Les conséquences humanitaires de l'utilisation de ces armes sont tristement connues depuis plus de cinquante ans (première utilisation Port de Grimsby, Royaume-Uni, 1943). Plus de 440 millions de sous-munitions auraient été larguées depuis les années 1960 dans une trentaine de pays (Laos, ex-Yougoslavie, Irak, Afghanistan...). Handicap International a ainsi recensé pas moins de 100 000 civils tués ou blessés par des sous-munitions depuis 1975 Les sous-munitions sont de petites grenades qui, une fois libérées de leurs conteneurs (obus, missile, roquette), explosent avant ou lors de l'impact. Selon le modèle, les conteneurs peuvent contenir quelques unités à plusieurs centaines de sous-munitions. Le taux d'échec, c'est-à dire le taux de non-explosion de ces munitions peut aller de 5 à 40 %. Le sol, les arbres, les toits de maisons, les rivières et les champs sont alors jonchés de ces grenades à la taille réduite (moins de 10 cm), empêchant tout retour à une vie normale et obligeant la population à vivre dans la crainte d'un faux pas…
Une des réponses apportée par les Etats pour conserver ces « tueurs en sommeil » (expression de Koffi Annan) a été de doter les sous-munitions d'un système d'autodestruction. Ce système est censé, en cas de non-fonctionnement de la sous-munition (les causes sont nombreuses et variées : conditions météorologiques, erreurs humaines, mauvaises utilisations, sol mou…), de la faire exploser. Malheureusement, la population libanaise a été la victime de ce type de sous-munitions modernes durant le conflit qui opposa Israël et le Hezbollah en 2006.
Sous-munition de conception israélienne (en dotation dans de nombreux pays : Suisse, Norvège…), la M-85 était présentée comme une référence en matière de fiabilité (taux d'échec de moins de 1%). À la suite de ce conflit, la M-85 est devenue le parfait contre-exemple de l'impossibilité d'assurer un taux minimum d'échec. Une étude conduite par un institut norvégien (Colin King, M85 An analysis of reliability, Norwegian People's Aid, 2007) a ainsi démontré que le véritable taux d'échec de la M-85 au Liban était de 9,6% à 12,2%. Le mythe de la sous-munition fiable à 99 % est donc tombé ! Mais la détermination de certains Etats (France, Etats-Unis, Allemagne, Royaume-Uni entre autres) à conserver ces armes reste ferme. La France, par exemple, revendique le droit de disposer de sous-munitions « intelligentes » (BONUS), ou encore de doter ces sous-munitions classiques (type OGR) d'un système de correction de trajectoire. Un dispositif qui assurera non pas la fiabilité mais la précision du largage des sous-munitions sur l'objectif.
La création de ce nouveau traité est donc loin d'être assurée. Pour ne pas transformer la mobilisation des ONG et de l'opinion publique en une victoire amère, ce traité doit absolument contenir certaines dispositions : la vérification et la destruction des stocks, l'absence de période de transition ou alors une période limitée dans le temps non renouvelable et accordée uniquement pour des sous-munitions qui ne seraient utilisées que dans le cadre de la défense des frontières du pays demandeur, mais encore allouer des moyens au nettoyage des zones infestées, financer l'éducation aux risques, interdire la production, l'exportation et l'utilisation des sous-munitions.
À l'aube de l'ouverture de cette conférence, les craintes sont nombreuses quant à la volonté de ces Etats d'affaiblir ce traité. Concernant la France, l'ambigüité sur sa position reste entière. L'appel, lancé par le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, « Stop aux BASM » (Libération, 22 janvier 2008), doit-il cependant résonner comme un espoir ? Réponse, le 30 mai 2008…