Organisée les 11 et 12 décembre 2006 par le ministère iranien des Affaires étrangères, une conférence intitulée «Examen de l'Holocauste : vision globale» a, derrière le prétexte avancé d’«étudier la question», essentiellement donné la parole à des révisionnistes, dont une trentaine d'étrangers, remettant en cause la véracité de l'extermination par les nazis d'au moins six millions de Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.
Cette conférence s’est attirée de vives critiques de la communauté internationale et de l’ONU. Ainsi, dans un communiqué publié le 12 décembre à Paris, le directeur de l'UNESCO, Koïchiro Matsuura, a déclaré que «Toute tentative pour remettre en question ou nier la réalité de l'Holocauste ou de tout autre crime contre l'humanité est à déplorer profondément», ajoutant que «Face aux tentatives de réécriture de l'histoire auxquelles nous assistons, je ne peux que rappeler de la façon la plus vigoureuse que nous avons un impératif moral d'analyser et de transmettre, sans falsification, sans altérations ni oubli, le passé. L'UNESCO a un rôle majeur à jouer dans ce travail de transmission, qui s'adresse tout particulièrement aux jeunes générations».
Le 14 décembre, aussitôt après avoir prêté serment pour succéder au Ghanéen Kofi Annan, le futur Secrétaire général des Nations Unies, le Sud-Coréen Ban Ki-moon, a également déclaré lors d’une conférence de presse que la négation de l'Holocauste pas davantage que la destruction d’un État n'est pas acceptable, faisant une allusion manifeste à des déclarations du président iranien Mahmoud Ahmadinejad selon lesquelles Israël doit être «rayé de la carte» et «va bientôt disparaître».
Plusieurs intellectuels iraniens ont également condamné la conférence sur l’Holocauste. «Que nous apporte la négation de l'Holocauste ? Est-ce qu'une telle négation rend encore plus illégitime les crimes d'Israël contre les Palestiniens ? Est-ce qu'une telle négation (...) ne profite pas seulement à Hitler et aux nazis ?», a demandé l'intellectuel réformateur Abbas Abdi, dans un article publié le 14 décembre par le quotidien Etemad Melli. «Même en tant que Palestinien, il n'y a rien de mieux à faire, face aux crimes d'Israël, que de condamner l'Holocauste et participer à toute cérémonie le commémorant», a ajouté Abbas Abdi. Pour sa part, s’exprimant dans le même quotidien, Sadegh Zibakalam, un intellectuel modéré et professeur de sciences politiques, a jugé que la tenue de cet évènement était un «cadeau aux ennemis du pays», car il permet à beaucoup d'«assimiler l'Iran aux néo-nazis et racistes anti-juifs», dénonçant le coût élevé de la tenue de cette conférence pour l'Iran en terme d'image.
Commentaires
« Du fait de sa complicité avec les négateurs du Mal absolu que fut la Shoah, l'IPIS a perdu sa qualité d'interlocuteur valable, de partenaire acceptable », expliquent les signataires qui refusent désormais de participer aux réunions et aux voyages organisés par l'institut iranien et d'inviter ses membres à leurs propres réunions. Et d’ajouter : « Nous maintenons le principe du dialogue avec l'Iran, mais nous ne serons pas en mesure de revoir nos décisions concernant l'IPIS tant qu'il n'y aura pas eu un changement de cours, marqué par la répudiation explicite de la négation de l'Holocauste ».
Parmi les signataires qui veulent, par cette déclaration, lancer un encouragement aux intellectuels iraniens dans leur résistance à la pression des autorités, on trouve notamment : Alyson Bailes, directeur du Sipri (Stockholm) ; Pascal Boniface, directeur de l'IRIS (Paris) ; Thérèse Delpech, directrice des affaires stratégiques au CEA (France) ; Lawrence Freedman, King's College (Londres) ; Dominique Giuliani, directeur de la Fondation Robert Schuman (Paris) ; François Godement, directeur du AsiaCentre (Paris) ; Nicole Gnesotto, directrice de l'Institut européen d'études et de stratégie (Paris) ; Charles Grant, Centre for European Reform, (Londres) ; Jeremy Greenstock, directeur de la Ditchley Foundation (Grande-Bretagne) ; François Heisbourg, président de l'IISS (Londres) et du Centre pour la politique de sécurité (Genève) ; Christophe Jaffrelot, directeur du CERI (Paris) ; Craig Kennedy, président du German Marshall Fund (Washington) ; Ivan Krastev, directeur du CLS (Sofia) ; Pierre Lévy, chef du Centre d'analyses et de prévision (ministère des affaires étrangères, Paris) ; Thierry de Montbrial, directeur de l'IFRI (Paris) ; Guillaume Parmentier, directeur du Centre français sur les Etats-Unis (Paris) ; Volker Perthes, directeur du Stiftung Wissenschaft und Politik (Berlin) ; Bruno Racine, président de la Fondation pour la recherche stratégique (Paris)...