Depuis la nomination du chef de la rébellion à la tête du gouvernement ivoirien en qualité de Premier ministre, voici quelques jours, on attendait la composition de l'équipe gouvernementale. C'est chose faite. Depuis hier, la Côte d'Ivoire connaît enfin son nouveau gouvernement de réconciliation nationale selon les termes de l'accord de Ouaga. Ce nouveau gouvernement semble équilibré dans sa composition. Il ressemble à s'y méprendre au dernier gouvernement Affi N'Guessan, du nom du Premier ministre d'avant le déclenchement de la crise en septembre 2002. Et comme à cette époque, il est dominé par le parti présidentiel qui conserve la plupart des ministères d'État.
Force est de constater qu'il ne s’agit pas vraiment là d’une surprise, d'autant que la nomination de Guillaume Soro a été longtemps attendue par l'intéressé qui y voit la traduction la plus évidente des accords entre les belligérants qui, rappelons-le, sont la rébellion et l'État ivoirien. Contrairement à ce que donnaient à penser l'accord parisien ou encore les résolutions onusiennes, la crise ivoirienne n'implique effectivement pas immédiatement et directement les partis politiques qui sont malencontreusement et abusivement considérés comme parties au conflit.
La nomination de Guillaume Soro à ce poste est-elle le «juste prix» de la lutte ? La question ne mérite pas vraiment d'être posée en ces termes, mais cette approche permet une meilleure lisibilité des premiers succès de l'accord de Ouaga. Il convient de préciser que, même si le moment de discuter directement s'est présenté tardivement, les conditions semblaient réunies pour obtenir de la rébellion et de ses soutiens une plus grande attention au discours du Président ivoirien. Souvenez vous, Lomé fut en 2002 le premier cadre du dialogue direct dont le succès était naïvement espéré par l'État ivoirien.
Aujourd'hui, à l'inverse de ce qu’affirment certains analystes - et ils sont parmi les plus nombreux -, la question cruciale n'est pas de savoir quels pouvoirs sont délégués effectivement au Premier ministre, car l'accord ouagalais puise directement sa source dans la Constitution ivoirienne, signant ainsi l’arrêt de mort de la résolution 1721 du Conseil de sécurité de l'ONU et la vision d'un bicéphalisme de l'exécutif ivoirien au profit du Premier ministre. L'accord de Ouaga s'inscrit bien plus dans la collaboration à outrance du Président et du Premier ministre, le second devant se réaffirmer comme le collaborateur privilégié du premier. Dans un tel scénario, le Premier ministre, bénéficiant de l'écoute de son Président, aura toute la liberté de conduire la mission du gouvernement avec le soutien de toute l'équipe gouvernementale «dominée» par les partisans du Président, ce qui exigera une mobilisation des Ivoiriens pour accompagner le processus de paix. Les premières manifestations de la collaboration sont manifestes : la nomination du Premier ministre a été favorablement accueillie, bien que certains puissent être septiques, parmi les Ivoiriens ; les membres du gouvernement ne semblent pas être en reste.
Il importe de comprendre qu'aucun rapport de force ne permet de faire fonctionner des institutions. C'est pour cette raison que nous préférons ne pas parler de pouvoirs à donner au Premier ministre. Dès lors que les parties savent ce qu'il y a à exécuter, les moyens nécessaires pourront être trouvés sans conflit. En réalité, de quels pouvoirs constitutionnels le Premier ministre a-t-il besoin pour obtenir, par exemple, le désarmement ? Aucun, si ce n'est la volonté des parties engagées à respecter le chronogramme convenu de concert. Bien entendu, tout commence mais tout est à refaire correctement. Aussi sommes-nous obligés d'attendre les résultats concrets de l'avancement du processus pour porter un jugement. Il appartient aux Ivoiriens de croire en la réconciliation et en leur avenir ensemble, sans que la violence ne s'érige en mode d'accession au pouvoir.
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