Cette prise de contrôle de Gaza par le mouvement islamiste palestinien du Hamas est intervenue à peine cinq heures après le limogeage par Mahmoud Abbas du Premier ministre Ismaïl Haniyeh et de son gouvernement d'union nationale, où siégeaient les islamistes et le Fatah, et de la déclaration de l'état d'urgence dans l'ensemble des territoires de l'Autorité palestinienne. «L'état d'urgence est instauré dans les territoires de l'Autorité palestinienne en raison de la guerre criminelle en cours dans la bande de Gaza, la prise des quartiers généraux des services de sécurité de l'Autorité, le coup militaire et la rébellion armée menée par des milices hors-la-loi», a-t-il affirmé avant d’annoncer sa volonté d'organiser des élections anticipées, «dès que la situation le permettra», et de former un gouvernement d'urgence.
Ce train de mesures a immédiatement été rejeté en bloc par le Hamas qui y voit la preuve que «la présidence et le Fatah ne souhaitent pas régler les problèmes», a affirmé à l'AFP son porte-parole, Sami Abou Zouhri.
Sur la scène internationale, les réactions ne se sont pas fait attendre. Les États-Unis ont réagi promptement par la voix de la secrétaire d'État Condoleezza Rice qui a aussitôt affirmé «soutenir pleinement» les décisions de M. Abbas. La France a également exprimé son «plein soutien au Président Abbas, pilier des institutions démocratiques de l'Autorité palestinienne » face au «chaos qui s'installe dans la Bande de Gaza et qui pourrait être un facteur de déstabilisation pour l'ensemble de la région». De son côté, la Commission européenne a exprimé son inquiétude et appelé à «une trêve humanitaire».
Un gouvernement d'union nationale regroupant le Hamas et le Fatah, dirigé par le Premier ministre islamiste Ismaïl Haniyeh, était en place depuis mars 2006 après la victoire électorale du Hamas et la signature d’un accord de réconciliation censé mettre fin aux violences. Pourtant, depuis cette date, une lutte meurtrière oppose le Hamas au Fatah, se cristallisant autour des services de sécurité qui comptent des dizaines de milliers d'hommes, pour la plupart fidèles au parti de M. Abbas. Le Hamas, convaincu que le Fatah se sert de ces services pour l'empêcher de gouverner, affirme que les combats visent à les purger des putschistes à la solde d'Israël.
Le Hamas, par la voix d'un porte-parole à Damas, a assuré hier soir que le statut de la Bande de Gaza ne serait pas modifié et qu'il n'était pas question d'y proclamer une République islamique ou la charia (loi islamique). Au nom du Hamas, Moussa Abou Marzouk, numéro 2 du bureau politique exilé en Syrie, a exclu une séparation entre la Bande de Gaza et la Cisjordanie et estimé que la décision du Président Abbas de limoger Ismaïl Haniyeh n'aurait pas de conséquence pratique, ce dernier devant très probablement continuer à assumer ses fonctions.
Malgré ces propos, la crainte d'une extension du conflit à la Cisjordanie est aujourd’hui bien réelle dans une région où la tension est maximale...

Mise à jour (16/06/2007)
L'armée israélienne a fermé «jusqu'à nouvel ordre» l'ensemble des points de passage entre Israël et la bande de Gaza. Le point de passage de Rafah avec l'Égypte, seule porte de sortie sur le monde pour les Palestiniens est également fermé. Cette fermeture renforce la vulnérabilité des habitants, qui ont des stocks limités de nourritures et de médicaments. Aussi, l'agence de l'ONU pour le secours aux réfugiés palestiniens (Unrwa) a-t-elle appelé aujourd’hui à la réouverture des points de passage de la bande de Gaza afin d'éviter une crise humanitaire pour les 1,5 million d'habitants qui vivent déjà dans des conditions difficiles dans ce territoire coupé du monde depuis sa prise par le mouvement islamiste Hamas.
Sur le terrain, le bras de fer entre les deux mouvements palestiniens se poursuit. Mais alors que la situation s'est quelque peu apaisée dans la bande de Gaza, des incidents ont éclaté dans plusieurs localités de Cisjordanie aux mains du Fatah. Éviter qu'à son tour la Cisjordanie ne soit emportée dans la tourmente sera donc l'une des priorités immédiate du nouveau gouvernement qui sera dirigé par Salam Fayad, un député sans étiquette qui vient d’être promu Premier ministre par le Président Abbas. Il devrait rapidement constituer une équipe pour remplacer celle que dirigeait l’ancien chef du gouvernement Ismail Haniyeh qui, de son côté, s’insurgeant contre ce qu’il qualifie de «coup d'État» commis par le Président, continue de diriger sa propre équipe ministérielle depuis Gaza. Le nouveau gouvernement pourrait prêter serment aujourd’hui, sous le regard approbateur d'une communauté internationale qui semble prête à aider le Président Abbas. Reste à déterminer la forme de l’aide à apporter.
L’idée d’une intervention d’une force de l’ONU dans la bande de Gaza, lancée par le Secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon, a été accueillie hier avec un scepticisme marqué aussi bien du point de vue de son opportunité autant que de sa faisabilité, tant il est probable que peu de pays, si ce n’est aucun, acceptera d’envoyer des troupes dans la poudrière de Gaza avant qu’un cessez-le-feu ne soit établi entre le Hamas et le Fatah.