Dans son ordonnance, la Cour a d’abord, à l’unanimité, rejeté la demande de la Thaïlande qui souhaitait que l’instance introduite par le Cambodge soit radiée du rôle.
Elle a ensuite indiqué diverses mesures conservatoires. La Cour a commencé par dire, par onze voix contre cinq, que les deux Parties devaient, immédiatement, retirer leur personnel militaire actuellement présent dans la zone démilitarisée provisoire, telle que définie au paragraphe 62 de son ordonnance (voir croquis illustratif joint en annexe à l’ordonnance et au présent communiqué), et s’abstenir de toute présence militaire dans cette zone et de toute activité armée dirigée à l’encontre de celle-ci.
Ayant observé que la zone du temple avait été le théâtre d’affrontements armés entre les Parties et que ces affrontements risquaient de se reproduire, la Cour a en effet décidé que, pour empêcher la survenance d’un dommage irréparable, il fallait d’urgence exclure temporairement toute présence de forces armées dans une zone démilitarisée provisoire entourant la zone du temple.
La Cour a en outre dit, par quinze voix contre une, que la Thaïlande ne devait pas faire obstacle au libre accès du Cambodge au temple de Préah Vihéar ni à la possibilité pour celui-ci d’y ravitailler son personnel non militaire ; que le Cambodge et la Thaïlande devaient poursuivre leur coopération dans le cadre de l’ANASE et permettre notamment aux observateurs mandatés par cette organisation d’accéder à la zone démilitarisée provisoire ; et que les deux Parties devaient s’abstenir de tout acte qui risquerait d’aggraver ou d’étendre le différend dont elle est saisie ou d’en rendre la solution plus difficile.
La Cour a enfin décidé, par quinze voix contre une, que chacune des Parties l’informerait de la manière dont elle assurera l’exécution des mesures conservatoires sus-indiquées, et qu’elle demeurerait saisie des questions faisant l’objet de l’ordonnance jusqu’à ce qu’elle rende son arrêt sur la demande en interprétation.
Compétence et conditions juridiques requises pour l’indication de mesures conservatoires
La Cour a conclu (paragraphes 19 à 32 de l’ordonnance) qu’une contestation paraissait exister entre les Parties quant au sens et à la portée de son arrêt de 1962 et qu’elle paraissait dès lors pouvoir connaître, en vertu de l’article 60 de son Statut, de la demande en interprétation présentée par le Cambodge. Elle a en conséquence déclaré ne pouvoir faire droit à la demande de la Thaïlande tendant à la radiation de l’instance du rôle (voir ci-dessus) et a ajouté qu’elle disposait d’une base de compétence suffisante pour lui permettre d’indiquer les mesures conservatoires sollicitées par le Cambodge, si les conditions requises à cet effet étaient remplies.
La Cour a ensuite examiné, une à une (paragraphes 35 à 56), lesdites conditions, et a conclu qu’elles étaient remplies. Premièrement, elle a estimé que les droits revendiqués par le Cambodge, en tant qu’ils étaient fondés sur l’arrêt de 1962, tel qu’il l’interprète, étaient plausibles.
Deuxièmement, la Cour a considéré que les mesures conservatoires demandées visaient à protéger les droits invoqués par le Cambodge dans sa demande en interprétation et que le lien requis entre les droits allégués et les mesures sollicitées était, partant, établi. Troisièmement, elle a estimé qu’il existait un risque réel et imminent qu’un préjudice irréparable soit causé aux droits revendiqués par le Cambodge avant qu’elle n’eût rendu sa décision définitive, et qu’il y avait urgence.
Enfin, la Cour a rappelé que ses ordonnances indiquant des mesures conservatoires avaient un caractère obligatoire et créaient donc des obligations juridiques internationales que les deux Parties étaient tenues de respecter. Elle a aussi observé que la décision rendue en la présente procédure relative à la demande en indication de mesures conservatoires ne préjugeait aucune question dont elle aurait à connaître dans le cadre de l’examen de la demande en interprétation.
Source : CIJ

  • Un résumé plus complet et détaillé de cette décision est disponible sous la rubrique «Affaires» du site Internet de la Cour.
  • L’historique de la procédure figure, lui, aux paragraphes 1 à 18 de l’ordonnance, dont le texte intégral sous la rubrique «Affaires» du site Internet de la Cour.