6 mai 2014

OUVRAGE : A. Pellet, Le droit international entre souveraineté et communauté

David ROY

Bien qu’Alain Pellet se défende d’être un « faiseur de systèmes », ses articles, écrits au fil du temps, parfois au gré de la plume, et enrichis par sa pratique considérable du droit international, n’en révèlent pas moins des positions doctrinales assurées, dont le fil d’Ariane est constitué par la tension permanente entre « souveraineté » et « communauté », qui imprègne le droit international contemporain.

La communauté se révèle dans l’ouverture de l’ordre international à des sujets autres que les États – aux organisations internationales, toujours plus nombreuses, bien sûr, mais aussi aux personnes privées ; dans un processus de formation des règles de droit international débarrassé du dogme de l’exclusivisme de la volonté étatique ; dans la centralisation du recours à la force dans le cadre défini par la Charte des Nations Unies et sous l’égide du Conseil de sécurité ; dans l’objectivation de la responsabilité internationale et l’affermissement de la notion de jus cogens.

La « souveraineté » reste cependant un concept à la fois nécessaire et structurant : l’État est toujours le sujet central de l’ordre international ; la source conventionnelle n’a pas été délogée par les autres formes de law-making ; les organes des Nations Unies ne sont ni législateurs universels, ni gardiens de la licéité internationale ; l’objectivation de la responsabilité n’a pas entraîné la disparition de la « justice privée » que sont les contre-mesures ; le concept de crime international, consacré par les Articles de la CDI sur la responsabilité internationale de l’État au prix d’un euphémisme, doit encore prouver son potentiel. Et les ordres juridiques se définissent toujours par rapport à l’État : nationaux, international, ou a-nationaux.

Tel est le tableau du droit international contemporain qu’Alain Pellet dépeint : une approche à la fois lucide et pédagogique, une synthèse des grands défis auxquels le droit international de ce temps est confronté, ancrée dans le présent, mais tournée vers l’avenir, car elle ne néglige ni les promesses d’évolution que portent les concepts communautaires, ni les contraintes systémiques avec lesquelles celles-ci doivent composer. Si la doctrine d’Alain Pellet, empreinte d’empirisme mais discrètement imprégnée des valeurs sur lesquelles il n’accepte pas de transiger, doit porter un nom, peut-être peut-on oser l’« objectivisme pragmatique » ?


Avertissement

I. « L’irréductible souveraineté » : l’État et la société internationale
1. « Cours fondamental – Le droit international à l’aube du XXIe siècle 
(La société internationale contemporaine – permanences et tendances nouvelles) »
II. « Flexible droit » : la formation du droit international
2. « Cours général : Le droit international entre souveraineté 
et communauté internationale – La formation du droit international »
3. « Le bon droit et l’ivraie – Plaidoyer pour l’ivraie 
(Remarques sur quelques problèmes de méthode en droit international) »
4. « Contre la tyrannie de la ligne droite – Aspects de la formation des normes en droit international de l’économie et du développement »
III. « La paix par le droit » ? : la mise en œuvre du droit international 
5. « Le recours à la force, le droit et la légitimité – Notes sur les problèmes posés par le principe de l’interdiction du recours à la force armée en cas de carence du Conseil de sécurité »
6. « Le crime international de l’Etat – Un phœnix juridique » (The New International Criminal Law)
7. « Le glaive et la balance – Remarques sur le rôle de la Cour internationale de Justice en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales »
En guise de conclusion : 
« La rencontre des droits : rapports de systèmes et interactions normatives »
8. « Les interactions normatives – Droit de l’Union européenne et droit international »
Table des matières

Pellet

Alain PELLET, Le droit international entre souveraineté et communauté, Présentation par Freya BAETENS, Marko MILANOVIC et Antonios TZANAKOPOULOS, Paris, Pedone, 2014 (364 pp.)

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