Signé à la fin du mois de novembre par le chef de l’État ivoirien Laurent Gbagbo, son Premier ministre, Guillaume Soro, et le facilitateur, le Président du Burkina Faso Blaise Compaoré, Président en exercice de la CEDEAO, l’accord complémentaire aux accords de Ouagadougou du 4 mars 2007 permet de combler les retards pris dans le processus qui doit conduire à des élections transparentes en 2008, notamment en matière de désarmement et d’identification. La suppression de la carte de séjour des étrangers et la première visite d’État du Président, accompagné du Premier ministre, dans le Nord du pays ont contribué à apaiser le climat politique dans un pays désormais réunifié où la guerre est finie. Cette évolution intérieure positive, qui n’est pas exempte de petits coups d’arrêt, va de pair avec une amélioration des rapports politiques et économiques avec les pays voisins, une meilleure intégration dans l’arène internationale, marquée par le dégel des relations avec la France, mais aussi par la prudence de l’ONU. Enfin, elle permet de jeter les bases d’une nécessaire relance économique.
Les dissensions
apparues en novembre entre le Premier ministre Guillaume Soro et le ministre de
l’Intérieur Désiré Tagro, lors de la quatrième réunion du Comité d’évaluation et
d’accompagnement des accords de Ouagadougou, ont nécessité, à la demande du
facilitateur, une nouvelle réunion au
sommet à Ouagadougou, le 27 novembre dernier, entre le chef de l’État ivoirien
et son Premier ministre. Elle s’est conclue par un accord complémentaire
symboliquement paraphé le lendemain à Korogho, au Nord de la Côte d’Ivoire, où
le chef de l’État effectuait sa première visite depuis 2002, en compagnie du
Premier ministre. Il fixe la tenue de l’élection présidentielle avant la fin du
premier semestre 2008, la Commission électorale indépendante (CEI) proposant un
calendrier au gouvernement. Le président de la CEI, qui est contrôlée par
l’opposition, avait proposé, il y a quelques semaines, que l’élection se tienne
au mois d’octobre.
Par ailleurs,
l’opérateur français Sagem a été choisi pour la confection des cartes
d’identité et des cartes d’électeur suite au processus d’identification. La
date du 22 décembre a été retenue pour un début effectif de regroupement des
ex-combattants, le stockage des armes et le démantèlement des milices sous la
conduite du Centre de commandement intégré. Ces opérations permettront
d’engager la mise en place du service civique, d’asseoir, de façon
incontestable, l’autorité des préfets et sous-préfets nommés dans le Centre, le
Nord et l’Ouest du pays et d’y redéployer effectivement les Forces de défense
et de sécurité, les policiers et gendarmes. Des allocations mensuelles seront
versées afin de faciliter le désarmement, la démobilisation et la réinsertion.
Tous les éléments des Forces nouvelles ayant appartenu aux Forces armées
ivoiriennes, à la gendarmerie ou aux corps paramilitaires seront réintégrés
dans la nouvelle armée nationale avec rappel de solde et reconstitution de leur
carrière. C’est le facilitateur Blaise Compaoré qui arbitrera la question des
grades acquis au sein des Forces nouvelles ainsi que des quotas d’intégration
d’éléments des Forces nouvelles dans la nouvelle armée nationale.
Au 1er
décembre, environ 15 000 des 24 500 fonctionnaires ont regagné leur affectation
dans les 22 départements des zones Centre/Nord/Ouest ; ont été nommés et
installés, parfois de façon précaire, six préfets de régions, seize préfets de
départements, 27 secrétaires généraux de préfecture et 106 sous-préfets. Les structures
sociales, éducatives et sanitaires ont recommencé à y fonctionner ainsi que
l’administration financière. Les maires, dénués de moyens et dont les rapports
avec les Forces nouvelles étaient difficiles, ont également pu rejoindre leur
mairie, pour certains seulement à la fin novembre (Katiola).
C’est avant la
fin du mois de décembre que doit démarrer la reconstitution des registres
d’état-civil et au 30 décembre que doit être redéployée l’administration
fiscale et douanière sur la base du principe de l’unicité de caisses. Au 30
janvier 2008, toujours selon l’accord complémentaire de Ouagadougou,
l’administration publique doit être en place sur tout le territoire.
Lancées le 25
septembre 2007 pour une durée de trois mois, les audiences foraines avec 25 premières
équipes, devenues 55 depuis la mi-décembre, ont examiné seulement 84 806
demandes au 7 décembre, dont 80 000 environ ont été satisfaites. Le rythme de
l’identification des sans-papiers a été trop lent car seuls les moyens de
l’État ont été mobilisés, malgré les appels réitérés par le Premier ministre
aux bailleurs de fonds qui n’ont pas commencé à ce jour à honorer leurs
engagements prometteurs de la table ronde du 18 juillet. Il va de soi que
l’opération va être prolongée et les équipes démultipliées sur tout le
territoire pour atteindre le nombre prévu de 111. Chaque nouvelle équipe aura
trois mois pour travailler. Outre le problème matériel, la sensibilisation des
populations requiert l’engagement de tous, acteurs politiques, religieux, ONG…
Le choix des lieux des audiences doit tenir compte du poids des contraintes
socio-culturelles.
Le
climat politique intérieur en Côte d’Ivoire
Deux
événements, qui ont conforté la collaboration du chef de l’État et de son
Premier ministre, ont contribué à détendre le climat politique dans le pays. Le
premier est l’annonce, faite le 28 octobre 2007 par le chef de l’État, devant
des milliers de Burkinabé, de la suppression de la carte de séjour pour les
étrangers. Elle avait été instaurée en 1990 à l’initiative de Alassane Ouattara
pour renflouer les caisses de l’État. A l’époque, les quelques députés du FPI,
que dirigeait Laurent Gbagbo, avaient voté contre cette mesure. A cette
occasion, le Président a souligné qu’elle n’avait pas atteint l’objectif
financier fixé et, surtout, qu’elle avait été à l’origine de tracasseries
administratives et policières incessantes et de fraudes à l’identité. Les
conséquences ont été dramatiques quand le concept d’ivoirité a été utilisé dans
le champ politique.
Cette annonce
est devenue réalité dès le 10 novembre dernier, après adoption par le Conseil
des ministres des conclusions d’une commission sur le titre de séjour qui a
travaillé du 2 au 7 novembre. Toutes les forces politiques ont ainsi été
associées à cette initiative du chef de l’État. Cette mesure concrète, d’une
immense portée en Côte d’Ivoire et dans la CEDEAO, n’a pourtant pas fait
l’objet de beaucoup de commentaires dans les medias internationaux qui
s’étaient pourtant montrés très préoccupés par les conséquences politiques de
la manipulation du concept d’ivoirité.
L’autre
événement a été la tournée du chef de l’État dans le Nord du pays du 28 au 30
novembre 2007. La première étape à Ferkéssédougou, ville dont est originaire
Guillaume Soro, a été une réponse à la visite symbolique du Premier ministre à
Gagnoa, ville natale du Président, le 22 octobre. Le Premier ministre s’est
engagé dans la réussite de cette tournée présidentielle dans quatre
départements du Nord : Korogho, Ferkéssédougou, Tengréla et Boundiali.
L’annonce du
démarrage de nombreux projets de développement, à partir de février 2008, a
marqué cette visite d’État dans la région des Savanes : adduction d’eau
potable, infrastructures routières (réalisation de Tengrela/Boundiali et études
des axes Boundiali/Odienné et Ferkéssédougou/Bouna), transformation du CHR de
Korogho en CHU. A cela s’ajoute le remboursement immédiat de 9 milliards FCFA
de dettes de l’État aux planteurs de coton.
Le succès de
cette tournée, qui confirme la fin de la guerre et conforte l’alliance de fait
entre Président et Premier ministre, met en porte-à-faux l’opposition politique
regroupée au sein du PDCI de Henri Konan Bédié et le RDR d’Alassane Ouattara.
Difficile d’être crédible pour un PDCI qui organise nombre de meetings sur le
thème de « la mort de l’accord de Ouagadougou » ou pour un RDR, assez
peu présent sur le terrain et dont le leader affirme, sur les ondes d’ONUCI-FM,
que le Président sortant ne sera pas au second tour.
En prélude à la
visite d’État dans le Nord, Charles Blé Goudé, président de l’Alliance des
jeunes patriotes, a tenu meeting à Korogho en alliance avec les Forces
nouvelles de Guillaume Soro dont il soutient la stratégie aux côtés du chef de
l’État.
Avec la fin de
la guerre et la réunification du pays, la Côte d’Ivoire vit à l’heure actuelle
une normalisation de sa vie politique avec ses règles démocratiques, ses
alliances qui se nouent et se dénouent. Le 18 octobre dernier, le chef de
l’État a eu un entretien avec Alassane Ouattara, les présidents du RDR et du
PDCI se sont rencontrés le 16 novembre et les Forces nouvelles entretiennent
des relations tumultueuses avec le PDCI et le G7, regroupement de l’opposition.
De son côté, le
FPI, en séminaire du 9 au 11 novembre, a mis à l’ordre du jour l’actualisation
de son programme et doit penser son articulation politique au sein de la
mouvance présidentielle. Ancien président du FPI, le chef de l’État entend
« labourer le terrain » le
plus largement possible et envisage, à partir de janvier 2008, de prochaines
tournées dans l’Ouest, dans la région des montagnes, au Centre et de nouveau au
Nord.
Marginalisé par
l’accord de Ouagadougou signé par son frère ennemi Guillaume Soro, le
sergent-chef Ibrahim Coulibaly dit IB, un des instigateurs des coups d’État de
1999, 2001 et 2002, est toujours au Bénin à la mi-décembre. Il avait annoncé
son retour en Côte d’Ivoire pour le début du mois. Il semble entretenir des
contacts réguliers avec le président du RDR, A. Ouattara, qui était invité avec
son épouse, le 15 décembre à Ouagadougou, au mariage de l’ancien chef rebelle
Chérif Ousmane avec la petite-fille de l’ancien Président Lamizana.
L’apaisement à
l’intérieur du pays facilite le retour progressif à des relations décrispées
avec la France.
La
normalisation des relations avec la France
Elle s’est
engagée avec le passage en juillet 2007 à Abidjan du conseiller Afrique de
Nicolas Sarkozy, Bruno Joubert, accompagné du directeur Afrique du Quai
d’Orsay, Jean de Gliniasty. Porteurs d’un message du nouveau Président
français, ils ont été sobrement reçus par son homologue ivoirien Laurent Gbagbo
qui les a écoutés.
L’échange
téléphonique entre les deux chefs d’État, le 2 août, à l’initiative de Nicolas
Sarkozy, après la cérémonie de la flamme de la paix organisée le 30 juillet à
Bouaké, ancienne capitale rebelle, a été un nouveau signe du dégel. Tout comme
le bref échange de courtoisie le 25 septembre, à New York, en marge de
l’Assemblée générale des Nations Unies.
Après que le
président ivoirien eut reçu, le 15 octobre, sur la question du service civique,
le commandant de la Force Licorne, le général Clément-Bollée, en présence de
l’ambassadeur de France André Janier, la visite du ministre français de la
Défense Hervé Morin a été la première d’un membre du gouvernement français
depuis les tragiques événements de Bouaké et d’Abidjan en novembre 2004. Le
ministre français, reçu le 5 décembre par le président Gbagbo puis le 6 par le
Premier ministre Soro, a pu constater l’identité de vue au sommet de l’État
ivoirien. Le message a été clair des deux côtés : souhait d’un simple
accompagnement de la France dans le processus de paix pour la tenue d’élections
générales en 2008, côté ivoirien, attente d’élections transparentes avec
maintien de la Force Licorne ramenée à 2400 hommes à ce jour, côté français.
Initiés en
présence du président burkinabé Blaise Compaoré, les échanges entre les chefs
d’État français et ivoirien du 8 décembre à Lisbonne, en marge du sommet Union
européenne/Union africaine, ont marqué une meilleure compréhension mutuelle. Si
Nicolas Sarkozy est resté prudent pendant la conférence de presse qui a suivi,
ses propos, notamment en présence des ministre et secrétaire d’État B. Kouchner
et J.-M. Bockel, de son conseiller Afrique B. Joubert et de son conseiller
diplomatique Jean-David Levitte, ont été plus précis (« je sais que
l’ivoirité, ce n’est pas vous »), ouvrant la voie à une vraie
normalisation. La visite du ministre des Affaires étrangères à Abidjan est
désormais à l’ordre du jour. A l’évidence, et contrairement à ce qui est écrit,
ici ou là, la partie ivoirienne n’essaie pas d’accélérer le rythme de ce
rapprochement franco-ivoirien. Le président ivoirien entend bien, en labourant
le terrain, voir confirmée sa légitimité lors du prochain scrutin présidentiel
et de prochaines tournées à l’intérieur du pays sont d’ores et déjà envisagées.
La
normalisation se traduit également sur place à Abidjan avec l’engagement à
hauteur de 3,2 milliards FCFA (5 millions d’euros) du gouvernement ivoirien
dans la réhabilitation, engagée le 10 octobre dernier, du lycée français Blaise
Pascal hors d’usage depuis les événements de novembre 2004. C’est une première
réponse aux préoccupations exprimées en novembre 2007 par Michel Tizon,
président de la chambre de Commerce et d’industrie française en Côte d’Ivoire,
à l’occasion d’une journée « portes ouvertes » de cette institution.
La réouverture des écoles françaises à Abidjan est un gage important pour le
retour des entrepreneurs et de nouveaux investisseurs français, ainsi que celui
de la Banque africaine de développement provisoirement installée à Tunis.
Deux ans après
avoir renégocié avec l’État ivoirien la concession de la CIE dans le domaine de
l’électricité, le groupe Bouygues renégocie le contrat de distribution d’eau de
la SODECI, arrivé à expiration le 30 septembre 2007.
Par ailleurs,
en organisant ses 39èmes assises à Abidjan et à Yamoussoukro, du 3
au 7 décembre 2007, l’Union internationale de la presse francophone, présidée
par Hervé Bourges, a réaffirmé le rôle et la place de la Côte d’Ivoire dans la
francophonie en présence, à l’ouverture des assises, du chef de l’État
ivoirien. Quand on se souvient en quels termes avait été traité le président
ivoirien par l’ancien président français Jacques Chirac lors du dernier Sommet
de la francophonie à Bucarest, quand on se rappelle les violentes attaques
lancées contre la presse ivoirienne, on mesure le chemin parcouru grâce à
l’accord de Ouagadougou. Au début des travaux, Laurent Gbagbo, constatant le
faible niveau de la presse ivoirienne, n’a pas hésité à interpeller les
journalistes étrangers en ces termes « Aidez-nous à dire à nos
journalistes que seul le sérieux paie ».
La
Côte d’Ivoire dans le concert des nations
En reconduisant
pour un an, le 29 octobre dernier, les sanctions prises en 2004 et 2005 à
l’encontre de la Côte d’Ivoire (embargo sur les armes et les exportations de
diamants) et celles visant trois ressortissants ivoiriens, le Conseil de
sécurité de l’ONU, en adoptant sa résolution 1782, n’a pas entendu l’appel du
Président ivoirien qui demandait leur levée dans son intervention à l’Assemblée
générale de l’ONU. Un réexamen de la décision est prévu avant le 30 avril 2008,
en fonction de l’évolution de l’application de l’accord de Ouagadougou signé le
4 mars 2007. Il faut noter que le représentant du facilitateur, le Président
burkinabé Compaoré, n’avait pas évoqué cette question dans son rapport.
Cette position
a déçu les attentes des officiels ivoiriens qui imputent les retards dans
l’application de l’accord de Ouagadougou au manque de moyens financiers que les
bailleurs de fonds n’ont toujours pas décaissé depuis la table ronde
prometteuse de 18 juillet 2007. La Côte d’Ivoire a souligné, à cette occasion,
les atermoiements de l’ONU à nommer un nouveau représentant du Secrétaire
général Ban Ki-moon. Celui-ci a choisi, le 18 octobre, un de ses compatriotes,
M. Choi Young-jin, arrivé à Abidjan le 19 novembre pour succéder au Suédois
Pierre Schori rappelé le 15 février.
Les États-Unis
ont dépêché à Abidjan, le 10 novembre, le numéro deux du département d’État,
l’ambassadeur John Negroponte, qui a rencontré les plus hautes autorités du
pays, marquant l’intérêt nouveau de Washington dans le suivi du processus de
sortie de crise. Cette visite fait suite à la nomination récente d’un nouvel
ambassadeur, Madame Wanda Nesbitt, qui a présenté ses lettres de créances au
Président ivoirien le 6 novembre avant de rencontrer le Premier ministre le 7.
L’ambassadeur
du Canada, Madame Isabelle Massip, s’est officiellement réjoui, le 30 octobre,
de l’amélioration de la situation ivoirienne à l’occasion de la Foire
canadienne de l’Éducation qui devait se tenir à Abidjan les 5 et 6 novembre.
Cette initiative traduit la volonté du Canada d’accueillir des « étudiants
de qualité », selon l’expression de la diplomate, et reflète une évidente
concurrence avec la France, en particulier, qui n’est toujours pas à la hauteur
en matière d’accueil sur son territoire d’étudiants et d’intellectuels de Côte
d’Ivoire et d’Afrique subsaharienne en général.
Pour sa part,
le commissaire européen au Développement, le Belge Louis Michel, a répondu le
17 novembre à une invitation du président ivoirien et a également rencontré les
opposants Alassane Ouattara et un représentant de Henri Konan Bédié. Il a constaté,
apparemment avec surprise, l’identité de vue entre le chef de l’État et son
Premier ministre, malgré les retards en matière de désarmement et
d’identification, et cette donnée l’incite à soutenir un véritable engagement
financier de l’Union européenne dans le processus déclenché par l’accord de
Ouagadougou, sans immixtion ni ingérence. Le 7 décembre, la Côte d’Ivoire a
signé un accord d’étape commercial avec l’Union européenne dans le cadre du
partenariat économique UE/ACP prévu par la Convention de Cotonou. Critiquée par
le Sénégal, cette signature ivoirienne qui accompagne celle d’autres pays à
revenus intermédiaires comme l’Île Maurice, le Kenya ou le Botswana, était très
importante pour le pays très fragilisé par la crise et gros exportateur de cacao,
d’ananas et de conserves de thon notamment.
Le sommet Union
européenne/Union africaine des 8 et 9 décembre à Lisbonne a confirmé les
meilleures dispositions de l’Europe, en particulier de la France, à l’égard de
la Côte d’Ivoire. Il a aussi permis de rapprocher le pays d’institutions
internationales comme les Nations Unies et la Banque mondiale qui va normaliser
ses rapports avec Abidjan après le paiement en janvier 2008 d’arriérés
d’un montant de 108 milliards FCFA.
Les
bases d’une relance économique
La guerre, puis
le maintien de la partition du pays avec d’importants déplacements de
populations réfugiées ont accru la pauvreté dans le pays. Selon le PNUD, c’est
un taux de pauvreté de 43 % qui frappe la Côte d’Ivoire. La fin de la guerre et
les mesures engagées aux plans économique et financier devraient inverser la
tendance.
Les relations
avec le Fonds monétaire international (FMI) évoluent de façon positive. La
décision prise, le 3 août dernier, d’appuyer une « Assistance d’urgence
post conflit » (AUPC) a été suivie d’une mission du FMI en Côte d’Ivoire
du 12 au 26 novembre incluant des discussions avec des membres des missions de
la Banque mondiale et la Banque africaine de développement (BAD). La Côte
d’Ivoire est à jour dans ses opérations courantes depuis juillet 2007 avec ces
deux institutions financières, les arriérés devant être versés en janvier 2008
à la Banque mondiale et en avril à la BAD. La mission du FMI, accompagnée de
délégations de la Banque mondiale et de la BAD, a visité les zones Centre, Nord
et Ouest, particulièrement affectées par la crise politico-militaire,
recommandant que les taxes et recettes collectées par les Forces nouvelles
(ancienne rébellion) soient reversées à l’État ivoirien. Malgré la persistance
de difficultés, notamment dans les villes frontalières, liées à la coexistence
de deux états-majors militaires, le chef de la délégation du FMI a pris acte
d’avancées notables dans la réunification du pays.
Toutefois, le
FMI a de nouveau mis l’accent sur la situation préoccupante de la gouvernance
en Côte d’Ivoire et dans les pays de la CEDEAO. En bonne voie, le projet
d’interconnexion des douanes ouest-africaines sur la base du système
informatique ivoirien mis en place par le directeur des douanes Gnamien Konan,
qui a permis à la Côte d’Ivoire de faire passer en quelques années ses recettes
douanières de 300 à 720 milliards FCFA, est une première réponse à ces mises en
garde du FMI.
Les
recommandations formulées par la Banque mondiale, en matière de gouvernance
économique, à l’issue de sa mission du 17 au 28 septembre, n’ont pas été sans
effet. Devant la colère des producteurs, dès le 11 octobre, le président Gbagbo
a demandé à la justice d’ouvrir une enquête sur d’importants détournements de
fonds présumés dans la filière café-cacao (300 à 400 milliards FCFA de 2001 à
2007 selon un rapport de la Banque mondiale), notamment imputables aux structures de gestion de la
filière mises en place dans le cadre de sa libéralisation voulue par les
institutions de Bretton-Woods et à l’évasion d’une partie de la production vers
le Burkina Faso et le Ghana.
La production
(plus de 600 000 planteurs) et les exportations de cacao ont connu une baisse
sensible en 2007, de l’ordre de 20 %, n’atteignant pas tout à fait le million
de tonnes. La filière coton (250 000 producteurs) dont l’exploitation se fait
dans l’ancienne zone rebelle du Nord du pays connaît une grave crise. La
production a chuté de 400 000 (2002/2003) à 150 000 tonnes en 2007. L’Union
européenne participe depuis 2006 à une relance durable de la filière. Les prix
aux producteurs annoncés pour 2007/2008 sont en légère hausse (450 FCFA/kg pour
le cacao et 150 FCFA pour le coton).
Conséquence
positive de la tragédie engendrée par le déversement de déchets toxiques du
Probo Koala dans la décharge d’Akouédo à Abidjan, des réformes de fond sont
engagées dans le secteur de la collecte et de la gestion des ordures ménagères.
Une ordonnance présidentielle en date du 4 octobre a dessaisi les districts
d’Abidjan et de Yamoussoukro ainsi que les communes de leurs compétences dans
ce domaine. Le 2 novembre a été mise en place l’Agence nationale de la
salubrité urbaine et cette nouvelle tutelle, qui veut mettre un terme aux abus
passés, a engagé un bras de fer avec les collecteurs actuels.
Le
développement de l’exploitation des ressources pétrolières est mis en avant
aujourd’hui pour transformer une économie ivoirienne encore fondée sur le cacao
et le café. La production est annoncée officiellement à 50 000 barils/jour,
certains puits n’étant plus en production en raison de l’ensablement. La
concession, le 11 décembre, d’un bloc
pétrolier de 1000 km 2 off shore (31,5 % Côte d’Ivoire, 31,5 % Edison –
Italie –, 27 % Tullow – Irlande –, 10 % Kufpec – Koweit) doit participer à un
accroissement sensible de la production d’ici à 2010. Premier producteur,
encore modeste, de pétrole de l’Union économique et monétaire ouest-africaine
(UEMOA), la Côte d’Ivoire exporte des produits pétroliers pour des recettes de
1515 milliards FCFA (2,3 milliards d’euros) en 2006 (+ 43 % par rapport à 2005)
grâce aux excellentes performances de la Société ivoirienne de raffinage
(SIR).
Le 14 novembre
a été posée par le chef d’État la première pierre d’une deuxième raffinerie
dans la zone portuaire de Vridi, visant à valoriser les bruts africains en
provenance d’Angola, de Guinée équatoriale et du Nigeria qui alimente déjà,
depuis novembre 2003, la SIR à hauteur de 30 000 barils/jour. Sa construction,
estimée à 700 milliards FCFA, sera achevée dans un délai de 36 à 40 mois. D’une capacité de 60 000 barils/jour, soit 3
millions de tonnes par an, cette raffinerie est réalisée pour le compte de la
Petroci sur la base d’un partenariat avec les groupes américains Energy Allied
International et WCW International. La Côte d’Ivoire entend s’intégrer dans le
projet régional (Ghana, Togo, Bénin) en matière d’énergie et, à terme, de
pétrochimie en lien avec le Nigeria.
D’un coût de
110 milliards FCFA, le projet d’un oléoduc de 385 kilomètres reliant Abidjan à
Bouaké en passant par la capitale Yamoussoukro a été lancé le 22 novembre et
devrait être achevé en janvier 2009. Il vise à faire de la Côte d’Ivoire une
plateforme stratégique du secteur pétrolier dans la région, des extensions
étant envisageables vers le Burkina Faso, le Mali et la Guinée.
Cette
construction s’inscrit dans le cadre d’un ambitieux projet d’extension du Port
autonome d’Abidjan dans l’île de Boulay bientôt reliée à Yopougon et au reste
de l’espace portuaire par un nouveau pont dont le projet a été confié à
l’architecte Pierre Fakhoury. Le directeur du Port, Marcel Gossio, a dirigé
plusieurs opérations de promotion commerciale : au Burkina Faso en juillet
et septembre, au Mali, en novembre. Le trafic avec ces deux pays a pratiquement
retrouvé en 2007 le niveau de la fin des années 90. Du 10 au 16 décembre, la
France et l’Europe, avec Paris et Bruxelles, étaient les cibles de ces
opérations de promotion. Grâce aux produits pétroliers, Abidjan reste le
deuxième port du continent après Durban, avec un trafic de 18 856 millions de
tonnes en 2006, après le creux sensible de l’année 2003 lié à la guerre (15 520
millions de tonnes). Le port représente 90 % des échanges extérieurs du pays et 85 % des recettes douanières ;
il concourt à hauteur de 60 % au budget de l’État.
Avec la fin de
la guerre et la réunification du pays, l’État ivoirien commence à jeter de
façon volontariste les bases d’une relance économique dont la dimension
régionale ne peut que profiter aux pays enclavés du Sahel et aux pays côtiers
voisins.
Mode
de citation : Guy LABERTIT, « Côte d’Ivoire : le bout du tunnel », MULTIPOL – Réseau d’analyse et d’information de l’actualité
internationale, décembre 2007.
Les opinions exprimées dans cet article n'engagent que son auteur.
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire