Après l’euphorie, c’est le désenchantement. Dix jours après sa signature, lors d’une cérémonie solennelle au Palais des Congrès à Nouakchott, le 03 juin dernier, en présence de son parrain, le président sénégalais M. Abdoulaye Wade, et de membres du Groupe de Contact International sur la Mauritanie, de l’UA, de l’OIF, de la Ligue Arabe, des Nations Unies et de nombreux autres invités, le processus de mise en œuvre de l’accord de Dakar n’est pas encore déclenché.
L’accord-cadre de Dakar, qui exprime la volonté de ses parties prenantes, qui s'accordent sur la nécessité d'une transition organisée de façon consensuelle en Mauritanie, prévoit la nomination d’un gouvernement d’union nationale, le retour symbolique du président élu M. Sidioca (juste pour signer le décret de nomination du gouvernement et son propre acte de démission) et des élections présidentielles libres et pluralistes, dont le premier tour est programmé pour le 18 juillet prochain.
Cependant, au moment où cet article a été rédigé, aucune disposition majeure, mise à part l’entendement sur la formation du gouvernement, n’a été prise sur le plan pratique pour mettre en œuvre ce fameux accord-cadre de Dakar.
Au moment où l’opinion publique commence à s’interroger sur la nature des contraintes qui retardent la mise en route de cet accord, certains observateurs vont plus loin, pour mettre cause son bien fondé, tant du point de vue juridique que technique. En effet, tout n’a pas été explicitement écrit dans ledit accord. Il y aurait des clauses qui sont verbales ! Il s’agit d’arrangements politiques convenus entre les parties concernées, avec la seule garantie du président Wade. Mais ces arrangements n’ont pas été mentionnés dans le texte de l’accord lui même. C’est le cas, par exemple, de la démission de l’ex-président Sidioca. L’accord comporte aussi d’autres défaillances, comme le manque de précisions sur les modalités pratiques de la démission du président déchu (avec ou sans discours à la nation, à partir du palais présidentiel ou d’un autre lieu public, en direct à la télévision ou pas, etc.).
En somme, il semblerait, qu’en dehors peut-être de la bonne volonté politique de ses trois parties prenantes, l’accord-cadre de Dakar, au-delà de sa valeur de symbole et de la satisfaction morale qu’il procure aux différents belligérants, demeure assez ambigu dans sa signification et plutôt contradictoire dans sa portée. En un mot, l’accord de Dakar serait-il techniquement mal ficelé ? Dans l’affirmative, voilà pourquoi il serait aujourd’hui en panne avant même d’être mis en route !
Ainsi, certains analystes s’interrogent maintenant sur la valeur juridique de cet accord ? Quel est son régime juridique ? S’agit-il d’un traité international au titre de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités? Ou bien a-t-il un autre régime juridique ? Quels sont les voies et les modalités de recours en cas de différends ?
Nous estimons que l’organisation d’un débat serein entre spécialistes de tout bord, à la radio, à la télévision et dans la presse écrite devient plus que nécessaire pour essayer d’apporter des analyses juridiques conséquentes et des éclaircissements utiles pour une opinion publique mauritanienne et internationale un peu confuse sur cette importante question.
D’après une consultation sommaire que j’ai demandé à une collègue spécialisée en droit international, ce type d'accords ne peut manifestement pas être un traité international, au sens qu'il ne s'agit pas d'une convention passée entre États ou organisations internationales (même si certains apportent une signature comme "témoins").
Il s'agirait simplement d'un accord politique entre groupes politiques. Il faut donc regarder du côté du droit interne pour connaître le régime juridique de ce type d'accords. Or, il semblerait qu'il n'ait pas de réelle portée juridique. Cet accord n'a, qu'une valeur politique basée sur la bonne foi de différentes parties qui l'ont signé. C'est là toute la difficulté de régimes transitoires non régis par la Constitution en vigueur.
Espérons que les élections prochaines permettront de parvenir à une situation plus claire, pour mettre fin aux cycles des coups d’État militaires et des démocraties transitoires. Est-ce l’aube de la IVe République en Mauritanie ?