Par le premier coup de Prague, le parti communiste tchécoslovaque s’était emparé du pouvoir le 25 février 1948. S’en étaient suivies 20 années d’une « démocratie » populaire inféodée à Moscou au sein de l’URSS. Cependant, l’année 1968 allait être marquée par une tentative d’ouverture du régime lors du Printemps de Prague, le 15 avril.
Cet événement, à l’instigation des éléments réformistes de la direction communiste de l’État – notamment le Premier secrétaire du PC tchécoslovaque Alexandre Dubcek (1921-1992), élu en janvier 1968 – visait à une acquisition de l’autonomie nationale (tout en demeurant fidèle à Moscou), une séparation du parti et de l’État, une réforme de l’économie, une fédéralisation de la Tchécoslovaquie, une généralisation du vote secret, la fin de l’emprisonnement des intellectuels, l’assouplissement de la position du régime vis-à-vis de l’Eglise, la fin de la censure… Dans cette action, les réformistes étaient soutenus par les étudiants et les milieux intellectuels. Mais ces mesures n’allaient pas manquer de contrarier Moscou, qui craignait que cela soit le coup d’envoi d’une vague de réformes au sein de l’URSS, risquant d’affaiblir le pouvoir des régimes.
Dès lors, dans la nuit du 20 au 21 août, 300 000 hommes des troupes du Pacte de Varsovie – présentes dans le pays depuis juin en raison de la programmation de manœuvres militaires – intervinrent en Tchécoslovaquie en application de la doctrine Brejnev (coopération obligatoire en vue du maintien de l’ordre communiste). Détail important, la Roumanie refusa d’y participer et reprocha même à Moscou de s’y être engagé.
Le gouvernement Dubcek renonça à la résistance militaire. Dubcek fut arrêté et emprisonné. Mais le problème posé par la résistance passive de la population (manifestations, escamotage des panneaux de signalisation, attaques par dérision dans la presse…) à l’occupation soviétique contraignit l’URSS à remettre au pouvoir, le 26 août, les dirigeants arrêtés. Dubcek fut démis de son poste de Premier secrétaire en 1969. La « normalisation » forcée sous l’égide de Moscou allait cependant mettre un terme à tous les projets de réformes.
Le Printemps de Prague suscita une grande vague d’espérance à l’Est, mais aussi à l’Ouest. Cependant, le deuxième coup de Prague marqua les limites des possibilités et des volontés de réformes à l’Est. Plus tard, la chute du mur de Berlin, ainsi que les prémices de l’implosion de l’URSS, permirent la Révolution de velours de 1989 à Prague, ouvrant le pays à la démocratie. Aujourd’hui, la crise russo-géorgienne autour de la question de l’Ossétie du Sud fait tristement écho au coup de Prague. Cette crise met en évidence la constante géopolitique, par laquelle Moscou demeure adepte de l’ingérence « musclée » dans ce qu’elle considère être son espace tutélaire.