C'est la troisième fois que la plus haute juridiction du pays rejette les arguments du gouvernement sur le centre de détention de la base américaine à Cuba, qui compte encore environ 270 prisonniers, malgré une réprobation internationale quasi-unanime.
En 2004 puis en 2006, les juges avaient estimé que les détenus pouvaient saisir la justice fédérale, une procédure charnière du droit anglo-saxon appeléehabeas corpus. Mais ils s'étaient alors appuyés sur des textes de loi modifiés depuis par le Congrès.
Mais par 5 voix contre 4, la Cour a estimé que même si Guantanamo était officiellement en territoire cubain, la base fonctionnait de fait comme un territoire américain où certains droits fondamentaux inscrits dans la Constitution devaient être respectés.
"Les requérants bénéficient du privilège constitutionnel de l'habeas corpus", a tranché la Cour suprême, dans la décision rédigée par le juge Anthony Kennedy.
"Les lois et la Constitution sont écrites pour survivre, et rester applicables, dans des circonstances extraordinaires. La liberté et la sécurité peuvent être réconciliées, et dans notre système elles le sont dans le cadre de la loi", a ajouté le juge.
Le président George W. Bush a déclaré le 12 juin à Rome qu'il désapprouvait la décision mais qu'il l'appliquerait : "Nous appliquerons la décision de la Cour. Cela ne signifie pas que je sois d'accord (...). Je suis profondément d'accord avec les juges minoritaires".
Parmi les candidats à sa succession, le démocrate Barack Obama a salué la décision comme "un pas important pour rétablir notre crédibilité comme nation engagée à défendre l'Etat de droit, et pour rejeter un faux choix entre la lutte contre le terrorisme et la protection" des libertés individuelles.
"Je n'ai pas encore eu l'occasion de lire la décision, elle m'inquiète évidemment beaucoup. Ce sont des combattants illégaux, ce ne sont pas des citoyens américains", a pour sa part souligné le républicain John McCain, qui reste favorable, comme M. Obama, à la fermeture du centre de détention.
Il revient désormais aux juges du tribunal fédéral de Washington d'examiner au cas par cas chaque plainte de détenu, dans un cadre encore imprécis fustigé par le président de la Cour, le juge John Roberts.
Cette décision "est une victoire complète non seulement pour nos clients mais pour tous les Américains et les citoyens du monde, et par-dessus tout pour l'Etat de droit", a déclaré David Cynamon, qui représente les détenus koweïtiens, alors qu'Amnesty International saluait "un pas en avant essentiel vers la restauration de l'Etat de droit".
La décision "devrait aussi marquer le début de la fin pour la procédure des tribunaux militaires d'exception", a ajouté Steven Shapiro, directeur juridique de l'ACLU, la puissante association de défense des libertés.
La décision rouvre en effet la porte des tribunaux civils pour les quelque 80 détenus que l'administration compte traduire devant ces tribunaux militaires d'exception, invalidés en juin 2006 par la Cour suprême mais réinstaurés quelques mois plus tard par le Congrès.
Déjà plusieurs fois reportés, les premiers procès doivent s'ouvrir cet été dans une salle d'audience toute neuve - mais démontable - installée sur la base à Cuba. Le premier à comparaître pourrait être Salim Hamdan, un ancien chauffeur d'Oussama Ben Laden, qui avait été à l'origine de la décision de 2006 et qui conteste à nouveau la validité du système.
Source : AFP