Saddam Hussein interpelle la Cour à l'énoncé du verdict dans le procès du massacre de Dujaïl, le 5 novembre 2006. L'ex-dictateur a été condamné à mort. | REUTERS/POOL
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Saddam Hussein interpelle le Haut tribunal pénal irakien à l'énoncé de sa condamnation, le 5 novembre 2006.

POUR ALLER PLUS LOIN :
Chronologie : « Saddam Hussein, 24 ans de dictature en Irak », dans LEMONDE.FR du 25/10/05, mis à jour le 05/11/06 :http://www.lemonde.fr/web/module_chrono/0,11-0@2-3218,32-701319@51-830708,0.html

Dénonciation par la FIDH d'un procès inéquitable : http://www.fidh.org/article.php3?id_article=3783
La FIDH avait appelé au jugement de Saddam Hussein, et d’autres dignitaires irakiens, pour leur responsabilité présumée dans les crimes contre l’humanité perpétrés durant la dictature irakienne, et avait ainsi qualifié de « pas positif » dans la lutte contre l’impunité, l’ouverture de ce procès. Toutefois, la FIDH s’était inquiétée quant à la capacité du tribunal de garantir une procédure équitable aux accusés. Elle s’était prononcée en faveur de la mise en place d’un tribunal à composition mixte, dont la présence de juges et de personnels internationaux aurait dû garantir une justice équitable.

Déclaration de la présidence de l’Union européenne (Bruxelles, 5 novembre 2006) :
La présidence de l'Union européenne prend note de la conclusion du premier procès devant le Haut tribunal pénal irakien et le verdict annoncé ce jour dans l'affaire dénommée de Dujail contre Saddam Hussein et sept co-défendeurs.
Au cours des années, l'Union européenne a maintes fois condamné les violations systématiques, répandues et très graves des Droits de l'Homme et des lois humanitaires internationales commises par le régime de Saddam Hussein.
L'établissement de la vérité et des responsabilités des crimes perpétrés au cours de l'ancien régime permettront de favoriser une réconciliation nationale et un dialogue futur en Irak. La nature des crimes et la nécessité d'une réconciliation nationale signifient que tous les procès doivent être menés dans le respect de toutes les exigences relatives à un procès équitable.
La présidence rappelle également la position prise depuis longtemps par l'Union européenne contre la peine de mort. L'Union européenne s'oppose à la peine capitale dans tous les cas et toutes les circonstances et elle ne doit également pas s'appliquer dans ce cas./.

Me François ROUX, « Saddam Hussein ne doit pas être condamné à mort », Libération, 25 août 2004.
François Roux est avocat à Montpellier et devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Avocat engagé, il est notamment le défenseur de Zacarias Moussaoui et de José Bové.

RÉSUMÉ DE L'ARTICLE :
L’un des premiers actes de souveraineté du nouveau pouvoir intérimaire irakien aura donc été le rétablissement de la peine de mort, avec l’intention annoncée de l’appliquer à Saddam Hussein. On a tout dit, tout écrit sur cette autorisation légale de tuer et nous ne reprendrons pas ici le débat, mais nous nous contenterons de quelques réflexions.
Certains se demandent s’il est vraiment choquant d’appliquer la peine de mort à un dictateur accusé de l’avoir tant de fois utilisée sans procès sur d’innocentes victimes ou s’il n’y a pas de meilleures causes à défendre que celle de Saddam Hussein pour combattre cette peine. Avec ce raisonnement, autant refaire le procès Ceausescu. Pourtant, depuis cette lamentable parodie de justice, la communauté internationale s’est dotée de nouveaux organes judiciaires que sont les Tribunaux pénaux internationaux (TPIY pour l’ex-Yougoslavie et TPIR pour le Rwanda), les tribunaux dits mixtes (Sierra Leone, Est-Timor et bientôt Cambodge) et aujourd’hui la Cour pénale internationale. Ce faisant, elle s’est également dotée de nouveaux standards juridiques pour juger les principaux responsables politiques ou militaires, accusés des plus grands crimes. Or la peine maximale prévue par les textes adoptés par les États pour un génocide, le « crime des crimes », est la prison à perpétuité. Il faut rappeler avec force que la peine de mort a été abolie devant les juridictions pénales internationales.
Le Tribunal spécial irakien pour les crimes contre l’humanité (TSI), créé le 10 décembre 2003, a expressément prévu dans ses statuts (articles 6 et 8) que les juges et procureurs, qui seront irakiens, pourront être assistés dans leur tâche par des conseillers internationaux, recherchant par là une justice aux standards internationaux. Alors pourquoi et comment justifier le maintien de la peine de mort qui est aujourd’hui incompatible avec les standards internationaux ? Le débat sur la peine de mort pour Saddam Hussein et ses coaccusés est double : il est d’abord éthique car on ne saurait dénoncer un dictateur et utiliser ses méthodes et puis juridique, le tribunal pénal irakien ne saurait prétendre à respecter les standards internationaux tout en appliquant la peine de mort. Il faut mobiliser la communauté internationale contre l’usage de cette peine.