Fondé en 1963, le programme spatial indien a effectué son premier lancement de satellite en 1975. Il représente aujourd’hui un budget de 1 milliard de dollars qui répond avant tout à des besoins de communication et d’observation. Mais la Lune constitue aussi un enjeu pour les Etats souhaitant construire une base afin d’explorer l’espace et Mars.
D’autre part, il ne faut sous-estimer le prestige que véhicule la réussite d’un tel programme, tant au niveau international que national. Par la concrétisation de son programme spatial, l’Inde est entrée au fil des années dans le club élitiste des puissances aptes à lancer elles-mêmes leurs satellites. Il s’agit aussi d’un gage de sérieux et donc de prise au sérieux en matière de hautes technologies. Nationalement, il s’agit d’un facteur d’entretien de la fibre patriotique et de la fierté d’être Indien.
Enfin, comme souvent en matière de hautes technologies, le fossé est mince entre applications civiles et applications militaires. Dans la plupart des cas, la technologie d’un lanceur spatial, de part sa puissance et sa portée, peut être convertible pour une utilisation militaire. La fusée PSLV (Polar Satellite Launch Vehicule), qui sert de lanceur pour le programme spatial indien, contient la plupart des composants nécessaires à la réalisation d’un missile balistique intercontinental. Pour l’Inde, une telle possibilité présente une utilité évidente vis-à-vis de la Chine et de ses missiles balistiques. De plus, en juin 2008, le commandant en chef de l’armée indienne a appelé à la création d’un programme spatial militaire suite à la destruction par la Chine en 2007, d’un satellite en orbite. Reste qu’une telle déclaration n’était peut être qu’à finalité dissuasive.
Les missions spatiales sont donc des moyens, pour les puissances émergentes, de rester de très loin « dans le coup », par rapport aux grandes puissances, en particulier les Etats-Unis. Posséder un programme spatial effectif, c’est signifier à Washington et aux Occidentaux qu’il ne s’agit pas de leur pré carré, un signal important à l’heure de la défense antimissiles américaine et du risque de militarisation offensive de l’espace. D’autre part, pour des raisons d’équilibre régional, l’Inde ne peut se passer d’un programme spatial dès lors que la Chine en possède un. La capacité de mener un programme spatial est un gage d’indépendance nationale.
Certaines voix en Inde et ailleurs, s’élèvent contre de tels programmes dans un pays où une part substantielle de la population vit dans la misère. Cependant, les satellites permettent par exemple de former des étudiants en médecine par visioconférences, dans les zones rurales manquant de spécialistes.
L’Inde, de par sa taille, sa démographie et son développement économique, est destinée à la puissance et donc à la rivalité (et non nécessairement au conflit) avec d’autres Etats. Dès lors, la maîtrise de l’enjeu spatial est une carte indispensable qui, d’un point de vue stratégique, conditionne la prospérité du pays et sa marche vers la puissance.
Mais les programmes spatiaux coûtent très chers, et la concurrence entre nations pousse les gouvernements à dépenser sans cesse plus d’argent, pour des raisons à la fois idéologiques et stratégiques. N’oublions pas que ce sont en grande partie la « guerre des étoiles » (défense antimissiles lancée par Ronald Reagan en 1983) et la course aux armements qui ont eu raison de l’URSS.

(1) « La Lune pour l’Inde », Radio Canada, mercredi 22 octobre 2008.