Alors que la discussion est présente dans la plupart des médias, des think-tanks et des instances parlementaires anglophones, la question du désarmement nucléaire reste à la marge des débats politiques et médiatiques en France. Pour autant, cette tendance va peut-être s’inverser comme le montrent les récentes tribunes publiées dans deux médias nationaux français,Le Monde et L’Humanité.
Le 15 octobre dernier, quatre grandes figures de la politique française (A. Juppé, ancien premier ministre ; B. Norlain, général, ancien commandant de la force aérienne de combat ; A. Richard, ancien ministre de la Défense ; M. Rocard, ancien premier ministre) ont publié dans Le Monde une tribune appelant au désarmement nucléaire mondial, y compris pour la France.
Les deux anciens Premiers ministres disent leur conviction que l'arme nucléaire a fait son temps et qu'il convient d'en « réexaminer le rôle ». Ce texte a malheureusement subit un sort particulier car, malgré son importance et le parallèle qui pourrait être fait avec l’article intitulé « A world free of nuclear weapons » (janvier 2007) de quatre dignitaires américains (les anciens secrétaires d'État H. Kissinger et G. Schultz, l'ancien secrétaire à la Défense W. Perry, et le sénateur S. Nunn), la presse n’en a fait quasiment aucun écho...
Plus confidentiel, il est vrai, le journal L’Humanité vient de publier dans son « Humanité des débats » du 31 octobre, les réponses de quatre personnes spécialistes des questions de défense à l'interrogation « Qu’est-ce qui bloque le désarmement nucléaire ? » :
- Nathalie Gauchet, coordinatrice de l’organisation Le Mouvement de la Paix : « 200 jours pour porter le débat dans l’opinion publique ».
- Dominique David, directeur exécutif de l’IFRI : « Les discours sur l’éradication peuvent être dangereux par leur irréalisme ».
- Paul Quilès, député et ancien ministre de la Défense : « Il est regrettable que Nicolas Sarkozy oppose désarmement et lutte contre la prolifération ».
- Jean-Marie Collin, expert indépendant et directeur France du réseau PNND / Parlementaires pour la non-prolifération nucléaire et le désarmement : «Entre "monde réelʺ et réalité du monde, l’absence d’aspiration positive de la France ».
Pour N. Gauchet, il est primordial de porter le débat en France sur cette question encore trop ignorée des instances politiques. Le directeur de l’IFRI constate que, malheureusement, « la légitimité de la détention du nucléaire s’est hélas renforcée depuis 20 ans » et s’interroge sur le sens que l’on donne au terme désarmement (diminution / disparition des armes) et le réalisme du discours du président Obama. P Quilès, quant à lui, pose la question du dogme de la dissuasion nucléaire et trouve « regrettable que Nicolas Sarkozy oppose le désarmement à la lutte contre la prolifération ».
Auteur d’un des points de vue, j’ai souhaité montrer que la diplomatie française qui s’attache tend à défendre l’idée du « monde réel » (c'est-à-dire le désarmement nucléaire qui est bien présent dans les faits et l’existence d’actes de prolifération de l’Iran, de la Corée du nord…), prétexte pour ne pas réaliser de nouvelles mesures de désarmement, ne devrait pas écarter - par honnêteté - la « réalité du monde », c'est-à-dire le trompe l’œil que les grandes puissances comme la France usent en annonçant des réductions de leurs arsenaux tout en modernisant certains systèmes (missile M-51, ASMP-A) ou en ratifiant des traités (comme le TICE, SORT) qui n’ont plus rien de contraignants, des dispositions leur permettant de passer certaines interdictions…
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