Le18 avril, Kigali a déposé une requête contre Paris devant la Cour internationale de justice (CIJ), la plus haute instance judiciaire des Nations Unies, visant à faire reconnaître que les mandats d'arrêts que le juge français Jean-Louis Bruguière a émis en novembre 2006 contre des proches du président Kagame «violent sa souveraineté et entravent sa capacité à fonctionner librement et normalement comme un État souverain». De fait, selon les termes de la requête déposée, le Rwanda «estime qu'en lançant des mandats d'arrêts internationaux contre des officiels d'un État souverain, un autre État souverain soulève des questions internationales dont doit se saisir un tribunal international impartial et compétent». Et d’ajouter que «si des juges de part le monde, installés dans des capitales étrangères (...) lancent sans discrimination et de manière irresponsable des mandats d'arrêts contre des officiels de haut rang d'un État souverain, cela serait un prélude au désastre et au chaos dans le domaine du droit international, et conduirait à la violation de la paix internationale, de l'ordre et de la sécurité des nations».
On se souvient qu’en novembre dernier, le juge Bruguière a lancé neuf mandats d'arrêt et recommandé de poursuivre le président Kagame pour sa «participation présumée» à l'attentat contre l'avion de l'ex-président rwandais Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994 qui a précédé le déclenchement du génocide. Ces mandats d'arrêt internationaux, qui visent les chefs d'«assassinat» ou de «complicité d'assassinat» et qui doivent être diffusés dans tous les pays membres d'Interpol, avaient alors aussitôt poussé Kigali à rompre ses relations diplomatiques avec Paris.
Cette fois, le feuilleton politico-judiciaire des relations franco-rwandaises prend une nouvelle dimension avec le dépôt de la requête du Rwanda contre la France qui demande à la CIJ de se prononcer sur la légalité de l'action intentée par la justice française. Pour que les juges puissent donner suite à cette requête, il faudrait que la France, qui ne reconnaît pas automatiquement la compétence de la CIJ, accepte cette invitation à venir devant la haute juridiction de La Haye, une hypothèse d'ors et déjà perçue comme hautement improbable de l'avis de plusieurs analystes. «La France a le droit de venir ou de ne pas venir» devant la CIJ, a reconnu mercredi dernier devant la presse le ministre rwandais de la Justice, Tharcisse Karugarama, qui avait fait le voyage à La Haye. «Nous avons accordé le bénéfice du doute au gouvernement français. (...) S'ils sont vraiment honnêtes, c'est-à-dire si tout cela n'est pas politique, ils devraient pouvoir venir devant un tribunal impartial, qui tranchera», a ajouté le ministre. En attendant un éventuel et hypothétique examen du dossier sur le fond, Kigali réclame à titre de mesures conservatoires la suspension des mandats d'arrêts.
À Paris, le ministère des Affaires étrangères s'est pour le moment refusé à tout commentaire, se contentant d’une déclaration laconique selon laquelle la France étudiera la requête déposée par le Rwanda lorsqu'elle lui aura été transmise. Mais il est vrai que le déroulement de l’élection présidentielle occupe actuellement les hautes sphères politiques...
Commentaires
A mon avis, la justice rwandaise doit juger cette affaire.
Dans ce cas, il me semble qu'il y ait un conflit de compétence entre la France (la compétence personnelle passive) et le Rwanda (la compétence territoriale et personnelle active et passive). Dans une telle situation, selon les principes de la bonne foi et de coopération internationale, on peut penser que la compétence la plus efficace a primauté pour juger l'affaire. A mon avis, c'est la juridiction rwandaise. Dès lors, il me semble que la France n'ait la compétence que dans la mesure où le Rwanda n'exercerait pas sa compétence.
Il semble que le Rwanda n'ait pas de volonté de juger les neuf personnes du F.P.R., dans ce cas, je suis d'accord pour que la France a le droit de délivrer les mandats d'arrêt contre eux à condition que l'analyse du fait par le juge d'instruction ait raison.
Il me semble que ce soit une question difficile à savoir si l'acte français de la recommandation à l'ONU de faire comparaître le présient Kagame devant le TPIR est valide en droit international.