Définition de la médiation internationale
Le terme « médiation » vient du latin mediare qui signifie « s’interposer ». Elle se définit comme un « mode de solution des conflits consistant, pour la personne choisie par les antagonistes, à proposer à ceux-ci un projet de solution » (1).
En droit international, bien que les organisations internationales recourent constamment à la médiation, aucune d’elles n’en donne une définition (2). L’article 33 de la Charte des Nations Unies se contente de la citer comme l’un des modes de règlements des différends.
La pratique révèle l’importance de ce mécanisme, malgré le silence ou la réserve des traités constitutifs des institutions internationales et africaines qui utilisent la terminologie sans la définir. Pour la définir, il convient de rapprocher les différentes conceptions selon les écoles.
Pour les réalistes comme Belcovitch, la médiation constitue « un processus de gestion de conflit, où les parties adverses sollicitent l’assistance ou acceptent l’offre d’aide d’une partie extérieure au conflit, qui soit en mesure de changer leurs perceptions ou leurs comportements sans devoir recourir à la force ou invoquer les règles de droit » (3).
Pour les libéraux (Miall, Ramsbotham et Woodhouse), la médiation est « un mode de négociation dans lequel un tiers parti aide les parties en conflit à développer une solution qu’elles n’ont pas encore trouvées elles-mêmes » (4).
Selon Charles-Philippe David (5), dans la première conception de la médiation, « les tiers partis sont passifs. Ils facilitent la consultation et la communication afin que les opposants parviennent à mieux comprendre leurs différends ». Dans la deuxième conception, « les tiers partis sont actifs. Ils s’impliquent substantiellement pour résoudre les problèmes de contenu et faire progresser le dialogue et les négociations ».

Typologie de la médiation internationale
En raison des différentes formes de médiation internationale, il convient de faire une typologie. Cette typologie peut varier à l’infini.
L’une des plus importantes est la distinction entre la médiation des acteurs étatiques et celle des acteurs non étatiques, car reflétant l’évolution du droit international.
Avant le XXème siècle, la médiation était le fait exclusif des Etats, parce qu’ils étaient seuls à posséder l’autorité politique et à être sujets du droit international. Mais l’apparition d’autres sujets (ONG, individus) va élargir la scène internationale.
En effet, si l’État demeure l’acteur premier des relations internationales, il n’en demeure pas moins que les acteurs non étatiques sont devenus aussi des joueurs importants sur la scène mondiale, notamment dans le domaine de la médiation internationale. Désormais, les ONG et les individus agissent comme médiateurs tout comme les organisations internationales intergouvernementales (OIG).
Les acteurs étatiques sont les Etats et les Organisations internationales intergouvernementales, qu’elles soient universelles comme les Nations Unies, ou régionales comme l’Union Africaine, ou sous-régionales comme la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), ou linguistiques comme l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF).
En ce qui concerne la médiation des Etats, on peut mettre en exergue :
- la médiation des Puissances comme les Etats-Unis ou les pays anciens colonisateurs : la France (sa médiation en Cote d’Ivoire), le Portugal (sa médiation en Angola) ;
- la médiation des pays voisins : il s’agit des voisins qui ont un intérêt direct à la stabilité de leur région : l’Afrique du Sud au Zimbabwe actuellement ;
- la médiation des petits pays : il s’agit des pays qui ont fait de la promotion de la paix, l’une des composantes de leur politique étrangère : la Suisse, la Norvège…
Sous le vocable de « médiation internationale des acteurs non étatiques », nous regroupons la médiation des ONG, la médiation des personnalités et la médiation religieuse qui peut être individuelle ou le fait d’ONG confessionnelles (communauté Sant’Egidio).
L’ancien président finlandais Martti Ahtisaari a pratiqué certaines de ces formes de médiation, pour avoir été médiateur de l’ONU en Namibie (entre 1977 et 1990), envoyé spécial de l’ONU au Kosovo (novembre 2005 et mars 2007) et pour avoir créé en 2000 une ONG dénommée la Crisis Management Initiative (CMI) avec laquelle il a dirigé et conclu en août 2005 les négociations de paix en Aceh entre le gouvernement indonésien et le Gerakan Aceh Merdeka (séparatistes).

La médiation internationale : perspectives africaines
En recevant le prix Félix Houphouët-Boigny pour la recherche de la paix le 2 octobre dernier à Paris au siège de l’UNESCO, Martti Ahtisaari a exprimé sa gratitude à l’endroit du continent africain en ces termes : « Je remercie l’Afrique de m’avoir donné ma première chance. Ce continent m’a montré comment avoir la capacité de pardonner » (6).
En effet, la consultation de sa biographie montre quelle place ce continent a eu dans sa vie. Il a commencé sa carrière de diplomate en 1973, année de sa nomination comme ambassadeur de Finlande en Tanzanie et représentant de son pays en Somalie, au Mozambique et en Zambie. De 1977 à 1981, il a été nommé Commissaire des Nations Unies pour la Namibie et également Représentant du Secrétaire général en Namibie en 1978. En mars 1989, il a été à la tête de l’opération de maintien de la paix (OMP) (7) envoyée dans ce pays avec 8.000 casques bleus et civils pour organiser la transition vers l'indépendance et les premières élections libres en novembre 1989. Il a donc œuvré entre 1977 et 1990 à l'accession pacifique de cet Etat africain à l'indépendance. Sa médiation « la plus importante », a-t-il estimé « car elle a pris énormément de temps ».
La décision du jury du prix Houphouët-Boigny pour la recherche de la paix (8), de lui attribuer son prix 2007 aurait-t-il influencé le Comité Nobel norvégien ?
Tout compte fait, ce Nobel 2008 a eu le mérite de remettre au grand jour le travail de longue haleine que font des médiateurs pour faire signer des accords de paix à des belligérants dans des conflits sur tous les continents et intervient quelques jours après que le Conseil de sécurité des Nations Unies ait tenu le 23 septembre dernier, à l’initiative du Burkina Faso, une réunion de haut niveau sur le thème « Médiation et règlement des conflits » (9).
Dans la déclaration présidentielle, le Conseil de sécurité a affirmé « qu’en tant qu’organe investi de la responsabilité du maintien de la paix et de la sécurité internationale, il lui incombe de promouvoir et d’appuyer la médiation comme moyen important de règlement pacifique des différends » et a prié « le Secrétaire général de lui présenter dans les six mois qui suivront l’adoption de la présente déclaration, un rapport sur la médiation et les activités d’appui y relatives, qui prend en compte l’expérience de l’ONU et d’autres acteurs clés, et fait des recommandations en vue du renforcement de l’efficacité des activités de médiation de l’organisation ».
Nul doute que le rapport du Secrétaire général de l’ONU mentionnera sa déclaration faite lors la réunion du Conseil de sécurité consacré à la prévention des conflits en Afrique, le 28 août 2007 (10), par laquelle il a proposé de renforcer les capacités de l’ONU dans le domaine de la médiation. Déclaration suivie d’effet puisque, le 5 mars 2008, une équipe permanente d’experts en médiation au niveau du Département des affaires politiques des Nations Unies a été mise en place (11).
Lors de la remise du prix Félix Houphouët-Boigny pour la recherche de la paix au tout nouveau prix Nobel de la paix, il avait déclaré que « tous les conflits du monde doivent être résolus. Nous ne devons pas les laisser geler » (12).
« La Suisse et la communauté internationale toute entière, doivent surtout mettre leur expertise à la disposition des médiateurs africains, des organisations régionales africaines et de l’Union africaine », a déclaré le 14 octobre dernier, Mme Michelle Calmy-Rey, Conseillère fédérale et cheffe du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), lors de son discours d’ouverture de la conférence annuelle de la Division politique IV, Sécurité humaine du DFAE tenue à Berne et consacrée aux efforts de médiation dans les conflits africains (13).
Cette conférence, qui a regroupé des experts en médiation venus de Suisse et d'Afrique, dont M. Djibirll Yipènè Bassolé, médiateur en chef conjoint de l'Union africaine et des Nations Unies pour le Darfour, M. Mohamed Ibn Chambas, président de la CEDEAO, et Mme Stella Sabiiti, responsable des activités de promotion de la paix au sein de l'Union africaine (UA) vise à échanger des connaissances, à apprendre les uns des autres et à mieux coordonner les activités dans le domaine de la médiation internationale.
Gageons que cette préoccupation pour la médiation internationale se renforcera grâce à la nobélisation de Martti Ahtisaari, pour que l’on voie des médiateurs compétents et expérimentés s’investir dans les nombreux conflits qui continuent de secouer le monde.
Mais encore faut-il trouver des solutions pour pallier les limites et les dysfonctionnements de ce mécanisme (la concurrence entre les médiateurs, la préférence de certains conflits, l’absence d’expertise, le manque de connaissance des données et de ressources financières, la partialité….) observés surtout dans les conflits en Afrique.
Il importe aussi de promouvoir la recherche et la formation dans ce domaine (avec la création de formations de résolution de conflits dans les universités ou des chaires de médiation internationale) en Afrique et en France, où l’enseignement de cette matière est très négligé par rapport aux universités américaines et nord-européennes.



(1) Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 2002. V. Médiation.
(2) Il faut noter que l’article 4 de la Convention I de La Haye du 18 octobre 1907 se contente de préciser le rôle du médiateur qui « consiste à concilier les prétentions opposées et à apaiser les ressentiment qui peuvent s’être produits entre Etats en conflits ». Quant à l’article 12 du Traité américain de règlement pacifique des différends du 30 avril 1948 (Pacte de Bogota), il précise que « les fonctions du ou des médiateurs consisteront à assister les parties dans règlement de leur différend, de la manière la plus simple et la plus directe, en évitant les formalités et en faisant en sorte de trouver une solution acceptable. Le médiateur s’abstiendra de ne faire aucun rapport et, en ce qui le concerne, les procédures seront strictement confidentielles ».
(3) Cité par Charles-Philippe DAVID, La guerre et la paix. Approches contemporaines de la sécurité et de la stratégie, Paris, Presses des Sciences Po, 2006, p. 296.
(4) Ibid.
(5) Charles-Philippe DAVID, op. cit., p. 296.
(6) Eugène YOBOUET, « Remise du prix Houphouët-Boigny pour la paix : l’hommage du monde à la philosophie d’Houphouët », Le nouveau réveil, n° 2036 du 3 octobre 2008, http://www.lenouveaureveil.com/a.asp?n=305858&p=2036 (consulté le 11/10/2008).
(7) Groupe d’assistance des Nations Unies pour la période de transition en Namibie (GANUPT).
(8) Créé en 1989 par la Conférence générale de l'UNESCO, le Prix Félix Houphouët-Boigny pour la recherche de la paix est destiné « à honorer les personnes, organismes ou institutions ayant contribué de manière significative à la promotion, à la recherche, à la sauvegarde ou au maintien de la paix, dans le respect de la Charte des Nations unies et de l'Acte constitutif de l'UNESCO ». Le jury international qui décerne ledit Prix comprend d'éminentes personnalités telles que Mário Soares, ancien président de la République portugaise ou encore l'Argentin Adolfo Pérez Esquivel, Prix Nobel de la paix, Henry Kissinger…
(9) www.un.org/News/fr-press/docs/2008/CS9452.doc.htm (consulté le 25/09/2008).
(10) Conseil de sécurité, CS/9105, http://www.un.org/News/fr-press/docs/2007/CS9105.doc.htm (consulté le 26 mai 2008).
(11) Centre d’actualités de l’ONU, http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=16033&Cr=&Cr1= (consulté le 26 mai 2008)
(12) Eugène YOBOUET, op. cit.
(13) http://www.news.admin.ch/dokumentation/00002/00015/?lang=fr&msg-id=21992 (consulté le 15 octobre 2008).