En réaction au projet de bouclier antimissile américain en Europe de l’Est, qui prévoit l’installation par les États-Unis d’une station radar en République tchèque couplée avec des missiles d’interception en Pologne, le Président russe Vladimir Poutine a justifié sa décision en déplorant que les partenaires de Moscou ne respectent pas, comme elle, la version révisée dudit traité. «Nos partenaires se conduisent de façon incorrecte pour ne pas dire plus», a dénoncé le président russe lors de sa déclaration annuelle de politique générale devant le Parlement. Et de considérer que «cela vaut la peine de déclarer un moratoire jusqu'à ce tous les pays de l'OTAN l'aient ratifié (...) et commencent à le respecter strictement».
Le traité FCE, d'abord signé en 1990 puis révisé en 1999 pour refléter l'éclatement du bloc soviétique, prévoit des réductions des effectifs et des équipements militaires, notamment le nombre d'avions, de chars et d'autres armements lourds non-nucléaires en Europe, précise les sites où ils doivent être déployés et prévoit des inspections réciproques. La Russie a ratifié la version amendée mais les États-Unis ainsi que d'autres membres de l'OTAN refusent de le faire tant que Moscou n'aura pas retiré ses troupes des anciennes républiques soviétiques de Moldavie et Géorgie.
Le moratoire russe pourrait avoir des répercussions sur l’équilibre stratégique du continent, de l’avis de Frank-Walter Steinmeier, le chef de la diplomatie allemande : «Ne devons-nous pas aller plus loin et réfléchir à un monde en mutation, multipolaire, comme disent les ministres des Affaires étrangères ? Chercher une nouvelle architecture politique, de nouvelles possibilités d’assurer un désarmement, inéluctable à mes yeux ?». Le ministre allemand a également appelé à «éviter l’escalade», afin de ne pas retomber dans une logique qui rappelle trop celle de la Guerre Froide. De son côté, la France a demandé à Moscou de revenir sur le moratoire. «Pour la France et ses alliés, le traité sur les Forces conventionnelles en Europe est une pierre angulaire de la sécurité en Europe. Il constitue, notamment, un cadre juridique et politique unique qui organise la sécurité sur notre continent», a déclaré le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Jean-Baptiste Mattéi.
Les chefs de la diplomatie des pays de l’OTAN ont également abordé vendredi d’autres sujets potentiellement conflictuels pour Moscou, dont l’Ukraine. Tandis que le président ukrainien Viktor Iouchtchenko, pro-occidental, souhaite que son pays devienne membre de l’Alliance, son premier ministre pro-russe y est opposé.
Autre pomme de discorde, le Kosovo. Le secrétaire général de l'OTAN, Jaap de Hoop Scheffer, a appelé à un règlement rapide de la question du statut du Kosovo. L'alternative se présente selon lui de la façon suivante : «Soit on opte pour un processus contrôlé, avec une résolution claire du Conseil de sécurité qui en jette les bases juridiques et un plan politique qui règle la question du statut de la province. Soit – et c’est la mauvaise alternative - on choisit un processus incontrôlé, avec les risques imprévisibles que cela pourrait entraîner. Les alliés de l’OTAN préfèrent largement le premier cas de figure».
L'OTAN, qui entretient un contingent de 16 000 hommes dans la province indépendantiste serbe à majorité albanaise, la KFOR, depuis qu'elle en a chassé les forces serbes en 1999, redoute un pourrissement de la situation. La KFOR devra veiller à la bonne exécution de la décision que doit prendre le Conseil de sécurité de l'ONU sur le statut définitif de la province. À cet égard, les ministres ont réaffirmé leur «total appui» aux recommandations de l'émissaire des Nations Unies, Martti Ahtisaari, en faveur d'une indépendance sous supervision internationale. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a toutefois laissé planer la menace d'un veto russe au Conseil de sécurité des Nations Unies en cas de référendum sur l’indépendance de la région, qualifiant d'«impérialiste» et de «l'idée qu'il appartient aux Occidentaux et à la Russie de décider du statut du Kosovo», statut qui doit être décidé par les deux parties directement concernées, Pristina et Belgrade.