Le 19 août 2008, des soldats français étaient en opération pour tenter de déloger les talibans dans la vallée de Saroubi, à environ 50 kilomètres à l’Est de Kaboul, lorsque leur convoi de blindés est tombé dans une embuscade. Les combats ont entraîné la mort de 10 soldats français, ainsi que 21 blessés (1). L’embuscade, perpétrée dans une zone d’insécurité sérieuse à l’Est de Kaboul, aurait été menée à l’aide de mines et de roquettes par une centaine d’insurgés lors d’une patrouille de reconnaissance. Il s’agit de la plus grosse perte de soldats en opération enregistrée par la France depuis l’attentat de l’immeuble du Drakkar en 1983, au Liban.
Les forces françaises, présentes en Afghanistan depuis 2002, comptent 3000 hommes. Au sein de ces troupes principalement basées à Kaboul – passée sous commandement français depuis le 5 août 2008 – une minorité de soldats (forces spéciales) sont affectés dans le Sud et l’Est du pays pour la traque des éléments liés à Al Qaida et quelques autres sont détachés pour la formation de l’Armée Nationale Afghane, tandis que la majorité des troupes sont affectées à la mission de stabilisation de l’Afghanistan à travers l’International Security Assistance Force (ISAF). L’ISAF regroupe quelques 70 000 hommes, en majorité américains et britanniques. Au total, ce sont 24 militaires français qui ont été tué en Afghanistan depuis le début de l’intervention française.
En Afghanistan, l’ISAF est confrontée à une guerre asymétrique, c’est-à-dire un conflit armé opposant deux adversaires de taille et de puissance totalement opposées. Ce grand différentiel de puissance conduit le faible à user de méthodes de combats relevant de la guérilla en jouant sur la surprise, le harcèlement et la démoralisation des troupes adverses. Face à de telles tactiques et stratégies, le fort dispose de l’outil que constitue la contre-insurrection. Cette dernière méthode consiste à saper l’appui que trouve le faible au sein de la population par le démantèlement de l’organisation des insurgés ainsi que par l’action économique et sociale, pour ensuite s’approprier cet appui, ce tout en poursuivant des actions purement militaires.
L’enjeu d’une telle forme de guerre réside dans la population, dont il faut absolument gagner le soutien. Le risque est cependant de perdre le soutien de cette même population par la lenteur du développement socio-économique, voire de générer son hostilité par la perpétration de dommages collatéraux. Ces dommages peuvent être le fait direct de l’ISAF (bombardements ratés), le fait indirect de l’ISAF instrumentalisé par les insurgés (aiguillage contre la population d’une riposte à une attaque par repli des insurgés au sein de cette même population) ou encore le fait de dommages collatéraux ou d’exactions des insurgés. Or, l’ennemi taliban, fondu dans la population et adoptant une apparence civile est à la fois autonome et difficile à déceler. Son « mordant », assuré par la relève d’une nouvelle génération de Talibans, est intact. Dans tous les cas, le danger est que les civils risquent soit d’être soumis aux Talibans par la terreur, soit d’arriver au raisonnement selon lequel les morts sont le fait, direct ou indirect, de la présence des étrangers, et par voie de conséquence qu’il est nécessaire de rejeter l’ISAF.
Enfin, la guerre en Afghanistan soulève le problème de l’organisation sociale belliqueuse des Pachtounes, principale ethnie composant les talibans qui se nourrit de la guerre et au regard de laquelle il est difficile de croire à une paix prochaine, même à long terme. Par ailleurs, l’Afghanistan reprend le rôle jusqu’alors joué par l’Irak, à savoir celui de laboratoire d’essai et de camp d’entraînement géant pour djihadistes internationaux. Vient alors la question sur les possibilités de gagner cette guerre. Deux problèmes se posent : la stabilisation de l’Afghanistan et la traque des cerveaux d’Al Qaida. Or, les critiques soulignent qu’il est probable que les Pachtounes ne cessent jamais la guerre et que Ben Laden demeure toujours insaisissable.
(1) Lire notamment : « 10 soldats français tués en Afghanistan », Le Parisien, 19 août 2008.
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