6 mai 2014

TRIBUNE : Halte au carnage en Ukraine ! Plus de guerre civile au coeur de l’Europe !

Henri MALOSSE & Olivier VEDRINE

Il y avait eu les morts du Maidan à Kiev en janvier et février derniers. Déjà des morts de trop ! Surtout des jeunes, venus de partout d’Ukraine et notamment de Kiev. La plus grande partie d’entre eux était des activistes qui voulaient juste garder leur rêve européen, certains fauchés à la fleur de l’âge par des snipers venus de nulle part, d’autres torturés puis assassinés au coin d’un bois. Quelques policiers comptent également parmi ces morts, victimes d’un régime sans foi ni loi.

Il y a maintenant cette quarantaine de militants séparatistes, encore majoritairement des jeunes, brûlés vifs à Odessa dans des circonstances floues, ou ces autres morts dans l’Est de l’Ukraine, dont le nombre ne cesse de grandir.

Il appartiendra demain à une Justice indépendante d’établir les faits pour le drame d’Odessa. Il appartiendra aux Historiens de rechercher plus tard la responsabilité de ce gâchis incroyable en vies humaines : le régime corrompu de Yanukevitch qui s’est comporté en chef mafieux, prêt à vendre son pays au plus offrant ? On pourra également s’interroger sur les raisons qui ont poussé l’Union européenne à retarder la signature de l’accord de partenariat, sur le contenu de cet accord, sur le rôle de chacune et de chacun dans les événements, y compris sur l’importance réelle des groupes radicaux sur le Maidan.

Il faudra aussi déterminer la responsabilité, incontestable, du Gouvernement de la Fédération de Russie ! Un plan « machiavélique » du Président Poutine pour empêcher l’Ukraine de se rapprocher de l’Union européenne et profiter du désarroi pour annexer en douce la Crimée ? N’est-ce pas le plus flagrant des aveux que d’entendre le porte-parole du Kremlin déclarer : « Nous ne pouvons plus contrôler les activistes anti-Kiev dans l’Est de l’Ukraine », avouant ainsi ne plus pouvoir éteindre l’incendie qu’ils avaient allumé - mais en ont-ils seulement l’envie ? Poutine, un apprenti sorcier ? Saura-t-on un jour la vérité ? Lors des opérations en Crimée, où des hommes armés jusqu’aux dents et sans signe de reconnaissance sur leurs uniformes verts, sont apparus aux quatre coins de la presque-île, le Président Poutine disait alors ignorer tout d’eux. Le même se vantait un mois plus tard de leur appartenance aux forces spéciales russes !

Mais laissons la Justice et les Historiens travailler et agissons pour stopper ce carnage. Faisons tout pour mettre un terme à ce flot de propagande mensongère qui fait que des citoyens russes et de l’Est de l’Ukraine croient de bonne foi que Kiev est livré à de soi-disants extrémistes. Les populations de l’Est ignorent toujours que la loi si décriée restreignant l’usage de la langue russe a été abrogée avant de passer au vote et que la majorité des forces politiques à Kiev sont favorables à une décentralisation. Arrêtons les discours de haine et de revanche qui seront bientôt irréparables pour plusieurs générations ! Le Maire de Lugansk, séparatiste, n’est-il pas en train d'armer des gamins pour « aller combattre les fascistes de Kiev » ?

Nous pensons que deux forces peuvent encore agir immédiatement pour arrêter cette horrible effusion de sang.

La société civile d’abord. C’est elle qui a lancé le mouvement du Maidan à Kiev de manière pacifique avant que les violences policières ne deviennent intolérables ! Ouvrons la voie étroite du dialogue entre toutes les parties prenantes en Ukraine, et ce dès à présent, pour obtenir un consensus d’unité nationale et permettre la tenue de l’élection présidentielle prévue le 25 mai. Des personnalités reconnues peuvent appuyer ce mouvement : artistes, intellectuels, écrivains. Mais aussi des personnalités comme les anciens Présidents Krawczuk ou Yushenko qui, malgré les vicissitudes de leurs mandats respectifs, peuvent encore regarder les citoyens ukrainiens, la tête haute.

Cette initiative, pour avoir des chances d’aboutir, doit être fortement appuyée par l’Union européenne ! Nous ne devons pas accepter qu’une nouvelle guerre impérialiste ou une autre guerre civile puisse embraser le centre de l’Europe. Nous n’avons pas pu éviter dans les années 1990 les guerres civiles lors du démembrement de la Yougoslavie, échec qui restera toujours comme une déchirure, la marque de notre impuissance. L’Europe était alors divisée, comme aujourd’hui. Il est donc essentiel de nous réunir sur une initiative de dialogue et de paix. La société civile européenne doit jouer un rôle central dans cette initiative ! Le Comité Economique et Social Européen a été la première institution européenne en janvier de cette année à adopter une résolution pour dénoncer les violences de Kiev, demander des sanctions contre les responsables et appeler au dialogue. Nous nous sommes exprimés sur le Maidan en soutien aux aspirations légitimes de la société civile pour un vrai Etat de droit et pour l’engagement en faveur des valeurs européennes. Et cela, toujours en appelant au dialogue entre toutes les parties !

Peut-être faudrait-il envisager des forces de stabilisation, comme l’a proposé ces jours derniers la Ministre italienne de la Défense. Sans doute faudrait-il que l’Union européenne soutienne immédiatement la diffusion d’informations objectives vers l’Est de l’Ukraine et que le dialogue avec la société civile russe soit intensifié.

L’Union européenne (avec le Comité Economique et Social Européen) peut et doit tout faire pour permettre le dialogue entre toutes les parties ayant un intérêt dans la résolution pacifique de la situation, c’est-à-dire les représentants des Gouvernements ukrainien, russe, américain, les représentants de l’Union ainsi que des séparatistes. C’est la seule solution possible. Le respect mutuel et la volonté de sortir pacifiquement de cette crise doivent être les fils conducteurs de toutes discussions.

Il n’est jamais trop tard pour agir ! Chaque mort est un mort de trop ! Lançons ensemble, avec le soutien de l’UE, une initiative de dialogue civil !

Henri Malosse, Président du Comité économique et social européen
Olivier Védrine, Président du Continental University Business-School à Kiev

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