Un pays en ruine
Principal enjeu du scrutin : la reconstruction d'un pays totalement ruiné, à l'économie effondrée, avec une inflation à plus de 100.000% et un chômage à plus de 80%. Les produits de première nécessité ont disparu des magasins, dans ce pays qui était autrefois le grenier à blé de la région. Le Zimbabwe a aussi le triste privilège d'être un des pays du monde où l'espérance de vie est la plus basse (inférieure à 40 ans).
Les forces de l'ordre ont été placées en état d'alerte maximale. Robert Mugabe, 84 ans, dirige l'ex-Rhodésie britannique depuis l'indépendance en 1980. Il a axé sa campagne sur le rejet de l'Occident, accusé de vouloir dicter l'avenir du pays. Ses principaux rivaux ne sont pour lui que des "pantins" de l'ancienne puissance coloniale.
Le régime a par ailleurs refusé la présence d'observateurs européens et américains, qui avaient qualifié de frauduleux le scrutin de 2002. Seules ont été invités la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC), l'Union africaine (UA) et des pays amis comme la Chine, l'Iran, le Venezuela ou la Russie.
Les autorités ont décerné au compte-gouttes les accréditations aux journalistes étrangers, les refusant même totalement à certains médias comme la radio-télévision britannique BBC, la chaîne américaine CNN, l'agence Associated Press (AP) ou le quotidien New York Times.
Les premiers résultats ne sont pas attendus avant dimanche. Un second tour aura lieu dans les trois semaines si aucun candidat n'obtient la majorité absolue.

Robert Mugabe, au pouvoir depuis l'indépendance
Adulé à son arrivée à la tête du Zimbabwe indépendant en 1980, Robert Mugabe est désormais considéré par ses opposants, alors que le pays élit samedi son président, comme le dictateur qui a détruit une économie autrefois prospère.
A 84 ans, l'ancien maquisard marxiste célébré il y a 28 ans comme l'exemple parfait de la démocratie en marche en Afrique refuse toute critique et affirme que les puissances occidentales qui s'en prennent à lui sont seules responsables des souffrances du Zimbabwe .
Alors que l'économie subit le taux d'inflation le plus élevé au monde à plus de 100.000% et que des millions d'habitants tentent de s'exiler pour échapper à la misère, Mugabe espère obtenir un nouveau mandat de cinq ans.
Contre lui se présentent un rival de longue date, Morgan Tsvangirai, et un ancien allié, Simba Makoni.
L'opposition accuse Mugabe de vouloir truquer les élections et de profiter de sa fonction pour peser sur le scrutin. Le chef de l'Etat a récemment organisé des distributions de nourriture et de denrées agricoles et menacé de contraindre les commerces à baisser leurs
En mars 2002, sa réélection pour un troisième mandat de six ans, dénoncée comme frauduleuse à l'étranger, avait conduit le Commonwealth à suspendre le Zimbabwe de l'organisation.
Se proclamant une nouvelle fois victime du racisme dont il taxe l'ancienne puissance coloniale britannique, Mugabe a répliqué en retirant son pays du Commonwealth en décembre 2003.
Menacé pour la première fois de sa carrière par un vent de lassitude intérieure avant les élections générales de juin 2000, il s'était lancé dans une offensive tous azimuts: soutien à l'occupation violente des fermes blanches, virulente campagne contre l'homosexualité, sermons féroces contre les complots de toutes sortes qui le menaceraient.
Pour ses partisans, Robert Mugabe a toujours su rester "un dirigeant révolutionnaire" fustigé par les Occidentaux parce qu'il refuse d'être un pantin à leur solde, le "gardien des intérêts nationaux du Zimbabwe" selon l'expression de son ancien ministre des Affaires étrangères, Stan Mudenge.
Pour ses détracteurs, le président zimbabwéen a mis à genoux l'économie de son pays, deuxième puissance d'Afrique australe, et préféré les visites officielles à l'étranger à la gestion des affaires intérieures.
Surtout, la campagne d'occupation des terres par les vétérans de la guerre d'indépendance qu'il a toujours soutenus a "plombé" l'économie, selon ses opposants. "Les anciens combattants sont l'avant-garde de notre révolution. Ils doivent être traités avec le respect qu'ils méritent", réplique le chef de l'Etat. Pour les anciens combattants, Robert Gabriel Mugabe est une icône. Emprisonné pendant dix ans parce qu'il combattait la colonisation, il a passé sept ans dans le bush les armes à la main.
En 1980, année de l'indépendance, il devient le premier dirigeant démocratiquement élu du pays, au poste de Premier ministre. Il prêche alors, plus de dix années avant Nelson Mandela, la réconciliation entre Noirs et Blancs.
Sept ans plus tard, à la faveur d'une modification de la Constitution, il s'installe comme président. La même année, une rébellion dans la province du Matabeleland est réprimée dans le sang, suscitant quelques déclarations indignées de la communauté internationale. Bien moins cependant qu'après le lancement de la campagne d'occupation des fermes blanches, tournant d'autant plus symbolique qu'il a profité surtout aux affidés de Mugabe, militaires ou ministres dotés ainsi de rentes juteuses. Virulent dans ses discours, Mugabe est aussi un ascète élevé par les jésuites, qui ne boit jamais d'alcool. Il est marié depuis 1995 à son ex-secrétaire Grace Marufu, qu'il a épousée trois ans après la mort de sa première femme d'origine ghanéenne, Sally. Il est père de trois enfants.
© Reuters