6 juin 2020

ACTU : Bataille judiciaire entre le Venezuela et la Banque d’Angleterre sur fond de lutte contre la pandémie de Covid-19

Catherine MAIA

Dans une lettre datée du 26 mai 2020 adressée au président du Conseil de sécurité, le représentant permanent du Venezuela auprès de l’Organisation des Nations Unies a dénoncé vertement le refus de la Banque d’Angleterre de restituer les importantes réserves d’or vénézuéliennes dont elle a la garde comme « le plus grand vol qu’ait connu la République bolivarienne du Venezuela dans son histoire récente », alors que l’humanité doit faire face à la pire pandémie de ce dernier siècle.

Si l’on en croit les chiffres officiels, la progression de la pandémie de Covid 19 est relativement lente au Venezuela, dont la situation semble meilleure que ses voisins. Toutefois, elle intervient dans un pays non seulement déjà durement touché par la récession économique et l’effondrement du prix du pétrole, mais également cible de multiples embargos, sanctions et blocus, d’où la nécessité de trouver rapidement des moyens financiers pour faire face à la pandémie.

C’est dans ce contexte que, le 14 mai, le Venezuela a décidé d’entamer une action en justice contre la Banque d’Angleterre, afin de contester son objection à la restitution de ses réserves d’or, soit directement auprès de sa banque nationale, soit indirectement auprès du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) ayant accepté de superviser leur utilisation. De son côté, la Banque d’Angleterre fonde son objection sur le manque de légitimité du gouvernement de Nicolás Maduro. En 2018, sa réélection à la présidence, à l'issue d'un scrutin contesté, avait été suivi d'une grave crise politique au cours de laquelle Juan Guaidó, alors président de l’Assemblée nationale, s’était autoproclamé président par intérim en janvier 2019.

À cet égard, la Banque d’Angleterre suit la position officielle du gouvernement britannique, lequel a décidé de ne pas reconnaître le président Nicolás Maduro en tant que chef d’État de la République bolivarienne du Venezuela. Tandis que Nicolás Maduro est soutenu par la Chine, la Russie, l’Iran et la Turquie, son opposant Juan Guaidó est reconnu comme président légitime du Venezuela par une cinquantaine de pays, dont les États-Unis, l’Union européenne et la plupart des pays latino-américains, à l’exception de Cuba, du Guyana, du Suriname, de l’Équateur et de l’Uruguay.

En mars, le Venezuela s'était déjà vu refuser par le Fonds monétaire international une demande d'aide d’urgence en vue de l’achat de nourriture et de médicaments et de l’amélioration de ses infrastructures sanitaires, au motif qu'il n'y avait pas de reconnaissance claire du gouvernement et qu'accéder à cette demande reviendrait indirectement à prendre position sur cette question.

Dans sa lettre du 26 mai 2020, le Venezuela explique avoir déposé depuis une vingtaine d’années une partie de ses réserves d’or auprès de la Banque d’Angleterre. Ces réserves d’or, qui représentent actuellement environ un milliard de dollars, devaient constituer une réserve de valeur et permettre d’affermir la valeur de la monnaie nationale, ayant ainsi pour finalité de garantir la « bonne conduite des opérations financières internationales du Venezuela ».

Or, depuis le début de l’année 2019, à diverses reprises, la Banque d’Angleterre a refusé de se conformer aux instructions de la Banque centrale du Venezuela qui, en sa qualité de titulaire du compte et propriétaire des réserves d’or en question, souhaite liquider une partie de ces ressources, afin d’acquérir des biens et des services essentiels au peuple vénézuélien.

Pour le Venezuela, un tel comportement de la part de la Banque d’Angleterre est constitutif d’une violation du « caractère sacré des contrats et [du] droit international coutumier en ce qui concerne l’immunité d’exécution applicable aux réserves et actifs internationaux des banques centrales étrangères ». Son absence de neutralité lui aurait perdre toute crédibilité en matière de « gestion des ressources de pays dépositaires ». Quant au Royaume Uni, dont la Banque d’Angleterre est l’exécutant, elle se livrerait à un acte d’extermination qualifié de « crime contre l’humanité au sens prévu dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, étant donné qu’il impose ‘intentionnellement des conditions de vie, telles que la privation d’accès à la nourriture et aux médicaments, calculées pour entraîner la destruction d’une partie de la population’ ».

Plus globalement, c’est le blocus économique, commercial et financier subi par le Venezuela depuis plusieurs années qui est dénoncé, car il empêche le pays « d’avoir un accès normal au système financier international, au libre-échange et aux biens et services nécessaires pour assurer à la fois le bien-être de notre peuple et le respect de son droit à la vie, à la santé, à l’alimentation et au développement ».

Quelques jours seulement après la lettre envoyée au Conseil de sécurité, le 2 juin, l’opposition et le gouvernement vénézuélien annonçaient la conclusion d’un plan de coopération technique pour faire face à la crise humanitaire et sanitaire. Signé par un représentant des deux camps, ainsi qu’un représentant de l’Organisation panaméricaine de la Santé (OPS) ayant permis ce rapprochement, l’accord est destiné à rechercher des fonds au travers d’organismes internationaux. Au regard des relations très tendues entre Nicolás Maduro et Juan Guaidó, cet accord en dit long sur l’urgence de la situation sur place. 

Le président vénézuélien, Nicolas Maduro, exhibe plusieurs lingots d'or en 2018. Une partie des réserves du pays sont stockés à la Banque d'Angleterre.

Le président vénézuélien, Nicolas Maduro, exhibe plusieurs lingots d'or en 2018. Une partie des réserves du pays sont stockés à la Banque d'Angleterre. © Présidence du Venezuela, AFP

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