16 novembre 2016

ACTU : Plaidoyers en faveur du maintien et de l’élargissement de la participation des États à la CPI

Catherine MAIA

Le 28 octobre dernier, lors d'une réunion du Conseil de sécurité, le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a exprimé ses regrets face aux annonces successivement faites par trois pays africains (Burundi, Gambie, Afrique du Sud) de leur intention de notifier leur retrait du Statut de la Cour pénale internationale (CPI).

Certes, la justice internationale pénale connaît des failles depuis la création de la CPI. Non seulement certains craignent que la CPI condamne uniquement des Africains, en dépit de l’existence de preuves de crimes dans d'autres parties du monde, mais il a admis que : « Les poursuites peuvent prendre de nombreuses années. Tous les pays n'acceptent pas la compétence de la CPI. Même certains de ceux qui l'acceptent, ne soutiennent pas toujours la Cour pleinement ».

M. Ban Ki-moon a toutefois tenu à souligner que : « Le monde a fait d'énormes progrès dans la construction d'un système global de justice pénale internationale, avec la Cour pénale internationale comme pièce maîtresse. La CPI et d'autres tribunaux internationaux sont arrivés à des condamnations historiques ». Et d’ajouter : « Prévenir de futures atrocités, rendre la justice pour les victimes, et défendre les règles de la guerre à travers le monde sont des priorités trop importantes pour risquer une retraite de l'ère de la responsabilité que nous nous sommes efforcés de construire et de solidifier ».

Quelques jours plus tard, le 31 octobre 2016, à l'occasion de la présentation du rapport annuel de la CPI à l'Assemblée générale, la Présidente de la Cour, la Juge Silvia Fernández de Gurmendi, a déclaré que non seulement la participation des États doit être maintenue, mais elle doit être élargie afin de pouvoir, partout dans le monde, traduire en justice les responsables de crimes et protéger les victimes.

Visant plus spécifiquement les récentes déclarations de retrait de la CPI de la part de trois pays africains, Mme Fernández a tenu à insister sur l'importance pour les États en particulier et pour la communauté internationale en général de maintenir l’engagement de lutter contre l'impunité et la promotion de l'état de droit.

Rappelant le contexte de l’émergence de la Cour, Mme Fernández a déclaré que : « La CPI a été créée en 1998 par des pays de tous les continents, avec le soutien de la société civile, dans le but d'enquêter et de poursuivre les auteurs de crimes de génocide, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre, qui qu'ils soient » ; « En faisant de la CPI une institution judiciaire permanente et indépendante, les États ont reconnu le lien qui existe entre justice, paix et développement durable (…) ».

Si, au cours des deux dernières décennies, des progrès significatifs ont été accomplis afin de « consolider le rôle de la justice pénale internationale en tant que partie intégrante de la réponse apportée par la communauté internationale aux conflits armés et atrocités de masse », Mme Fernández a également précisé les implications du principe de complémentarité : « La Cour n'a pas été créée pour entrer en compétition avec les États ou les remplacer. Au contraire, le droit et, de fait, le devoir d'enquêter et de poursuivre les auteurs de ces crimes revient d'abord aux États. Le rôle de la Cour est de rendre justice seulement si les États y échouent ».

Par ailleurs, la Présidente de la CPI a énuméré un certain nombre d’éléments positifs : « Depuis sa création, la Cour a accompli beaucoup pour s'attaquer aux crimes touchant l'ensemble de la communauté internationale, tels que l'usage d'enfants soldats, la violence sexuelle en temps de conflit armé, les attaques contre les civils et la destruction de biens culturels. Significativement, la création de la CPI a donné une voix aux victimes, qui ont la possibilité de participer aux procédures judiciaires et de demander réparation. Le Fonds au profit des victimes, en collaboration avec la Cour, a prêté assistance à plus de trois cent mille victimes en leur offrant une possibilité de réhabilitation physique et psychologique de même qu'un soutien matériel ».

En conclusion, « la Cour fait son travail » et a même « entrepris un nombre important de réformes pour augmenter la rapidité et la qualité des poursuites et des procédures judiciaires. L'engagement de la Cour à rendre une justice de qualité est illustré par les résultats significatifs que nous avons obtenus cette année ». De fait, le volume d'activité judiciaire de la CPI en 2015-2016 a été inédit, avec trois jugements et deux procès tenus dans leur intégralité, tandis que deux autres procès sont en cours et qu’il est prévu qu'un autre débute prochainement. Des procédures en réparation sont en cours dans quatre affaires. Au total, dix situations font actuellement l'objet d'enquêtes par la Cour.

L'enquête la plus récente concernant la Géorgie a été ouverte le 27 janvier 2016. A cet égard, dans le
rapport annuel de la CPI sur les activités menées en 2016 en matière d’examen préliminaire, paru le 14 novembre, la Procureure, Fatou Bensouda, a qualifié le rattachement de la Crimée à la Russie de « conflit armé international entre l'Ukraine et la Russie qui débute le 26 février 2014 », ce qui a pour conséquence que « le droit des conflits armés internationaux continue à s'appliquer après le 18 mars 2014, date du référendum, dans la mesure où la situation se rapporte à un état d'occupation en cours ». Dès le lendemain, le Président russe, Vladimir Poutine, décidait, à l’instar des Etats-Unis en 2002, de retirer par décret la signature de la Russie du Statut de la CPI qu’elle n’a jamais ratifié. Cette annonce est intervenue tandis que l’Assemblée annuelle de ses 124 Etats membres débutait, le même jour, à La Haye, avec pour ordre du jour de « circonscrire la crise ».

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