Spécialiste de l’Asie, ancien chef du commandement américain dans le Pacifique, l’amiral (en retraite) Dennis C. Blair (61 ans), a été nommé à la tête de la Direction of National Intelligence (DNI). Cet organisme a été créé suite à la réforme de 2004 dans le but de conseiller l’exécutif et de coordonner l’ensemble du renseignement américain. Son chef est choisit par le président et confirmé par un vote du Sénat.
Fils de marines, vétéran du Vietnam et ancien chef du commandement allié de l’OTAN en Europe, le général d’armée (en retraite) James L. Jones (65 ans) a été nommé à la tête du National Security Council (NSC). Il est le conseiller principal du président des Etats-Unis en matière de renseignement. Il est uniquement choisit par le président. James Jones projette un vaste plan de réorganisation du NSC, dont il souhaite étendre les sphères de compétences. En raison de la variété des menaces mondiales contemporaines, le NSC se doterait d’une approche très large englobant le terrorisme, la cybercriminalité, la prolifération nucléaire, les énergies fossiles, les crises économiques, la pauvreté, les épidémies...
A la direction du NSC comme à celle de la DNI, il s’agit, dans les deux cas, de militaires, ce qui laisse à penser qu’ils sont au fait des questions de sécurité. Quant à la direction de la Central Intelligence Agency (CIA), c’est un civil qui a été choisi.
Leon Panetta a été nommé à ce poste (1). Sa tâche est de taille, lorsque l’on pense aux récents échecs et scandales de l’agence, de l’imprévision des attentats (en tant que service extérieur, la CIA est sensée intervenir à l’étranger, pour neutraliser la menace avant qu’elle se trouve sur l’espace national) aux prisons secrètes éparpillés dans le monde…
Dans un contexte marqué par la réforme du renseignement américain, l’engagement dans deux guerres, la lutte contre le terrorisme transnational, l’endiguement de la prolifération nucléaire et la multipolarisation du monde, la CIA doit faire peau neuve, et le renseignement américain amorcer une nouvelle donne.
Lors de son départ de la direction de la CIA, le général d’armée aérienne Michael Hayden, a énoncé les 10 défis auxquels la CIA devait faire face en matière de sécurité (2) : 1) Al Qaida qui est perçue comme l’organisation la plus en mesure de menacer la sécurité physique des Etats-Unis et des Américains, 2) la violence et le pouvoir des cartels de la drogue qui mettent en danger l’Etat mexicain, 3) Le programme nucléaire iranien, 4) les divergences entre l’Europe et les Etats-Unis au sujet de la « guerre » contre le terrorisme (les Américains mènent une guerre contre le terrorisme alors que l’Europe procède à une lutte contre le terrorisme, ce qui est, en matière de droit et de théorie de la guerre, différent).
A cela s’ajoutent : 5) l’instabilité causée par le faible prix du pétrole (notamment au sein d’Etats comme le Venezuela, qui, sans être des menaces créeront des instabilités), 6) le Pakistan avec les conséquences des attentats de Bombay, la frontière afghano-pakistanaise, les problèmes économiques le tout dans un pays détenteur du feu nucléaire, 7) l’Afghanistan avec la porosité de la frontière avec le Pakistan et la non-capture des numéros un ou deux d’Al Qaida, 8) la Corée du Nord et son caractère imprévisible et incontrôlable, 9) la Chine en tant que superpuissance émergente mais qui va devoir affronter la crise économique mondiale et 10) le Moyen-Orient et son instabilité autour notamment de l’offensive israélienne sur Gaza.
L’enjeu est donc immense, même s’il est à noter que l’Irak n’est pas présent dans cette liste, peut-être en raison des succès enregistrés par l’application de la stratégie du général d’armée David Petraeus.
Face à ces enjeux, M. Panetta est-il l’homme de la situation ? Un peu plus âgé (70 ans) que ses collègues de la DNI ou du NSC, il a effectué une carrière civile très variée au service de l’Etat : assistant législatif pour un sénateur, assistant du secrétaire de la Santé, de l’Education et de l’Aide publique, directeur de l’Office des droits civiques, assistant du maire de New York, juriste dans le privé, fondateur et directeur d’un centre indépendant d’évaluation de recherche en matière de politiques publiques. Cela atteste sans doute de sa polyvalence et de ses facultés d’adaptation.
Mais son expérience en matière de renseignement se résume à deux années passées en tant qu’officier de renseignement dans l’armée de terre, de 1964 à 1966.
Il n’est pas possible qu’une telle nomination n’ait pas été faite en connaissance de cause, et qu’il ne s’agisse pas d’un souhait délibéré, a fortiori après le vote de confirmation du Sénat.
En prenant un civil quasi-étranger aux questions de renseignement et de sécurité, B. Obama veut-il neutraliser la CIA en raison de ses échecs et de sa profonde impopularité ou bien la faire muer en envoyant un signal fort ? Il est très probable que le profil peu agressif ainsi que le passé professionnel de défenseur des droits civiques de M. Panetta ait lourdement pesé dans le choix de B. Obama, dans le but de redonner confiance en la CIA.
Quoi qu’il en soit, M. Panetta a d’ores et déjà pour mission de diriger l’agence, de commander le renseignement humain ainsi que les programmes de collectes de sources ouvertes.


(1) Sylvain Cypel, « Confirmé à la tête de la CIA, Leon Panetta devra ‘rompre avec les méthodes du passé’ », Le Monde, 14 février 2009.
(2) Catherine Herridge, « CIA Director : Al Qaeda is Job 1 of Top 10 Security Challenges in 2009 », FOXNews.com, 2 février 2009.