12 mai 2008

NOTE : Rejet d’une résolution onusienne fondée sur la «responsabilité de protéger» pour faciliter l'arrivée des travailleurs humanitaires au Myanmar

Catherine MAIA
Les Nations Unies ont lancé le 9 mai un appel à contribution, 6 jours après le passage de l'ouragan Nargis au Myanmar, d'un montant de 187 millions de dollars, somme répondant aux besoins évalués à ce jour pour les six mois à venir afin d'assister au moins 1,5 millions de personnes.
John Holmes, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d'urgence de l'ONU, a lancé l'appel conjoint au nom de 10 agences des Nations Unies et de 9 organisations non gouvernementales afin d'assister les efforts du gouvernement du Myanmar.
De son côté, le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon a fermement appelé les autorités birmanes à autoriser l’entrée de l’assistance humanitaire, insistant sur le fait que « toute inaction aurait des conséquences mortelles », puisque c’est la survie de la population qui est en jeu.
Bien que le représentant du Myanmar à l'ONU, présent lors de l'appel à contribution, ait indiqué que son pays « acceptait avec satisfaction l'assistance internationale offerte », plus d'une semaine après le passage du cyclone Nargis, les autorités birmanes rechignent toujours à délivrer des visas aux ONG.
La situation humanitaire est de plus en plus désespérée au Myanmar. Dans le Delta, un million et demi de personnes sont gravement touchées et une catastrophe encore plus grave pourrait avoir lieu si l'on ne pouvait acheminer rapidement l'assistance dont les populations ont désespérément besoin », a déclaré le 8 mai le responsable humanitaire en chef de l'ONU.
Face au blocage de la junte militaire au pouvoir le chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner, a proposé d’utiliser une clause sur la « responsabilité de protéger » les populations civiles. Cette clause, adoptée en 2005 aux Nations Unies pourrait servir à faire adopter par le Conseil de sécurité une résolution autorisant le passage de l’aide en Birmanie : « Il s'agit maintenant, dans cette immense catastrophe, d'arriver auprès des victimes et de les secourir », a justifié le ministre français des Affaires étrangères.
Cette proposition française a cependant été rejeté le 7 mai. Malgré l’appui des États-Unis et de la Grande-Bretagne, huit des quinze Etats membres - la Chine, la Russie, l’Afrique du Sud, l’Indonésie, le Vietnam, le Costa Rica, la Libye et le Panama - se sont prononcés contre l’implication de l’institution de l’ONU, chargée de maintenir la paix et la sécurité, dans la gestion d’une catastrophe.
Pour sa part, John Holmes a fait part de son scepticisme, affirmant qu’« envahir » la Birmanie ou prendre « la voie de la confrontation » ne serait ni raisonnable, ni en mesure d’aider les victimes du cyclone. « Est-ce que cela aiderait plus rapidement les gens qui souffrent vraiment sur place ? Personnellement, j’en doute », a-t-il déclaré.
Le dernier bilan officiel après le passage du cyclone Nargis faisait état de 22.980 morts et 42.119 disparus, principalement dans le delta de l’Irrawaddy (Sud).
Mais la diplomate américaine Shari Villarosa a estimé le 7 mai, depuis Rangoon, que le bilan du cyclone et ses conséquences pourrait atteindre les 100.000 morts avec l’aggravation des conditions sanitaires. Selon ses estimations, 95% des bâtiments dans les zones touchées sont détruits et les ponts inondés. Elle a jugé que la situation en dehors de l’ancienne capitale est « de plus en plus horrible », évoquant le manque d’eau potable et de nourriture signalé par les organisations humanitaires.


Mise à jour (14 mai 2008)
Le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon a exprimé le 12 mai, lors d’une conférence de presse à New York, sa « profonde préoccupation » et son « immense frustration » face aux entraves à l’accès humanitaire au Myanmar et à la lenteur à laquelle l’assistance parvient aux populations en conséquence. Ban Ki-moon a fustigé « la réponse d’une lenteur inacceptable face à la grave crise humanitaire au Myanmar ». « Selon les propres chiffres du gouvernement, le nombre de décès se porte désormais à 31.938, outre 34.460 personnes portées disparues, mais les agences humanitaires internationales ont des estimations bien supérieures », a-t-il rappelé. « Nous sommes à un moment critique. Si nous n’apportons pas plus d’aide dans le pays – et très vite – nous faisons face à une épidémie de maladies infectieuses qui pourrait dépasser la crise actuelle ».
Ban Ki-moon qui, tout au long de la semaine, a tenté en vain de s’entretenir par téléphone avec le général Tan Shwe, chef d’Etat du Myanmar, a appelé « dans les termes les plus fermes, le gouvernement du Myanmar à donner à la priorité à la vie de population ». Il a plaidé pour une plus grande liberté d’accès au pays et dans le pays, déplorant que le gouvernement continue à refuser les visas à la plupart des agents humanitaires. Il a aussi souligné que l’assistance ne parvient qu’à moins d’un tiers des 1,5 de personnes qui ont besoin d’une aide urgence, soit à près de 270.000 personnes, qui n’ont reçu que des secours rudimentaires.
Le 14 mai, Rudi Muhammed Rizki, l’expert indépendant des Nations unies sur les droits de l’Homme et la solidarité internationale, et Walter Kälin, le Représentant du Secrétaire général pour les droits de l'Homme des personnes déplacées dans leur propre pays, ont réitéré dans une déclaration commune l’appel de Ban Ki-moon au gouvernement du Myanmar concernant l’arrivée de l’aide internationale : « Les personnes touchées par des catastrophes naturelles ont les même droits et libertés que les autres, en particulier en ce qui concerne l’accès à la nourriture et à l’eau potable, l’abri et le logement, les vêtements adéquats ainsi que les services médicaux de base et l’assainissement », ont-ils déclaré.
Ils ont souligné l’importance que l’aide parvienne aux populations affectées qui en ont particulièrement besoin, sans obstacles structurels ou autres. Le caractère obligatoire de la coopération internationale est consacré dans plusieurs instruments internationaux, notamment la Charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. « La solidarité internationale doit servir à protéger les droits humains des populations, en particulier des personnes les plus vulnérables parmi celles qui ont été touchées par cette catastrophes », ont insisté les experts, en particulier dans un pays où 90% de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté.

Commentaires

1. Le mercredi 14 mai 2008, 23:35 par L'Abrincate
Que faire donc avec la junte birmane ?
Réflexions et quelques propositions...
http://bboeton.wordpress.com/2008/0...
Cordialement.
2. Le vendredi 30 mai 2008, 13:36 par MURAKAMI Taro
Une source de nouvelle a rapporté que le gouvernement Myanmar et le secrétaire général de l'ONU sont arrivés à un accord sur la réception d'equipes d'assistance humanitaire stictement pour l'activité humanitaire. Ce comportement semble être compatible avec la Résolution de l'Institut de droit international de 2003. Je suis très rassuré.

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