Son objectif est de diversifier ses sources énergétiques afin d'éviter de « mettre tous ses œufs dans le même panier ». Ce qui importe le plus pour la Chine, ce sont les opportunités d'investissements directs. Celles-ci peuvent être considérées sous deux angles : il s'agit soit de réaliser des projets de prospection par le biais de joint-ventures, soit d'acquérir des gisements pour diminuer la dépendance vis-à-vis du marché.
Ainsi, en 1997, la China National Petroleum Corporation (CNPC), firme pétrolière numéro un en Chine, s'est associée avec l'entreprise malaisienne Petronas et l'entreprise canadienne Talisman pour passer un accord avec la Sudapet, entreprise d'État pétrolière représentant le gouvernement soudanais, en vue de procéder ensemble à la prospection, à l'exploitation et à la mise en place d'oléoducs sur le site du bassin de Muglad situé au Sud du Soudan. Le projet Muglad montre à la fois l'importance de l'Afrique pour la Chine en ce qui concerne l'approvisionnement pétrolier et les efforts menés par la Chine à cet égard. Ce projet a nécessité un investissement global d'un milliard de dollars. C'est le premier et le plus grand projet de ce type mené par une entreprise d'État chinoise sur le continent africain. Il se juxtapose à un autre projet sans précédent appelé Développement d'envergure des gisements et concernant le Kazakhstan, le Venezuela et l'Irak d'avant guerre (1).
Depuis peu, le Gabon s'ajoute à la liste des fournisseurs. Ce dernier ralliement est le fruit de la patience. La Chine n'était jamais arrivée à accéder aux ressources pétrolières gabonaises (Total, compagnie pétrolière française est un acteur local très puissant dans cette sous région), malgré l'amitié exceptionnelle entre les deux pays et le potentiel productif du Gabon. Le président gabonais, Omar Bongo Odimba, est, rappelons-le, le chef d'État africain le plus souvent invité à Pékin, au même titre que son homologue congolais, le président Denis Sassou N'Guesso. Or, la Chine a commencé relativement tôt à s'approvisionner en pétrole brut congolais, même si les quantités achetées demeurent peu importantes à ce jour. Du brut gabonais a commencé à être livré en Chine depuis 2004, grâce à la visite à Libreville du président chinois Hu Jintao en début de cette même année et à un accord économique bilatéral conclu durant cette visite (2). Cet approvisionnement arrive juste au moment où la production pétrolière gabonaise commence à rencontrer des difficultés. D'après les sources chinoises, le pétrole brut africain représente 37% du chiffre d'affaires du commerce bilatéral total qui s'élève à 6,4 milliards de dollars.
La stratégie pétrolière de la Chine est souvent multidimensionnelle puisqu'elle se déploie dans les domaines aussi bien diplomatiques et politiques qu'économiques et militaires, notamment à travers les ventes d'armes. Ce faisant, les armes chinoises ont contribué à entretenir des conflits dans certains pays d'Afrique, tels que le Soudan, la République démocratique du Congo et l'Afrique du Sud. Plus de 200 camions militaires chinois ont ainsi été envoyés au Soudan en août 2005 malgré l'embargo américain sur les ventes d'armes à destination de ce pays. Les autorités chinoises ont exporté en grande quantité, ces quinze dernières années, des armes légères vers la région des Grands Lacs, sans tenir compte des graves violations des droits de l'Homme qui s'y déroulaient. Ainsi, en novembre 2005, suite aux recherches menées sur 1100 armes récupérées à Bunia, en Ituri, par la Mission des Nations Unies en RDC (Monuc), il a été démontré que 17% d'entre elles étaient des copies chinoises de fusils d'assaut.
Bien que ce commerce reste très discret, la vente d'armes vers l'étranger rapporte tous les ans plus d'un milliard de dollars à la Chine. Il s'agit surtout d'échanges d'armements contre les matières premières destinées à alimenter la croissance économique du pays.
Il apparaît donc que les afflux financiers chinois, massivement concentrés dans l'exploitation de l'énergie et des matières premières, ne font que renforcer l'économie de rente sur laquelle vivent les dirigeants africains. Cette économie se base sur des capitaux et des débouchés étrangers. Au final, l'Afrique subit plus qu'elle ne tire profit de ce système. La Chine crédite une gouvernance qui cherche son seul profit et favorise ainsi le maintien d'un fonctionnement économique défavorable à la croissance africaine. Autre problème : si la Chine a effectué quelques investissements dans le secteur textile, elle décide aujourd'hui de rapatrier sa chaîne de production sur son territoire, privant les pays africains d'une diversité d'industries et hypothéquant ainsi un possible essor de la croissance sur le continent noir.

(1) Le montant de l'investissement prévu pour ce dernier projet s'élève à 5,6 milliards de dollars. Ainsi la guerre contre le terrorisme menée en Irak par la coalition internationale donne une importance majeure aux gisements africains.
(2) Une autre grande réussite chinoise est le projet Bélinga sur l'exploitation d'un gisement de fer.