Au sommet européen de juin dernier, les pays membres avaient trouvé un accord sur la substance d'un traité remplaçant la Constitution : seraient gardées les innovations censées faciliter la prise de décision à 27. Le mot «Constitution» serait toutefois éliminé. Retiré aussi, tout ce qui donnait à l'Union des airs de «super-État».
«Il est temps de conclure ce débat qui a déjà duré très longtemps», a déclaré Manuel Lobo Antunes, le secrétaire d’État portugais, dont le pays préside l’Union. Il est vrai que l’épuisement des États membres est palpable. De fait, dès le lendemain de l’entrée en vigueur du traité de Maastricht, en 1993, l’UE a tenté de se réformer en vue de l’élargissement. Les traités d’Amsterdam (juin 1997), puis de Nice (décembre 2000), n’ayant pas été assez loin, les États ont élaboré le traité constitutionnel, signé à Rome le 29 octobre 2004, texte rejeté par deux États membres, mais ratifié par dix-huit pays (dont deux par référendum).
La proposition du Président de la France, Nicolas Sarkozy, d’adopter un «traité simplifié» pour sortir de l’impasse a séduit ses partenaires, puisqu’elle consiste à reprendre tout ce qu’il y avait de neuf dans la Constitution en abandonnant l’habillage constitutionnel et la reprise des traités existants (et donc les fameuses «politiques communes» de la partie III).
Tous les pays européens semblent aujourd’hui prêts à adopter le nouveau texte, ou presque. Le président polonais Lech Kaczynski et le Premier ministre italien Romano Prodi ont effectivement encore des réserves. Le premier insiste pour obtenir des compensations à la perte de poids relative de la Pologne dans le traité. Il demande à ce que soit «renforcé» un compromis dit de Ioannina, qui permet à certains pays mis en minorité de geler quelques temps une décision qui aurait été prise à la majorité. Ce compromis figure actuellement dans une simple déclaration annexe au traité alors que les Polonais voudraient l'inscrire dans le traité lui-même.
De son côté, l'Italie demande une répartition différente des sièges au Parlement européen. En prévision de la réduction du nombre total d'eurodéputés inscrite dans le traité, elle devrait en effet se retrouver avec moins d'eurodéputés (72) que le Royaume-Uni (73) et la France (74), mais veut absolument rester à parité avec ces deux pays.
De plus, Londres et Varsovie ont obtenu l’abandon du poste de ministre des Affaires étrangères de l’Union et son remplacement par un simple «haut représentant» et la non-application à leur égard de la Charte des droits fondamentaux.

NOUVEAUTÉS DU TRAITÉ EUROPÉEN
DES INSTITUTIONS REMANIÉES
Au lieu d'une présidence tournante semestrielle, un président du Conseil européen (qui rassemble les dirigeants européens) sera élu par ses pairs pour deux ans et demi. Mais la rotation restera pour la présidence des conseils des ministres. Ce président préparera les sommets et représentera l'UE sur la scène mondiale, sans empiéter sur les pouvoirs renforcés du Haut représentant de l'UE pour la politique étrangère et la sécurité. Ce dernier, actuellement Javier Solana, devient Vice-Président de la Commission européenne et coordonne toute l'action extérieure de l'UE.
Le Parlement européen va étendre son pouvoir de co-décision législative avec les États membres sur les questions sensibles de justice, sécurité et d'immigration légale. Les Parlements nationaux pourront demander à la Commission de revoir une proposition s'ils jugent qu'elle empiète sur leurs compétences.
DES PRISES DE DECISION UN PEU FACILITÉES
Le champ des décisions prises à la majorité qualifiée est étendu à une quarantaine de nouveaux domaines, principalement la coopération judiciaire et policière. Britanniques et Irlandais ont obtenu de ne pouvoir appliquer les décisions dans ces domaines que lorsqu'ils le veulent, mais ils ne pourront pas freiner les autres. L'unanimité demeure cependant la règle pour la politique étrangère, la fiscalité, la politique sociale ou la révision des traités.
UN NOUVEAU SYSTÈME DE VOTE
Une décision à la majorité qualifiée sera prise si elle obtient le soutien de 55% des États représentant 65% de la population de l'UE. Mais l'application de ce système a été différée à 2014, voire 2017 après un compromis complexe avec la Pologne.
DE NOUVELLES POLITIQUES
Le traité introduit de nouveaux objectifs comme une politique commune de l'énergie et la lutte contre le réchauffement. Il reconnaît l'importance des services publics et introduit une «clause sociale» à prendre en compte dans chaque politique de l'Union. La «concurrence non faussée», phrase qui avait fait polémique en France pendant le référendum, n'est plus un objectif mais un moyen nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur.
UNE CLAUSE DE SORTIE
Le traité introduit la possibilité pour un pays de quitter l'Union dans des conditions à négocier avec ses partenaires.

Des 27 pays de l’Union Européenne, seule l’Irlande soumettra le texte à un référendum.

Mise à jour (20/10/2007)
Deux ans après le rejet du traité constitutionnel, au prix d'ultimes concessions faites à la Pologne et à l'Italie, les Européens sont enfin parvenus à un accord sur un traité simplifié. Le Traité de Lisbonne, qui sera formellement signé le 13 décembre dans la capitale portugaise, devra ensuite être ratifié par l'ensemble des États membres de l'UE afin d'entrer en vigueur le 1er janvier 2009.
TRAITE SIMPLIFIÉ
Le nouveau traité représente une version simplifiée de la défunte Constitution rejetée par référendum par les Français et les Néerlandais en 2005. Il amende les précédents traités européens et renonce à des éléments symboliques prévus par la Constitution, comme la reconnaissance formelle du drapeau et de l'hymne de l'UE. S'il conserve de nombreuses dispositions de la Constitution, le traité peut être ratifié par voie parlementaire dans la plupart des pays, évitant ainsi des référendums potentiellement risqués.
DROITS FONDAMENTAUX
Une charte des droits fondamentaux énumère en 50 articles des droits essentiels comme le droit à l'intégrité de la personne, la liberté d'expression et de religion, le respect de la vie privée ou encore le droit à l'éducation, le droit de négociations et d'actions collectives et à des conditions de travail justes. Le document aura force légale dans 25 des 27 États membres, la Pologne et la Grande-Bretagne ayant obtenu des dérogations.
COMPROMIS
L'Italie a obtenu un député supplémentaire dans la nouvelle répartition des sièges au Parlement européen, une réforme qui doit réduire le nombre total d'élus de 785 à 750, plus le président du Parlement, à partir de 2009. Rome perdra cinq sièges, au lieu de six, sur les 78 qu'elle possède actuellement, et conservera ainsi le même nombre de députés européens que la Grande-Bretagne.
La Pologne a obtenu le report à 2014 du nouveau système de vote à double majorité (55% des Etats membres et 65% de la population), qui lui est moins favorable que l'actuel, ainsi que la prise en compte du "compromis de Ioannina" qui permettra jusqu'en 2017 à un groupe États-membres mis de justesse en minorité sur un texte de demander une nouvelle délibération.
EXTENSION DU CHAMP DE LA MAJORITE QUALIFIEE
La majorité qualifiée deviendra la règle pour 50 domaines supplémentaires, dont la coopération judiciaire et policière, l'éducation ou la politique économique. L'unanimité restera la règle pour la politique étrangère et de défense, la sécurité sociale, la fiscalité et la culture. La Grande-Bretagne et l'Irlande ont obtenu une dérogation sur la coopération judiciaire et policière.
AFFAIRES ETRANGERES
Le haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, poste actuellement occupé par l'Espagnol Javier Solana, deviendra vice-président de la Commission européenne à partir du 1er janvier 2009. Il contrôlera le budget pour l'aide humanitaire ainsi que le réseau de diplomates de l'UE. Le titre de "ministre des Affaires étrangères" qui figurait dans la défunte Constitution et que Londres refusait catégoriquement, n'a pas été retenu pour le poste.
PRESIDENCE DU CONSEIL EUROPEEN
Un président sera désigné par les chefs d'État et de gouvernement de l'Union pour un maximum de cinq ans pour présider les conseils européens, "faciliter la cohésion et le consensus" et représenter l'UE à l'étranger. Cette nouvelle institution mettra fin au système de présidence tournante tous les six mois.
COMMISSION EUROPEENNE RESTREINTE
Le nombre de commissaires européens passera de 27 à 17. Ils seront choisis selon un système de rotation entre États membres pour un mandat de cinq ans.
RATIFICATION
Les Vingt-Sept ont jusqu'à juin 2009 pour ratifier le nouveau traité avant la tenue des élections européennes.
(Source : AFP)