Dans la première affaire, Zura Suleymanova affirmait que le 16 mai 2000 des militaires russes avaient ouvert le feu sur un camion dans lequel se trouvaient son fils, sa femme enceinte, leur petit garçon et un beau-frère. Les militaires auraient ensuite lancé une grenade sur le camion qui aurait pris feu. Des habitants de la ville de Gekhi où se sont déroulés les faits auraient été témoins de la scène. "Le lendemain, la requérante s'était rendue sur les lieux avec des habitants de Gekhi, et avait trouvé des restes de cervelle ainsi que la casquette de son petit-fils à côté de traces de balles dans le sol. Les traces au sol indiquaient qu'on avait fait s'allonger à terre quatre personnes et qu'on leur avait tiré dans la tête (...) Cependant, les corps de ses proches avaient disparu", peut-on lire dans l'arrêt de la Cour. Les corps ne seront retrouvés que trois jours plus tard.
Après dix ans d'enquête, le gouvernement a avancé que la famille roulait "de nuit, après le couvre-feu, tous feux éteints, qu'ils étaient passés outre un ordre de s'arrêter, et que, dès lors, les militaires les avaient pris pour des membres d'un groupe armé illégal et avaient fait feu". Estimant que "le gouvernement n'a pas dûment justifié le recours à la force ayant entraîné la mort des proches de la requérante", la CEDH a conclu à une violation du droit à la vie et du droit à un recours effectif. Elle a alloué à la requérante 150 000 euros pour dommage moral et 2 900 euros pour dommage matériel.
Dans la deuxième affaire, Rayshat Shakhabova affirmait que, alors qu'il se trouvait chez sa tante, son fils de 24 ans avait été enlevé en novembre 2002 au cours d'une fouille du domicile par un groupe de plus de quinze hommes armés et masqués vêtus de treillis de camouflage et équipés de radios. Des témoins ont rapporté avoir vu des camions de l'armée au moment de l'enlèvement. Personne n'a eu de nouvelles du jeune homme depuis lors et l'enquête pénale sur sa disparition n'a pas apporté de résultat concret.
La CEDH a conclu à une violation des articles 2 (droit à la vie), 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants), 5 (détention non reconnue) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention européenne des droits de l'homme. Considérant que "la requérante a subi une situation de détresse et d'angoisse due à la disparition de son fils et à l'incapacité dans laquelle elle s'est trouvée de découvrir ce qu'il était advenu de lui", la Cour a alloué à la requérante 2 000 euros pour dommage matériel et 60 000 euros pour dommage moral.
La Russie a déjà été condamné plusieurs fois par la CEDH pour des exactions de ce type en Tchétchénie.
Source : AFP