Vendredi, les militaires turcs, qui ont mené en cinquante ans trois coups d'Etat (en 1960, 1971 et 1980) et provoqué la démission d'un gouvernement pro-islamiste, le premier de l'Histoire du pays, en 1997, et qui se considèrent comme les garants sourcilleux des institutions laïques, ont également fait part de leur «inquiétude», dans un communiqué en forme de mise en garde. Cependant, cette fois-ci, le gouvernement, loin d'obtempérer, a riposté fermement, rappelant les militaires à l'ordre.
Issu de la mouvance islamiste, Abdullah Gül – ministre turc des Affaires étrangères et candidat unique à la présidence – n'entend toutefois pas retirer sa candidature à l'élection présidentielle, et ce, malgré les pressions de l'armée et cette nouvelle manifestation monstre de partisans de la laïcité ce dimanche à Istanbul. «Le processus (d'élection d'un président) a débuté et va se poursuivre (...). Il n'est pas question que ma candidature soit retirée», a-t-il déclaré à des journalistes à la télévision. Après un premier tour de scrutin vendredi 27 avril au Parlement, qui n'a pas permis de désigner le nouveau chef de l'Etat à cause du boycottage des députés de l'opposition, un deuxième vote sera en principe organisé mercredi 2 mai.
Le Parti républicain du peuple (CHP), principale formation laïque d'opposition, a saisi la Cour constitutionnelle pour obtenir l'invalidation du premier tour de scrutin vendredi dernier. Cette demande sera examinée lundi 30 avril, mais on ignore si la décision sera rendue le même jour. Si la Cour donne raison au CHP, Tayyip Erdogan devra convoquer des élections législatives anticipées dans un délai de 90 jours. Le chef de l'Etat sortant, le laïque Ahmet Necdet Sezer, conserverait provisoirement ses fonctions dans l'attente de l'élection de son successeur par la nouvelle Assemblée. Si en revanche elle donne raison au gouvernement, Abdullah Gül devrait l'emporter au troisième tour, fixé au 9 mai, car alors, il n'aura besoin que de la majorité simple, soit 276 voix, ce que l'AKP peut obtenir sans problème.

Mise à jour (01/05/2007)
La Cour constitutionnelle a annulé le 1er mai 2007 le premier tour de l'élection présidentielle qui a provoqué une crise entre l'armée et le gouvernement en Turquie. Statuant par neuf voix contre deux, la Cour a jugé que la séance électorale au Parlement nécessitait 367 députés (sur 550) pour être ouverte, seuil non atteint lors du premier tour de vote vendredi 27 avril, où seuls 361 députés étaient présents dans la salle, tandis que le CHP boycottait la séance. Sur les 361 députés présents, 357 ont voté pour l'unique candidat, le ministre des Affaires étrangères Abdullah Gül, désigné par le Parti de la justice et du développement (AKP, issu de la mouvance islamiste) au pouvoir. Le scrutin étant invalidé, pour la première fois de l'histoire de la Turquie moderne, l'hypothèse la plus probable semble maintenant l'annonce par le gouvernement d'élections législatives anticipées.

Mise à jour (02/05/2007)
La question est désormais tranchée : les Turcs seront conviés aux urnes pour élire une nouvelle Assemblée nationale. Le Premier ministre turc Tayyip Erdogan, issu du mouvement islamiste, a annoncé qu’il demanderait aujourd’hui au Parlement d’autoriser la tenue d’élections législatives anticipées le 24 juin ou le 1er juillet pour tenter de sortir le pays de la crise politique actuelle.

Mise à jour (08/05/2007)
Les députés turcs ont adopté, lundi 7 mai, en première lecture un amendement constitutionnel prévoyant l'élection au suffrage universel du Président de la République, jusque là élu par le Parlement. La réforme a été approuvée par 356 élus du Parti de la justice et du développement (AKP), la formation issue de la mouvance islamiste au pouvoir, et du petit parti de centre-droit ANAP, avec 69 votes contre et 9 votes blancs, nuls ou ne se prononçant pas.
Cet amendement fait partie d'un ensemble de réformes constitutionnelles présentées par l'AKP pour résoudre l'incapacité du Parlement à élire un nouveau président de la République. De fait, faute d'avoir réussi une seconde fois, dimanche 6 mai, à obtenir le quorum des voix nécessaires devant le Parlement, l’unique candidat à la présidentielle, le ministre des Affaires étrangères Abdullah Gül, avait annoncé qu'il se retirait de la compétition pour la présidence de la République.
Le projet de révision constitutionnelle comprend également le passage d'un septennat unique à un mandat de cinq ans renouvelable une fois pour le Président, et des élections législatives tous les quatre ans au lieu de cinq. Pour être définitivement ratifiés, les amendements constitutionnels, après leur adoption en première lecture, doivent être réexaminés une deuxième fois par les députés. Une fois votés en deuxième lecture, ils seront présentés pour promulgation au Président de la République sortant Ahmet Necdet Sezer, qui peut renvoyer le texte devant le Parlement.