Il n'est pas nécessaire ici de revenir en détails sur les méfaits du gouvernement de Robert Mugabe et les catastrophes qu'il a engendrées, tant sur le plan humanitaire que sur les plans social et économique (notamment agricole, suite à une réforme agraire aux conséquences désastreuses). Cela explique les vives critiques et les manifestations de colère exprimées par de nombreux diplomates, essentiellement du Royaume-Uni et des États-Unis, de plusieurs autres pays de l'Union européenne et de la Suisse, à l'issue de cette nomination.
«L’élection du Zimbabwe sera perçue comme une insulte par des millions de gens qui se tournent vers les Nations unies pour les aider à échapper à la pauvreté» a déclaré, peu après le vote, Ian Pearson, ministre britannique chargé de l’environnement et du réchauffement climatique. «Désigner un représentant d’un pays qui a dévasté son agriculture, qui était autrefois le grenier de l’Afrique et qui ne peut même plus se nourrir aujourd’hui, remet en question la crédibilité de l’organisation», a encore affirmé Daniel Reifnyder, vice-secrétaire adjoint américain à l’Environnement. Même son de cloche de la part de différents pays de l’Union Européenne qui considèrent qu’il serait paradoxal que le Zimbabwe occupe des fonctions visant à promouvoir le développement durable, tâche dont il ne se préoccupe pas à l’égard de sa propre population.
À ces objections cependant, des représentants de pays africains rétorquent que leur soutien à la candidature du Zimbabwe ne tient pas tant à leur volonté de promouvoir le régime de Mugabe, qu’à celle de montrer au reste du monde, et particulièrement aux dirigeants occidentaux, qu'ils ne se laissent pas, ou plus, dicter leurs choix. En effet, un diplomate africain a dénoncé les pressions exercées par Londres sur plusieurs délégations africaines pour contrer la candidature du Zimbabwe, ce qui aurait fortement irrité les pays du continent qui s'estiment déjà assez suffisamment sous-représentés dans les enceintes onusiennes pour devoir en plus nommer des représentants africains choisis par les grandes puissances occidentales. Ils opposent donc aux accusations de manque de légitimité de leur candidat à la tête de la Commission pour le développement durable, le respect des principes de démocratie et du libre choix des délégués qui ont participé au vote.
Cette logique régionale qui vise à défendre un candidat, ou parfois une résolution, présenté par un pays du même groupe régional, non pas pour ce qu'il est mais pour ce qu'il représente en terme de message adressé au reste du monde, est fréquemment utilisée non seulement par le groupe africain, mais également et avant tout par le groupe des pays arabes, et parfois par une majorité de ces deux groupes plus d'autres Etats au sein du Groupe des 77 ou du Mouvement des Non Alignés (qui regroupent peu ou prou la plupart des pays dits du Sud).
Alors que les États-Unis rejoints par d'autres puissances plaident, au sein du Caucus des démocraties, pour une réforme de l'ONU qui viserait à interdire aux pays «non démocratiques» (selon quels critères objectifs ?) de diriger des instances et des commissions onusiennes, on peut s’interroger sur le point de savoir si cette démarche ne va pas totalement à l'encontre du droit international et des principes de souveraineté et d'égalité des États.
D'ou la problématique complexe et délicate du modèle politique démocratique qui réapparaît à nouveau aujourd'hui avec l'élection du Zimbabwe à la Commission pour le développement durable. Faut-il choisir entre un idéal démocratique qui serait représenté par certains États seulement et un idéal démocratique universel qui vise à considérer chaque État comme égaux devant le droit international ?