Dans sa requête, le Nicaragua prétend notamment que «les activités entreprises de façon unilatérale par le Costa Rica … menacent de détruire le fleuve San Juan de Nicaragua et son fragile écosystème, y compris les réserves de biosphère et les zones humides bénéficiant d’une protection internationale qui jouxtent le fleuve et dont la survie dépend de la propreté et de l’écoulement ininterrompu de ses eaux».
Le demandeur soutient que «(l)a construction par le Costa Rica d’une route qui suit un tracé parallèle à la rive méridionale du fleuve et passe extrêmement près de celle-ci, sur une distance d’au moins 120 kilomètres, de Los Chiles à l’ouest à Delta à l’est, constitue la menace la plus immédiate pour le San Juan et son environnement».
Le Nicaragua affirme que, en raison des travaux de construction, «d’importants volumes de sédiments résultant du déblaiement et du nivellement du terrain qui sert maintenant de fondation à la route ⎯ terre déplacée, végétation déracinée et arbres abattus ⎯ ont déjà été déversés dans le fleuve». Il ajoute que «l’abattage des arbres et l’enlèvement de la couche de terre arable et de la végétation à proximité de la rive du fleuve facilitent l’érosion et le lessivage de quantités encore plus grandes de sédiments vers le cours d’eau».
Le demandeur soutient que «(l)a sédimentation qui se produit dans le fleuve représente sans conteste un danger imminent pour la qualité de l’eau, pour la vie aquatique (y compris plusieurs espèces en voie de disparition) et pour la faune et la flore rares et variées présentes sur les deux rives, notamment dans les zones qui font partie de la réserve de biosphère Indio Maiz, l’un des noyaux biologiques les plus importants du couloir biologique méso-américain».
Le Nicaragua soutient que, «(e)n aggravant la dégradation de sols déjà dévastés par une déforestation principalement due à l’exploitation agricole et industrielle sur le territoire du Costa Rica, en causant des dommages considérables au fleuve San Juan et un envasement important de celui-ci, en modifiant le paysage et en menaçant la biodiversité, la route aura des conséquences notables pour l’environnement». Il précise que «(c)es travaux (lui) ont déjà causé et continueront de (lui) causer des dommages économiques substantiels».
En conséquence, le Nicaragua
«prie la Cour de dire et juger que le Costa Rica a méconnu :
a) l’obligation lui incombant de ne pas violer l’intégrité du territoire nicaraguayen tel que délimité par le traité de limites de 1858, la sentence Cleveland de 1888 et les cinq sentences rendues par l’arbitre E. P. Alexander les 30 septembre 1897, 20 décembre 1897, 22 mars 1898, 26 juillet 1899 et 10 mars 1900, respectivement ;
b) l’obligation lui incombant de ne pas causer de dommages au territoire nicaraguayen ;
c) et les obligations lui incombant en vertu du droit international général et des conventions pertinentes en matière de protection de l’environnement, dont la convention de Ramsar sur les zones humides, l’accord sur les zones frontalières protégées entre le Nicaragua et le Costa Rica (accord sur le système international d’aires protégées pour la paix (SI-A-PAZ)), la convention sur la diversité biologique et la convention concernant la conservation de la biodiversité et la protection des aires forestières prioritaires de l’Amérique centrale.
En outre, le Nicaragua prie la Cour de dire et juger que le Costa Rica doit :
a) rétablir le statu quo ante ;
b) l’indemniser pour tous les dommages causés, en prenant notamment à sa charge les frais supplémentaires occasionnés en matière de dragage du fleuve San Juan ;
c) s’abstenir de mettre en chantier tout nouveau projet dans la région sans avoir procédé à une évaluation en bonne et due forme de l’impact sur l’environnement transfrontalier, évaluation qui devra être soumise au Nicaragua en temps voulu pour lui permettre de l’analyser et d’y réagir.
Enfin, le Nicaragua prie la Cour de dire et juger que le Costa Rica doit :
a) cesser tous les travaux de construction engagés qui portent atteinte, ou sont susceptibles de porter atteinte, à ses droits ;
b) réaliser, et lui soumettre, une évaluation de l’impact sur l’environnement en bonne et due forme, comprenant tout le détail des travaux.»
Pour fonder la compétence de la Cour, le demandeur invoque le paragraphe 1 de l’article 36 du Statut de la Cour en application de l’article XXXI du traité américain de règlement pacifique du 30 avril 1948 («Pacte de Bogotá»), ainsi que les déclarations d’acceptation formulées par le Nicaragua le 24 septembre 1929 (modifiée le 23 octobre 2001) et par le Costa Rica le 20 février 1973, conformément au paragraphe 2 de l’article 36 du Statut.
Le Nicaragua affirme que le Costa Rica a, de manière répétée, refusé de lui fournir les informations voulues sur les travaux de construction entrepris, et nié qu’il serait d’une quelconque façon tenu de réaliser, et de lui fournir, une évaluation de l’impact sur l’environnement qui permettrait d’en apprécier les effets. Le demandeur prie donc la Cour de prescrire au Costa Rica d’établir ce document et de le communiquer au Nicaragua. Il ajoute que, «quoi qu’il en soit, et notamment si cette demande devait rester infructueuse, il réserve son droit de demander formellement l’indication de mesures conservatoires».
Le Nicaragua indique également que, «les moyens juridiques et factuels sur lesquels se fonde (sa requête) étant en rapport avec l’affaire relative à Certaines activités dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua)» pendante devant la Cour, il «réserve son droit de s’interroger, lors d’une phase ultérieure de la présente instance, … sur l’opportunité de demander la jonction des deux affaires».
  • Le texte de la requête introductive d’instance sera prochainement disponible, dans son intégralité, sur le site Internet de la Cour (www.icj-cij.org).

La Cour internationale de Justice (CIJ) est l’organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Elle a été instituée en juin 1945 par la Charte des Nations Unies et a entamé ses activités en avril 1946. La Cour a son siège au Palais de la Paix, à La Haye (Pays-Bas). C’est le seul des six organes principaux de l’ONU dont le siège ne soit pas à New York. La Cour a une double mission consistant, premièrement, à régler conformément au droit international les différends d’ordre juridique qui lui sont soumis par les Etats (par des arrêts qui ont force obligatoire et sont sans appel pour les parties concernées) et, deuxièmement, à donner des avis consultatifs sur les questions juridiques qui peuvent lui être soumises par les organes de l’ONU et les institutions du système dûment autorisées à le faire. La Cour est composée de quinze juges, élus pour un mandat de neuf ans par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité des Nations Unies. Elle est assistée par un Greffe, son secrétariat international, dont l’activité revêt, d’une part, un aspect judiciaire et diplomatique et, d’autre part, un aspect administratif. Les langues officielles de la Cour sont le français et l’anglais.
Il convient de ne pas confondre la CIJ, juridiction civile uniquement ouverte aux Etats (au contentieux) et à certains organes et institutions du système onusien (pour la procédure consultative), avec les autres institutions judiciaires, pénales pour la plupart, établies à La Haye et dans sa proche banlieue, comme par exemple le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (ou TPIY, juridiction ad hoc créée par le Conseil de sécurité), la Cour pénale internationale (CPI, la première cour pénale internationale permanente créée par traité, qui n’appartient pas au système des Nations Unies), le Tribunal spécial pour le Liban (ou TSL, organisation judiciaire indépendante composée de juges libanais et internationaux qui, sans être un tribunal des Nations Unies, ne fait pas non plus partie du système judiciaire libanais), ou encore la Cour permanente d’arbitrage (CPA), institution indépendante créée en 1899.
Source : CIJ