Sans remonter à la grande spéculation sur les bulbes de tulipes dans la Hollande du XVIIe siècle, force est de constater que les crises financières ont une longue histoire que l’actualité tout comme la complexité des mécanismes à l’oeuvre font souvent perdre de vue. Leur nature et leur fréquence ont en effet évolué au cours des vingt dernières années sous l’effet de la mondialisation financière. Le processus de libéralisation des mouvements de capitaux et les innovations financières qui l’accompagnent modifient ainsi l’ordre financier international et appellent de nouvelles méthodes pour en assurer la stabilité.
Dans les économies développées les crises de change se sont raréfiées après l’abandon du système de change fixe en 1971, à l’exception notable de la crise du Système Monétaire Européen de 1993. Mais en 1987 les bourses mondiales ont été secouées par une crise violente. Les pays du Sud et de l’Est sont quant à eux frappés dans les années 1980 par des crises de surendettement qui menacent la stabilité du système monétaire et financier international. Après le retour massif de capitaux vers ces pays, des crises financières touchent successivement le Mexique (1994), de nombreux pays asiatiques (1997 et 1998), la Russie et le Brésil (1998-1999). Les grands pays industriels affrontent alors en 2000-2002 une crise boursière qui met fin à l’euphorie de la « nouvelle économie ». Et depuis août 2007, une nouvelle crise se propage. Les crises se succèdent, mais se ressemblent-elles ? Peut-on identifier, au-delà des spécificités de chaque crise, un ou plusieurs éléments communs d’interprétation ? Quel est le rôle de la mondialisation financière dans la naissance et la propagation de ces crises, et le processus d’intégration financière est-il quantifiable ?
La vague de déréglementation financière amorcée aux États-Unis au début des années 1980 a gagné la plupart des pays industrialisés et est à l'origine d'une mutation en profondeur des circuits de financement et des environnements financiers nationaux et internationaux. De nouveaux acteurs, de nouveaux comportements, de nouveaux instruments et de nouvelles techniques (opérations hors bilan des banques par la titrisation, décomposition et transferts des risques, produits structurés) ont fait leur apparition. Leur imbrication favorise-t-elle les prises de risques et la déstabilisation du système financier ? La crise financière actuelle apparaît-elle comme un accident ou bien ces innovations portentelles en germe les fondements des bouleversements futurs ?
Le décloisonnement des systèmes financiers nationaux, qui progresse depuis la fin des années 1970 et se généralise dans les années 1990 facilite la mobilité des capitaux et permet des transferts d'épargne de grande ampleur entre pays. En même temps, l'hétérogénéité des systèmes financiers nationaux reste forte et il n'existe pas d'espace monétaire international intégré. Quel rôle les différents acteurs, et tout particulièrement les banques, jouent-ils dans cet environnement contraint ? Et quelle place la rationalité y tient-elle ? La transparence de leurs actions constituerait-elle un gage de stabilité du système ? Dans ce contexte, les pays émergents permettent-ils aux investisseurs de diversifier les risques ?
Il existe un certain processus d’autorégulation et d’apprentissage de la part des banques dans leur capacité d’absorption des chocs. Ces forces de rappel sont cependant insuffisantes pour éviter les crises financières. L’intervention de l’Etat (au sens large, y compris via les banques centrales indépendantes) est nécessaire tant la stabilité financière est devenue un bien public. Quelles sont les règles prudentielles établies pour pallier le risque systémique ? Plus particulièrement quel est le rôle du Comité de Bâle ? Comment faire accepter les règles par les banques ? Quel est le poids de cette réglementation et sa légitimité ? Ses règles sont-elles pertinentes ? Pouvait-on éviter la crise des subprimes si elles avaient été mises en place plus tôt ? Se pose alors la question du mode d’intervention publique le plus pertinent une fois que la crise est déclenchée. Le pouvoir des banques centrales doit-il se développer en leur confiant explicitement un objectif de stabilité financière ? Dans quelle mesure une telle garantie favoriserait-elle la prise de risque des investisseurs ?