaire comme l’a souligné la Bolivie, évoquant une fillette leucémique de 7 ans, le blocus apparait d’autant plus arbitraire qu’il pénalise d’autres pays et sociétés hors de Cuba.

C’est d’ailleurs ce qui a motivé le vote du Luxembourg a expliqué sa représentante, au nom de l’Union européenne, citant les conséquences de la loi Helms-Burton de 1996, qui étend les effets de l’embargo aux pays tiers.  Il est « inacceptable » que des mesures imposées unilatéralement entravent les relations économiques et commerciales de l’UE avec Cuba », a-t-elle insisté.

L’Afrique du Sud, au nom du Groupe des 77, et la Chine et l’Iran, au nom du Mouvement des non-alignés, ont également dénoncé ces lourdes pénalités financières qui ont pu viser récemment des banques française et allemande coupables d’avoir commercé avec Cuba.  Ils ont accusé le Congrès américain de bloquer tout progrès même s’ils ont noté que Cuba avait enfin quitté la liste des États terroristes dans laquelle il n’aurait « jamais dû figurer » selon le représentant sud-africain.

Pour le Venezuela, lui-même ciblé de sanctions américaines, la résolution de l’Assemblée générale constitue un message adressé aux États-Unis pour qu’ils arrêtent « de jouer au policier et au gendarme du monde ». Que les États-Unis cessent de prétendre imposer leur propre vision politique et économique au monde, a lancé le représentant à un homologue américain qui a assuré que son pays restera impliqué dans le travail « ardu » que suppose le rétablissement des relations bilatérales et déterminé à défendre les droits humains. Il n’a pas été contredit par le Ministre cubain qui a avoué : « tout en reconnaissant nos divergences, nous avons entamé le dialogue sur les droits humains. Ce pourrait être une modeste contribution à la recherche d’un nouveau type de relations entre les êtres humains et les nations à une époque marquée par les changements climatiques, les pandémies et le terrorisme ».

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