De ces récents évènements, il en ressort un certain nombre de faits portant sur les situations humanitaire et sécuritaire et sur le déploiement de la Force hybride. Ainsi, il a été fait état de confrontations qui se sont multipliées entre les différentes parties, faisant de l'environnement sécuritaire et du niveau de violence dans certaines régions du Darfour un facteur de préoccupations croissant, ayant pour corollaire de réduire les possibilités d'accès des agences humanitaires aux populations nécessitant une assistance diverse (personnes déplacées et réfugiées) et de contribuer de ce fait à la détérioration de la situation humanitaire. Dans le même ordre d’idée, selon un rapport d’experts indépendants devant être présenté le 11 décembre 2007 au Conseil des droits de l’Homme de l’ONU (Genève, Suisse) les populations du Darfour ont été lacible d’attaques de l'armée et des milices pro-gouvernementales, ainsi que des groupes rebelles, entraînant «sur une large échelle des pillages, des destructions de propriétés appartenant à des civils, notamment des centaines de logements, ainsi que des vols et des abattages d'un grand nombre de troupeaux et le déplacement de milliers de gens». Selon cette source, «au moins 15 attaques terrestres et aériennes ont été commises contre des zones civiles entre le 20 juin et la mi-novembre dans les trois Etats du Darfour par les forces gouvernementales et les milices qui leur sont alliées, ainsi que par la faction de Minni Minaoui de l'Armée de libération du Soudan». De plus, à titre d'illustration, en octobre seulement, plus de 30.000 civils ont été déplacés par des confrontations entre les Forces gouvernementales et des groupes rebelles non signataires de l'Accord signé en mai 2005 et entre différents mouvements rebelles. Dans le même temps, sept travailleurs humanitaires soudanais ont été tués au Darfour.
Concernant toujours la situation sécuritaire, de nombreux conflits intertribaux portant sur l'accès aux sources d'eau et sur le foncier seraient en train de se développer. De plus, les camps de personnes déplacées seraient le lieu de tensions croissantes, du fait notamment, outre les raids des forces gouvernementales, de la circulation d'armes. Des tensions similaires gagneraient également les populations Arabes de cette région ; tensions qui menacent de s'étendre à la région du Kordofan, voisine de celle du Darfour (2).
En ce qui concerne la Force hybride, ce n'est véritablement plus un secret que sa constitution et forcément son déploiement connaissent depuis ces derniers mois des difficultés particulières relatives au recrutement de certaines de ses composantes et à l'acquisition de certains matériels tactiques nécessaires pour permettre à la Force de remplir son mandat de manière efficiente et effective, de disposer de toute la crédibilité nécessaire et d'éviter de ce fait, comme le dit Jean-Marie Guéhenno, toute situation d'humiliation qui aurait des conséquences négatives pour l'avenir des opérations de maintien de la paix. Aux dires de Jean-Marie Guéhenno, les principaux défis auxquels est confrontée la mise en oeuvre de cette Force se résument aux trois éléments suivants : la génération de la Force, l'identification finale de la composition de la Force et les questions bureaucratiques relatives notamment aux autorisations et accords entre le Gouvernement soudanais et la Mission et principalement à l'accord sur le statut des forces de la Mission.
La génération des éléments de la Force bute notamment sur le refus des autorités soudanaises du déploiement de soldats spécialisés en provenance de certains pays tels que des ingénieurs norvégiens et des forces spéciales thaïlandaises, évoquant, comme un dogme, le caractère africain -reconnu et accepté par plusieurs résolutions de l'ONU- qui doit caractériser cette Force. Concernant la position soudanaise, il serait intéressant d'écouter les explications du Représentant permanent du Soudan aux Nations Unies, l'Ambassadeur Abdalmahmood Abdalhaleem Mohamad.
Pour ce qui est du volet matériel, à quelques semaines de ce qui doit marquer le transfert d'autorité de la Mission de l'UA au Soudan (AMIS) à l'UNAMID et par conséquent le début son mandat, l'UNAMID ne dispose toujours pas des capacités de mobilité critiques pour opérer sur un territoire aussi grand que celui du Darfour. Il s'agit notamment d'unités de transports et de logistiques qui doivent être constituées de 18 hélicoptères et d'unités tactiques qui devront être constituées de 6 hélicoptères.
Ce sont donc là les principales informations qui ressortent notamment des briefings de Jan Eliasson et de Jean-Marie Guéhenno au Conseil de sécurité de l'ONU. Le Gouvernement de Khartoum a bien sûr été vivement accusé de continuer à recourir à des tactiques dilatoires et à ériger un certain nombre d'obstacles dans la mise en oeuvre effective de la force hybride et de ne pas coopérer suffisamment avec l'ONU et l'UA dans ce domaine ; chose que réfute bien entendu le Soudan en affirmant avoir respecté tous ses engagements et fourni les terrains, les services et la logistique nécessaires. Il faut également mentionner les réelles difficultés auxquelles est confronté le Département des Opérations de maintien de la paix pour rassembler les moyens aériens de la Force et notamment le peu d'empressement -qui n'est pas nouveau, rappelons le désengagement progressif des pays occidentaux des terrains de maintien de la paix africains- des pays qui disposent de ces moyens.
Une chose est sûre, tous les aspects concernant la gestion et la résolution de la crise au Darfour se caractérisent par des progrès limités et de nombreux obstacles. Il est également clair que si les difficultés relatives à la mise en oeuvre de la Force hybride ONU-UA ne trouvent pas de solutions d'ici le 1er janvier 2008, date à partir de laquelle elle est supposée prendre le relais de la Mission de l'Union Africaine au Soudan (AMIS) et débuter ses opérations, avec plus principalement le déploiement de toutes ses composantes, hommes et matériels, aérienne notamment, et principalement d'une partie substantielle de la force susceptible de la faire disposer de toutes les capacités nécessaires dans ce contexte particulièrement difficile et exigeant qu'est le Darfour, l'espérance des populations du Darfour sera quelque peu déçue. Or, il est déjà clair que l'UNAMID mettra plus de temps à se mettre en place, avec pour corollaire un risque pour la situation au Darfour de ne pas se stabiliser et la continuation des souffrances des déplacés et réfugiés et plus généralement des populations du Darfour.
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1. Il est également possible de voir la séance du Conseil de sécurité de l'ONU en cliquant ici.
2. Voir le Rapport de l'ICG.

* Texte également reproduit sur le blog de l'auteur : Un oeil sur la politique internationale.