Catherine MAIA
Le 17 novembre, l’Assemblée générale a examiné le
rapport annuel du Conseil des droits de l’Homme que lui a présenté son
président, M. Baudelaire Ndong Ella. Qualifié par certaines délégations de
« sélectif » et « insensible aux traditions », le Conseil
des droits de l’Homme, basé à Genève et chargé de promouvoir le respect
universel de ces droits, n’a pas été épargné par les critiques.
Conscient néanmoins que le Conseil est menacé par un
risque de politisation, le président a jugé crucial « de garder à l’esprit
les raisons qui ont entrainé la disparition de la Commission des droits de
l’Homme ». Le spectre de cette Commission, à laquelle le Conseil a succédé
en 2006, a été agité par le représentant de la Fédération de Russie qui a déploré
« la tendance au dénigrement des États et aux règlements de
comptes ».
Ce point de vue a été partagé par son homologue de la
République arabe syrienne – pays examiné par le Conseil lors de l’une de ses
trois sessions extraordinaires –, pour lequel le Conseil aurait adopté des
résolutions « politisées, partiales et non réalistes contre la
Syrie ». « La manière partiale dont le Conseil cible des pays
spécifiques n’augure rien de bon pour le futur », a renchéri le délégué du
Sri Lanka, autre pays examiné.
Une seconde salve de critiques s’est concentrée sur la
situation budgétaire du Bureau du Haut-Commissaire aux droits de l’Homme, liée
aux incidences financières des textes que le Conseil des droits de l’Homme
adopte. Le président Ndong Ella a, en effet, indiqué que le cycle qui
s’achève a été une fois de plus très prolifique : « 114 textes
dont 106 résolutions, 6 déclarations présidentielles et 2 décisions
ont été adoptées ».
Il a précisé que ces 114 textes ont une incidence
financière d’environ 30 millions de dollars américains, « ce qui
représente un dépassement de 60 à 75% par rapport au budget de l’année
2013 ». « Le Conseil est désormais victime de son propre
succès », a-t-il dit, en notant l’accroissement préoccupant de sa charge
de travail.
Le président a reçu l’appui du représentant de la
Suisse qui s’est étonné « que les droits de l’Homme qui constituent l’un
des trois piliers de l’ONU ne reçoivent que 3% du budget ordinaire de
l’Organisation ». La Suisse est un des 55 pays à avoir adressé
en juillet dernier une lettre au Secrétaire général exprimant leur préoccupation
quant à la « sous-dotation chronique » du pilier des droits de
l’Homme et lui recommandant de demander à l’Assemblée générale d’augmenter la
part du Bureau du Haut-Commissaire aux droits de l’Homme dans le budget
ordinaire.
Ces considérations ont été relativisées par le
représentant de l’Érythrée, autre pays examiné par le Conseil en 2014, qui a
fait observer que la création d’un poste de rapporteur spécial et d’une
commission d’enquête sur la même question et pour un même pays « était
redondante et représentait une perte d’argent et de temps injustifiable ».
Pourtant, la création d’une nouvelle procédure spéciale a été demandée le 17
novembre par le représentant du Liechtenstein au motif que « l’ère
digitale a permis aux États de veiller à l’ordre public d’une manière qui
pourrait constituer un très grand défi au droit à la vie
privée ». Cette question complexe exige de plus amples discussions.
Les préoccupations financières ont également été au
cœur de l’intervention du délégué de la Mauritanie, mais pour dire que le Fonds
appuyant la mise en œuvre des recommandations dans le cadre de l’Examen
périodique universel (EPU) devait être doté des ressources suffisantes, afin
d’aider les États à renforcer leurs capacités nationales.
À l’instar de son homologue, il a aussi critiqué les
initiatives visant à créer de « nouveaux droits » qui n’ont pas été
agréés par la communauté internationale, déplorant l’attention reçue par les
notions controversées d’identité et d’orientation sexuelle.
« L’importation de concepts sexuels ignore totalement les valeurs
culturelles de certains pays, pour lesquels la valeur suprême est la
famille », a renchéri le représentant du Soudan.
Ce point de vue a été rejeté par le délégué de la
Norvège qui s’est félicité de la consécration de ces notions dans la Résolution
27/32 du Conseil des droits de l’Homme. En ce sens, le président de l’Assemblée
générale a affirmé en ouverture de débat que : « Chaque être
humain a le droit de vivre dans la dignité et de jouir pleinement de ses droits ».
Présentation du rapport
M. Baudelaire Ndong Ella, président du Conseil des droits de l’Homme, a affirmé que le Conseil a, au fil des ans, acquis de l’importance, de la notoriété, de la crédibilité et surtout de la considération à travers ses mécanismes des procédures spéciales et de l’Examen périodique universel (EPU). Il a parlé d’un « Conseil qui à la différence de la défunte Commission des droits de l’Homme assure un égal traitement et une non-politisation de ses débats ».
M. Baudelaire Ndong Ella, président du Conseil des droits de l’Homme, a affirmé que le Conseil a, au fil des ans, acquis de l’importance, de la notoriété, de la crédibilité et surtout de la considération à travers ses mécanismes des procédures spéciales et de l’Examen périodique universel (EPU). Il a parlé d’un « Conseil qui à la différence de la défunte Commission des droits de l’Homme assure un égal traitement et une non-politisation de ses débats ».
Le président a indiqué que le huitième cycle de la présidence du Conseil des droits de l’Homme s’est déroulé dans un contexte international difficile marqué par de nombreuses crises et conflits impliquant parfois des acteurs non étatiques. « Le Conseil a tenu ses trois sessions ordinaires au cours desquelles plus de 138 séances ont été organisées avec une moyenne de 46 séances par session dépassant le seuil des 32 séances conventionnelles homologuées ». Le président a aussi précisé que plus de 252 rapports ont été examinés sous divers points à l’ordre du jour. « Des dialogues interactifs ont été organisés avec plus de 57 titulaires de mandats des procédures spéciales aussi bien sur des questions thématiques que sur des situations pays ».
Le président a souligné la participation effective aux travaux du Conseil des pays les moins avancés et des petits États insulaires contribuant au respect du principe de l’universalité. M. Ndong Ella a ajouté que le Conseil des droits de l’Homme a tenu trois sessions extraordinaires pour donner une réponse urgente à certaines situations de graves violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire, notamment en République centrafricaine.
Le président a rappelé que le Conseil a décidé de nommer une Commission d’enquête chargée de mener des investigations sur les allégations de graves violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire commises par toutes les parties dans les territoires palestiniens occupés, y compris Jérusalem-Est et à Gaza. « En dépit de quelques difficultés, j’ai pu nommer les membres de cette Commission d’enquête qui a commencé ses investigations préliminaires ».
Il a aussi mentionné la session spéciale tenue le 1er septembre 2014 sur la situation des droits de l’Homme en Iraq liée aux exactions et abus commis par les groupes terroristes connus sous le nom de « l’État islamique d’Irak et du Levant. « Il a été décidé d’envoyer d’urgence une mission d’enquête du Bureau du Haut-Commissaire aux droits de l’Homme pour faire la lumière sur cette situation au nord de l’Iraq ».
S’agissant du mécanisme de l’Examen périodique universel (EPU), le président a précisé que le Conseil a adopté les rapports des 57 pays examinés cette année par le Groupe de travail de l’EPU. Les situations des droits de l’Homme de 15 pays d’Afrique, 15 pays d’Asie, 10 pays d’Amérique latine, 5 pays d’Europe occidentale, 6 pays d’Europe de l’Est et 3 pays du Pacifique ont été passées en revue, a-t-il affirmé.
« Cinq mille quarante recommandations ont été formulées dont 3 931 acceptées et 831 simplement notées. Depuis le début du deuxième cycle de l’EPU, plus de 20 000 recommandations ont été formulées dont plus de 16 000 acceptées et moins de 4 000 simplement notées ».
Se félicitant de ce que la participation des pays examinés était de « 100% » et que les délégations étaient représentées au moins à un niveau ministériel, le président a affirmé que ce mécanisme gagnait tant en importance qu’en crédibilité et constituait désormais un pilier incontournable du système de promotion et de protection des droits de l’Homme.
Le cycle qui s’achève a été une fois de plus très prolifique. « Le Conseil a adopté 114 textes dont 106 résolutions, 6 déclarations présidentielles et 2 décisions. Soixante-cinq pour cent ont été adoptées par consensus et 35% par vote ».
Il a aussi rappelé que le Conseil avait procédé au renouvellement et à la nomination des titulaires de mandats au titre des procédures spéciales. « Le nombre élevé des titulaires de mandats à nommer, 33 sur les 53 existants, a rendu la tâche assez difficile ». Il a en conséquence jugé souhaitable d’examiner la possibilité d’avoir une périodicité de nomination plus appropriée.
En ce qui concerne les situations pays, il a indiqué que le Conseil a suivi avec attention au cours de ces trois sessions ordinaires, la situation des droits de l’Homme en Érythrée, en République populaire démocratique de Corée, en Biélorussie, au Myanmar, en République islamique d’Iran et en République arabe syrienne, au titre du point 4 de son ordre du jour. « D’autres situations pays ont été abordées dans le cadre du point 2 de l’ordre jour, notamment en Iraq et au Sri Lanka ».
Abordant le point relatif aux incidences financières et budgétaires, il a précisé que les 114 textes adoptés par le Conseil des droits de l’Homme au cours des sessions tant ordinaires qu’extraordinaires font l’objet d’une incidence financière d’un montant d’environ 30 millions de dollars américains, ce qui représente un dépassement de 60 à 75% par rapport au budget de l’année 2013.
Il a aussi rappelé que le Bureau du Haut-Commissaire aux droits de l’Homme dont plus de la moitié des ressources est consacrée aux mandats approuvés par le Conseil se retrouve depuis quelques années en situation d’insuffisance financière. « En revanche, le nombre de nouveaux mandats sur les situations aussi bien pays que thématiques combinées avec les activités demandées par les États Membres ont triplé au cours de ces trois dernières années », a-t-il dit.
« Je voudrais appeler l’attention de cette Assemblée sur la nécessité de pourvoir en ressources complémentaires le Bureau du Haut-Commissaire en vue de permettre au Conseil de s’acquitter de son mandat avec efficacité et de répondre aux situations d’urgence dans toutes les régions du monde », a-t-il dit.
Affirmant que le Conseil des droits de l’Homme est désormais victime de son propre succès, il a noté que les résolutions, les décisions, les panels ou les dialogues interactifs, les tables rondes sont en constante augmentation. « La charge de travail s’est accrue et devient préoccupante pour les différentes parties prenantes du Conseil ».
Au titre des aménagements pour contenir la surcharge du programme de travail, il a notamment indiqué que le temps de parole a été réduit pour les États Membres et observateurs lors des tables rondes et débats interactifs, ainsi que pour la présentation des rapports des titulaires de mandats des procédures spéciales. « D’autres solutions en vue de l’amélioration des méthodes de travail pourraient être envisagées sans toutefois porter atteinte à l’équilibre actuel et à la participation massive des acteurs de la société civile ».
En raison du contexte international et de la composition du Conseil, il a indiqué que le mandat du Conseil a été le plus difficile depuis sa création en 2006. « Je voudrais souligner aussi que le Conseil semble chaque jour être menacé par un risque de politisation et de polarisation de ses débats et j’ai très souvent encouragé le dialogue, la concertation et la coopération ».
En conclusion, le président a jugé crucial de consolider la crédibilité et la notoriété actuelles du Conseil et « de toujours garder à l’esprit les raisons qui ont entraîné la disparition de la Commission des droits de l’Homme ».
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