On se souvient qu’en novembre dernier, le juge Bruguière a lancé neuf mandats d'arrêt et recommandé de poursuivre le président Kagame pour sa «participation présumée» à l'attentat contre l'avion de l'ex-président rwandais Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994 qui a précédé le déclenchement du génocide. Ces mandats d'arrêt internationaux, qui visent les chefs d'«assassinat» ou de «complicité d'assassinat» et qui doivent être diffusés dans tous les pays membres d'Interpol, avaient alors aussitôt poussé Kigali à rompre ses relations diplomatiques avec Paris.
Cette fois, le feuilleton politico-judiciaire des relations franco-rwandaises prend une nouvelle dimension avec le dépôt de la requête du Rwanda contre la France qui demande à la CIJ de se prononcer sur la légalité de l'action intentée par la justice française. Pour que les juges puissent donner suite à cette requête, il faudrait que la France, qui ne reconnaît pas automatiquement la compétence de la CIJ, accepte cette invitation à venir devant la haute juridiction de La Haye, une hypothèse d'ors et déjà perçue comme hautement improbable de l'avis de plusieurs analystes. «La France a le droit de venir ou de ne pas venir» devant la CIJ, a reconnu mercredi dernier devant la presse le ministre rwandais de la Justice, Tharcisse Karugarama, qui avait fait le voyage à La Haye. «Nous avons accordé le bénéfice du doute au gouvernement français. (...) S'ils sont vraiment honnêtes, c'est-à-dire si tout cela n'est pas politique, ils devraient pouvoir venir devant un tribunal impartial, qui tranchera», a ajouté le ministre. En attendant un éventuel et hypothétique examen du dossier sur le fond, Kigali réclame à titre de mesures conservatoires la suspension des mandats d'arrêts.
À Paris, le ministère des Affaires étrangères s'est pour le moment refusé à tout commentaire, se contentant d’une déclaration laconique selon laquelle la France étudiera la requête déposée par le Rwanda lorsqu'elle lui aura été transmise. Mais il est vrai que le déroulement de l’élection présidentielle occupe actuellement les hautes sphères politiques...