19 décembre 2016

NOTE : Armes nucléaires : pression diplomatique ou diplomatie de pression

Jean-Marie COLLIN

En prévision du vote de l’ONU de la Résolution L.41 créant un processus de négociations d’interdiction des armes nucléaires, la diplomatie française aurait exercé des pressions sur certains États pour les contraindre à voter «non» à ce texte. Le 28 septembre dernier, en effet, une dépêche de l’agence Associated Press («Non-nuclear states advance push for UN treaty to ban nukes») mentionne que «les États promoteurs d’une interdiction des armes nucléaires sont soumis à une pression incroyable des puissances nucléaires, chacune se répartissant des zones régionales spécifiques pour réaliser cette action». La France, par exemple, devait se focaliser sur les pays africains, la Grande-Bretagne avec les États-Unis se polarisant sur les partisans potentiels de l’interdiction en Europe et les autres États couverts par le parapluie nucléaire américain.

C’est pourquoi certains États — pourtant favorables à ce processus et aux déclarations d’organisations régionales dont ils sont membres — se sont abstenus ou étaient tout simplement absents lors du vote. Ainsi, s’il était assez logique de voir l’Amérique latine et les Caraïbes voter «oui» (29 États sur 33) au vu de leur histoire (première zone exempte d’armes nucléaires depuis 1967), les abstentions de la Guyana et du Nicaragua sont à contrecourant du positionnement des organisations (Caricom, Celac, Opanal, Unasur) dont ces États sont membres. Doit-on, dès lors, y voir le résultat de pressions de la part de la Grande Bretagne sur son ancienne colonie de Guyana et des États-Unis sur le Nicaragua ?

Concernant la France, la dépêche de l’AP apparaît encore plus crédible au vu des informations données par des représentants du ministère des Affaires étrangères à ICAN France, indiquant avoir «envoyé des messages faisant part de sa préoccupation de l’existence de cette initiative aux pays francophones». L’absence de vote du Sénégal (acteur fort de la diplomatie africaine et qui fut toujours favorable à ce processus), de Djibouti (allié majeur de la France en Afrique), les absentions du Mali et du Maroc semblent ainsi trouver une explication.

Du reste, le ministère des Affaires étrangères français a cru bon d’adresser aussi une «Lettre d’instruction» aux 74 eurodéputé(e)s français pour leur demander clairement de rejeter une Résolution «Sécurité nucléaire et non-prolifération» du Parlement européen qui soutenait (points 6 et 7) la Résolution de l’ONU. Il faut croire que cela a marché. Car, si nous observons le résultat du vote, la Résolution a été déposée par 3 eurodéputés français du groupe S&D, mais il semble que cette lettre ait changé la position de deux d’entre eux, puisqu’ils ont décidé de s’abstenir lors du vote. L’impact global est certes faible, mais existe donc bien...

Il est logique qu’un État cherche à expliquer pourquoi « il a raison » mais, dans ce cas, tout porte à croire que ce ne fut pas juste une bataille argumentaire...


Source : PNND France Lettre d’information parlementaire n°6, 2016

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