Dans un rapport soumis au Conseil exécutif des ministres des Affaires étrangères (COREP) lors du Sommet panafricain du 1er juillet 2008 en Egypte, le Comité des représentants permanents de l'Union africaine a recommandé aux Etats membres de « condamner sans équivoque les arrestations arbitraires de dignitaires africains par certains Etats non africains ».
Les ambassadeurs membres du COREP dénoncent le fait que ce principe de compétence universelle ne s'applique qu'aux responsables africains (1). Ils estiment que l'adoption de leur rapport par le Conseil exécutif devrait mettre fin à « l'utilisation abusive du principe de la compétence universelle à l'encontre des fonctionnaires de l'Etat, y compris des chefs d'Etat et autres hauts fonctionnaires ».
La mise en cause par la Cour pénale internationale du président soudanais Omar el-Béchir inquiète l'Union africaine, déjà contrariée par le cas rwandais. Elle est décidée à ne pas laisser les régimes du continent être déstabilisés par la justice internationale.
Mais qui d'autre peut inquiéter les pouvoirs illégitimes en Afrique ? La Cour africaine des droits de l'Homme et des peuples n'est toujours pas opérationnelle. Et le jour où elle le sera, on ne l'imagine pas capable d'inquiéter les baronnies africaines.
Voici déjà deux ans que l'Union africaine a donné mandat au Sénégal de « poursuivre et de faire juger » Monsieur Hissein Habré. La même année, le Comité des Nations Unies contre la torture avait rendu son rapport, invitant le Sénégal à juger ou extrader l'ancien président du Tchad. L'Association des victimes des crimes et de la répression politique au Tchad est très préoccupée de constater que le Sénégal n'a pris aucune mesure significative pour appliquer l'une ou l'autre de ces décisions.
En mai 2006, le Comité contre la torture a conclu que le Sénégal a commis une double violation en refusant de juger M. Habré en 2000, puis de l'extrader en 2005 et a demandé aux autorités sénégalaises d'indiquer les mesures prises pour que M. Habré réponde de ses crimes devant les juridictions sénégalaises, belges (2) ou devant toute autre juridiction.
Ceci est symptomatique de la justice en Afrique. Si elle est déposée aux Nations Unies, la requête de l'Union africaine sur l'abus du principe de la compétence universelle au nom du non respect des droits souverains des Etas africains est, à mon sens, un leurre.
En effet, la violation des droits de l'Homme, la violence étatique, les purifications ethniques sont des crimes majeurs qui ne trouvent aucune réponse auprès de la justice africaine. Bien entendu, la compétence universelle pose de véritables problèmes en matière juridique. Néanmoins, les exactions des pouvoirs illégitimes en Afrique nécessitent une approche pragmatique et efficace pour en réprimer les effets et espérer les prévenir.

(1) Rappelons toutefois que le général Pinochet n'est pas originaire du continent africain et que ce dictateur chilien a été arrêté à Londres en 1998 pour des crimes commis au Chili.
(2) La Belgique disposait d'une législation datant de 1993 marquée par une application extensive du principe, c'est-à-dire qu'elle autorisait les poursuites en l'absence des auteurs présumés sur son territoire. Elle a aujourd'hui restreint la portée de sa compétence universelle.