Depuis le premier sommet euro-africain du Caire en 2000, l’organisation d’une seconde édition butait sur l’épineuse question du Zimbabwe, dont le Président Robert Mugabe, viole les droits humains et insulte régulièrement l’Occident en général. Pour assurer la tenue du sommet, la présidence portugaise a invité Robert Mugabe, malgré les sanctions européennes dont il fait l’objet, suscitant le boycott de Gordon Brown, le Premier ministre britannique.
Le deuxième sommet UE-Afrique «a véritablement tourné une page dans l'histoire», a déclaré le Premier ministre portugais José Socrates dans son discours de clôture. «C'est vrai que l'histoire de nos continents est une histoire avec des souffrances», a-t-il reconnu, mais «cette nouvelle page qui s'ouvre est une page vierge sur laquelle nous serons appelés à écrire».
Le président ghanéen John Kufuor, président en exercice de l'Union africaine, a également jugé qu'il s'agissait d'un «événement historique dans les relations UE-Afrique», tout en réclamant que le partenariat adopté soit «sérieusement mis à l'œuvre». La «stratégie conjointe», adoptée par 27 pays européens et 53 pays africains et résumée dans une Déclaration de Lisbonne, est accompagnée d'un plan d'action pour les trois prochaines années, avant un prochain sommet prévu en Afrique et que la Libye souhaite organiser.
Pour le président de la Commission de l'UA, Alpha Oumar Konaré, ce nouveau partenariat a vocation à aider l'Afrique à sortir de son «rapport inégalitaire avec le reste du monde». «L’Afrique n’a pas besoin de charité ni de paternalisme». Elle veut devenir un partenaire à part entière, au Conseil de sécurité de l’ONU comme dans la mondialisation des échanges, a-t-il ajouté.
Alors que l'Europe reste le premier partenaire commercial de l'Afrique, elle subit effectivement de plein fouet la concurrence de puissances émergentes, la Chine en tête.
Or, près d'un demi-siècle après les indépendances, les relations entre l'Afrique et l'Europe sont bien plus complexes, voire sensibles, que celles nouées avec ces nouveaux partenaires, et les contentieux n'ont pas manqué d'éclater au grand jour.
Le passif colonial a été un sujet particulièrement sensible. Dans une intervention très remarquée à l'ouverture du sommet, M. Konaré a exigé un «devoir de mémoire vis-à-vis de la traite négrière, de la colonisation, de l'apartheid, du génocide rwandais».
À la clôture du sommet, le Président Zimbabwéen, Robert Mugabe, s’est notamment livré à une violente diatribe contre l'Union européenne, par laquelle il a dénoncé «l'arrogance» et le «complexe de supériorité» de l'UE et de quatre pays en particulier (Allemagne, Suède, Danemark, Pays-Bas) qui ont critiqué la situation des droits de l'Homme dans son pays. «Le Zimbabwe ne sera plus jamais une colonie», a lancé M. Mugabe, soumis à des sanctions européennes depuis 2002.
Les questions épineuses de la libéralisation du commerce, que les Européens veulent imposer à l'Afrique, et des accords de partenariat économique ont également occupé une grande place lors de ce sommet, M. Konaré dénonçant le «forcing» des Européens dans les négociations avec les pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique).
L’Afrique et l’Europe ont jusqu’au 31 décembre 2007 pour mettre leurs accords commerciaux préférentiels en conformité avec l’Organisation mondiale du commerce. Pour les pays à revenus intermédiaires (Côte-d’Ivoire, Cameroun, Namibie, Ghana ou Kenya), les nouvelles règles se traduiront dès le 1er janvier 2008 par des amendes ou une perte dramatique de revenus fiscaux.
La Commission européenne a fait un geste dimanche en acceptant de discuter début 2008 des inquiétudes de ces pays, qui craignent notamment que l'abaissement progressif des tarifs douaniers sur les importations de produits européens ne fragilise encore leurs économies.
Concernant le Darfour, les Européens ont enfin demandé au Président soudanais Omar el-Béchir qu'il facilite le déploiement de la force de paix ONU-UA dont il refuse pour le moment la composition proposée par les Nations Unies.
De leur côté, les Africains demandent à l’Union européenne de débloquer plus de fonds, et plus vite, pour les 26 000 hommes de la force UA-ONU devant se déployer l’an prochain dans l’ouest du Soudan. Mais ils s’opposent à l’envoi de contingents non africains (Norvège, Thaïlande ou Népal), à l’exception de la Chine et du Pakistan. Les Européens, dont Nicolas Sarkozy, ont rappelé que la force mixte ne saurait être purement africaine.