Le verdict vient de tomber en ce 5 novembre 2006 : l'ancien président irakien a été condamné à la peine capitale par pendaison par le Haut tribunal pénal irakien pour le massacre de 148 villageois chiites à Doujaïl en 1982. L'ex-président du Tribunal révolutionnaire, Awad Ahmed Al-Bandar, a également été condamné à mort. L'ancien vice-président irakien, Taha Yassine Ramadan, a été condamné, quant à lui, à la prison à vie. Trois anciens dirigeants locaux du parti Baas ont été condamnés à 15 ans de prison, un quatrième a été acquitté.
Photo : REUTERS/POOL ©
Saddam Hussein interpelle le Haut tribunal pénal irakien à l'énoncé de sa condamnation, le 5 novembre 2006.
POUR ALLER PLUS LOIN :
- Chronologie : « Saddam Hussein, 24 ans de dictature en Irak », dans LEMONDE.FR du 25/10/05, mis à jour le 05/11/06 :http://www.lemonde.fr/web/module_chrono/0,11-0@2-3218,32-701319@51-830708,0.html
- Dénonciation par la FIDH d'un procès inéquitable : http://www.fidh.org/article.php3?id_article=3783
La FIDH avait appelé au jugement de Saddam Hussein, et d’autres dignitaires irakiens, pour leur responsabilité présumée dans les crimes contre l’humanité perpétrés durant la dictature irakienne, et avait ainsi qualifié de « pas positif » dans la lutte contre l’impunité, l’ouverture de ce procès. Toutefois, la FIDH s’était inquiétée quant à la capacité du tribunal de garantir une procédure équitable aux accusés. Elle s’était prononcée en faveur de la mise en place d’un tribunal à composition mixte, dont la présence de juges et de personnels internationaux aurait dû garantir une justice équitable.
- Déclaration de la présidence de l’Union européenne (Bruxelles, 5 novembre 2006) :
La présidence de l'Union européenne prend note de la conclusion du premier procès devant le Haut tribunal pénal irakien et le verdict annoncé ce jour dans l'affaire dénommée de Dujail contre Saddam Hussein et sept co-défendeurs.
Au cours des années, l'Union européenne a maintes fois condamné les violations systématiques, répandues et très graves des Droits de l'Homme et des lois humanitaires internationales commises par le régime de Saddam Hussein.
L'établissement de la vérité et des responsabilités des crimes perpétrés au cours de l'ancien régime permettront de favoriser une réconciliation nationale et un dialogue futur en Irak. La nature des crimes et la nécessité d'une réconciliation nationale signifient que tous les procès doivent être menés dans le respect de toutes les exigences relatives à un procès équitable.
La présidence rappelle également la position prise depuis longtemps par l'Union européenne contre la peine de mort. L'Union européenne s'oppose à la peine capitale dans tous les cas et toutes les circonstances et elle ne doit également pas s'appliquer dans ce cas./.
- Me François ROUX, « Saddam Hussein ne doit pas être condamné à mort », Libération, 25 août 2004.
François Roux est avocat à Montpellier et devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Avocat engagé, il est notamment le défenseur de Zacarias Moussaoui et de José Bové.
RÉSUMÉ DE L'ARTICLE :
L’un des premiers actes de souveraineté du nouveau pouvoir intérimaire irakien aura donc été le rétablissement de la peine de mort, avec l’intention annoncée de l’appliquer à Saddam Hussein. On a tout dit, tout écrit sur cette autorisation légale de tuer et nous ne reprendrons pas ici le débat, mais nous nous contenterons de quelques réflexions.
Certains se demandent s’il est vraiment choquant d’appliquer la peine de mort à un dictateur accusé de l’avoir tant de fois utilisée sans procès sur d’innocentes victimes ou s’il n’y a pas de meilleures causes à défendre que celle de Saddam Hussein pour combattre cette peine. Avec ce raisonnement, autant refaire le procès Ceausescu. Pourtant, depuis cette lamentable parodie de justice, la communauté internationale s’est dotée de nouveaux organes judiciaires que sont les Tribunaux pénaux internationaux (TPIY pour l’ex-Yougoslavie et TPIR pour le Rwanda), les tribunaux dits mixtes (Sierra Leone, Est-Timor et bientôt Cambodge) et aujourd’hui la Cour pénale internationale. Ce faisant, elle s’est également dotée de nouveaux standards juridiques pour juger les principaux responsables politiques ou militaires, accusés des plus grands crimes. Or la peine maximale prévue par les textes adoptés par les États pour un génocide, le « crime des crimes », est la prison à perpétuité. Il faut rappeler avec force que la peine de mort a été abolie devant les juridictions pénales internationales.
Le Tribunal spécial irakien pour les crimes contre l’humanité (TSI), créé le 10 décembre 2003, a expressément prévu dans ses statuts (articles 6 et 8) que les juges et procureurs, qui seront irakiens, pourront être assistés dans leur tâche par des conseillers internationaux, recherchant par là une justice aux standards internationaux. Alors pourquoi et comment justifier le maintien de la peine de mort qui est aujourd’hui incompatible avec les standards internationaux ? Le débat sur la peine de mort pour Saddam Hussein et ses coaccusés est double : il est d’abord éthique car on ne saurait dénoncer un dictateur et utiliser ses méthodes et puis juridique, le tribunal pénal irakien ne saurait prétendre à respecter les standards internationaux tout en appliquant la peine de mort. Il faut mobiliser la communauté internationale contre l’usage de cette peine.
Commentaires
Le même jour, les procureurs ont présenté au tribunal des documents officiels incriminant personnellement, selon eux, l'ancien dirigeant irakien dans l'utilisation d'armes chimiques contre les Kurdes du nord de l'Irak. Une note du renseignement militaire datant de 1987 sollicite l'accord de la présidence pour l'usage de gaz moutarde et de sarin contre les Kurdes. Elle évoque aussi des «munitions spéciales» correspondant, selon le parquet, aux armes chimiques.
Un deuxième document montre en réponse que Saddam Hussein a ordonné au renseignement militaire d'envisager la possibilité de procéder à une «frappe soudaine» avec de telles armes contre les forces iraniennes et kurdes. La défense affirme pour sa part que les rebelles kurdes combattaient aux côtés des Iraniens durant la guerre Iran-Irak de 1980 à 1988 et que l'opération Anfal était donc légitime d'un point de vue militaire.
Source : REUTERS, 18 décembre 2006
Saddam Hussein is also being tried for murdering approximately 100,000 Kurds, some of whom were killed with poison gas. His hanging makes impossible any chance to testify about these atrocities. But the Chief judge Aref Shahin stated : “From tomorrow, any day could be the day of implementation” .
Depuis, ses partenaires américains ont publiquement pris leur distance. Témoignage de l'embarras de Washington, la Maison-Blanche a fait savoir que le Président Bush avait demandé au Premier ministre irakien d’«enquêter sur l'enregistrement et sur le comportement de certains lors de l'exécution». Le monde arabe sunnite, de son côté, reste indigné par cette «mise à mort». Quant à l'ONU, elle s'oppose à d'autres exécutions. Son nouveau Secrétaire général, Ban Ki-moon a déclaré le 2 janvier 2006 : «Chaque pays choisit individuellement d'appliquer la peine de mort mais j'exhorte chacun d'entre eux à appliquer l'ensemble du droit international humanitaire». Il vient ainsi appuyer l'appel lancé aux autorités irakiennes tant par le Haut-commissaire aux droits de l'Homme, Louise Arbour, que par le Représentant spécial du Secrétaire général pour l'Irak, Ashraf Qazi, d'épargner la mort à Barzan et Bandar.
The Court's first order of business was to drop all charges against Saddam. In this sense, the Chief Judge Mohammed Oreibi al-Khalifa said the Court decided to stop all legal action against the former president, since "the death of defendant Saddam was confirmed".
Six co-defendants still face charges of war crimes and crimes against humanity stemming from a military campaign code-named "Operation Anfal" during the 1980-88 Iraq-Iran war.