Faute d'avoir réglé le problème de la collaboration avec la police secrète dès la chute du communisme, la Pologne n'en finit pas d'être agitée par des scandales. Le passé a d'abord rattrapé des hommes politiques, et plus récemment des prêtres. L'affaire de l'éphémère archevêque de Varsovie, Mgr Stanislaw Wielgus, contraint de renoncer début janvier à sa fonction après des révélations par la presse sur ses vingt ans de collaboration avec la police politique communiste, a permis au parti conservateur Droit et Justice des frères jumeaux Kaczynski d'aller de l'avant dans son programme d'éradication des vestiges du communisme
Convaincu que l'ancien réseau d'espionnage intérieur mis en place par le régime communiste reste influent et est responsable des phénomènes de corruption et de népotisme, une précédente loi avait déjà été votée pour contraindre les députés, sénateurs, ministres et magistrats, soit quelque 30 000 personnes, à se confesser.
Cette fois la nouvelle législation ne concerne plus seulement les hauts fonctionnaires et les élus mais toute personne assumant une fonction d'autorité. Les employeurs disposent d’un mois pour demander à leurs salariés de se plier à l’obligation de délivrance d’un «certificat d’innocence» et ces derniers disposent d’autre mois pour remplir leur déclaration et la déposer à l'Institut de la mémoire nationale (IPN). Après vérification dans les archives de l'ancienne police politique dont il a la garde, cet organisme publiera la liste des anciens collaborateurs sur internet.
Pour Wojciech Mazowiecki, rédacteur de l'hebdomadaire Przekrój, cette obligation – dans un État démocratique – rappelle les pires pratiques des communistes, qui faisaient signer aux journalistes des déclarations de loyauté. Elle risque en outre de sanctionner des hommes et des femmes ordinaires contraints de coopérer sous la menace, et non les responsables de la police politique. Gare à ceux, pourtant, qui seraient tentés de faire une fausse déclaration, celle-ci étant assimilée à un crime passible de dix ans d'interdiction d'exercice professionnel.
L'affaire est loin d'être réglée. Tandis que des journalistes et des universitaires ont annoncé qu'ils boycotteraient le processus, l’Ombudsman a fait savoir qu'il saisira le Tribunal constitutionnel, certaines dispositions de la loi lui apparaissant comme contraires à la Constitution. Son application paraît de toute façon difficile, tant il est vrai que l’examen du passé de 700 000 personnes prendra certainement plus d'une dizaine d'années.

Mise à jour (09/05/2007)
L'ancien chef de la diplomatie polonaise, Bronislaw Geremek, vient de perdre son mandat d'eurodéputé pour avoir refusé de se soumettre, dans les délais requis, à une nouvelle loi sur la décommunisation dans son pays, selon une expertise juridique publiée mardi 8 mai sur le site internet de la Diète. Conformément à la législation polonaise et européenne, c'est au président de la Diète de notifier la perte d'un mandat d'eurodéputé au président du Parlement européen.
Grande figure de l'opposition anticommuniste et cofondateur du syndicat Solidarité, M. Geremek a été le seul des 51 eurodéputés polonais à ne pas avoir rempli sa déclaration obligatoire sur la question de savoir s'il avait collaboré ou non avec les anciens services secrets communistes. Le président de la Diète, Ludwik Dorn, a annoncé hier qu'il attendait encore l'avis du président du Parlement européen, Hans-Gert Pöttering, cela afin qu’il n'y ait aucun doute sur la légalité de la procédure.
Elu au parlement européen en 2004 sur les listes de l'Union pour la liberté, un parti réformateur issu de Solidarité, M. Geremek n’a pas hésité à qualifier la nouvelle loi polonaise de «violation des droits civiques», se disant prêt à perdre son mandat d'eurodéputé, une sanction prévue en Pologne pour la désobéissance à la loi. La Cour constitutionnelle, saisie par l'opposition social-démocrate et par l'Ombudsman (médiateur) polonais, doit se pencher dès aujourd’hui sur la constitutionnalité de la nouvelle loi.