Le
9 décembre, Européens et Africains ont adopté à Lisbonne les principes
d'un partenariat «d'égal à égal», censé ouvrir une nouvelle page de
leurs relations, au terme d'un sommet de deux jours où l'Afrique a fait
entendre ses exigences, parfois avec véhémence, sur cet avenir commun.
Depuis
le premier sommet euro-africain du Caire en 2000, l’organisation d’une
seconde édition butait sur l’épineuse question du Zimbabwe, dont le
Président Robert Mugabe, viole les droits humains et insulte
régulièrement l’Occident en général. Pour assurer la tenue du sommet, la
présidence portugaise a invité Robert Mugabe, malgré les sanctions
européennes dont il fait l’objet, suscitant le boycott de Gordon Brown,
le Premier ministre britannique.
Le
deuxième sommet UE-Afrique «a véritablement tourné une page dans
l'histoire», a déclaré le Premier ministre portugais José Socrates dans
son discours de clôture. «C'est vrai que l'histoire de nos continents
est une histoire avec des souffrances», a-t-il reconnu, mais «cette
nouvelle page qui s'ouvre est une page vierge sur laquelle nous serons
appelés à écrire».
Le
président ghanéen John Kufuor, président en exercice de l'Union
africaine, a également jugé qu'il s'agissait d'un «événement historique
dans les relations UE-Afrique», tout en réclamant que le partenariat
adopté soit «sérieusement mis à l'œuvre». La «stratégie conjointe»,
adoptée par 27 pays européens et 53 pays africains et résumée dans une
Déclaration de Lisbonne, est accompagnée d'un plan d'action pour les
trois prochaines années, avant un prochain sommet prévu en Afrique et
que la Libye souhaite organiser.
Pour
le président de la Commission de l'UA, Alpha Oumar Konaré, ce nouveau
partenariat a vocation à aider l'Afrique à sortir de son «rapport
inégalitaire avec le reste du monde». «L’Afrique n’a pas besoin de
charité ni de paternalisme». Elle veut devenir un partenaire à part
entière, au Conseil de sécurité de l’ONU comme dans la mondialisation
des échanges, a-t-il ajouté.
Alors
que l'Europe reste le premier partenaire commercial de l'Afrique, elle
subit effectivement de plein fouet la concurrence de puissances
émergentes, la Chine en tête.
Or,
près d'un demi-siècle après les indépendances, les relations entre
l'Afrique et l'Europe sont bien plus complexes, voire sensibles, que
celles nouées avec ces nouveaux partenaires, et les contentieux n'ont
pas manqué d'éclater au grand jour.
Le
passif colonial a été un sujet particulièrement sensible. Dans une
intervention très remarquée à l'ouverture du sommet, M. Konaré a exigé
un «devoir de mémoire vis-à-vis de la traite négrière, de la
colonisation, de l'apartheid, du génocide rwandais».
À
la clôture du sommet, le Président Zimbabwéen, Robert Mugabe, s’est
notamment livré à une violente diatribe contre l'Union européenne, par
laquelle il a dénoncé «l'arrogance» et le «complexe de supériorité» de
l'UE et de quatre pays en particulier (Allemagne, Suède, Danemark,
Pays-Bas) qui ont critiqué la situation des droits de l'Homme dans son
pays. «Le Zimbabwe ne sera plus jamais une colonie», a lancé M. Mugabe,
soumis à des sanctions européennes depuis 2002.
Les
questions épineuses de la libéralisation du commerce, que les Européens
veulent imposer à l'Afrique, et des accords de partenariat économique
ont également occupé une grande place lors de ce sommet, M. Konaré
dénonçant le «forcing» des Européens dans les négociations avec les pays
ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique).
L’Afrique
et l’Europe ont jusqu’au 31 décembre 2007 pour mettre leurs accords
commerciaux préférentiels en conformité avec l’Organisation mondiale du
commerce. Pour les pays à revenus intermédiaires (Côte-d’Ivoire,
Cameroun, Namibie, Ghana ou Kenya), les nouvelles règles se traduiront
dès le 1er janvier 2008 par des amendes ou une perte dramatique de
revenus fiscaux.
La
Commission européenne a fait un geste dimanche en acceptant de discuter
début 2008 des inquiétudes de ces pays, qui craignent notamment que
l'abaissement progressif des tarifs douaniers sur les importations de
produits européens ne fragilise encore leurs économies.
Concernant
le Darfour, les Européens ont enfin demandé au Président soudanais Omar
el-Béchir qu'il facilite le déploiement de la force de paix ONU-UA dont
il refuse pour le moment la composition proposée par les Nations Unies.
De
leur côté, les Africains demandent à l’Union européenne de débloquer
plus de fonds, et plus vite, pour les 26 000 hommes de la force UA-ONU
devant se déployer l’an prochain dans l’ouest du Soudan. Mais ils
s’opposent à l’envoi de contingents non africains (Norvège, Thaïlande ou
Népal), à l’exception de la Chine et du Pakistan. Les Européens, dont
Nicolas Sarkozy, ont rappelé que la force mixte ne saurait être purement
africaine.
Commentaires
Par ailleurs, s'il est vrai que les 6 fondateurs de la CEE avaient tous un passé d'ancienne puissance coloniale à assumer, tel n'est pas le cas de la majorité des membres actuels de l'UE: ni l'Irlande, ni la Grèce, ni les PECO ne peuvent souffrire de telles critiques. Le discours de l'Afrique concernant l'UE doit donc en tenir compte et perdrait en crédibilité faute de le faire. Si les pays de l'Union européenne ayant un passé colonial ont souvent été de mauvaise foi dans leur prétendue relation d'égal à égal, eut égard, notamment, à l'appartenance au Commonwelth et à la politique de coopération que la France avait imposée à ses anciennes colonies comme condition sine qua non de leur indépendance de papier, il semble que les pays africains jouent aussi la carte de la mauvaise foi en reprochant à l'ensemble de l'Union européenne, telle qu'elle est actuellement composée, un passé commun et difficile...