16 janvier 2016

ACTU : La Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires de l’ONU dénonce l’utilisation de la famine comme arme de guerre en Syrie

Catherine MAIA

Au cours d’une réunion sur la Syrie qui s’est ajoutée au programme de travail du Conseil de sécurité, le 15 janvier 2016, en raison de la situation grave qui prévaut actuellement dans la ville assiégée de Madaya, la Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires, Mme Kyung-wha Kang, a tiré la sonnette d’alarme sur le sort d’une population qui est délibérément privée de vivres. « La famine, a-t-elle dit, appuyée en ce sens par de nombreux intervenants, est utilisée comme arme de guerre par les belligérants ». Toutes les parties, y compris le Gouvernement syrien, commettent des actes terribles interdits par le droit international humanitaire, a-t-elle ajouté en demandant au Conseil de dénoncer la nature barbare de ces tactiques.

Le représentant de la Syrie a répondu à ces accusations en arguant que son Gouvernement avait, en coopération avec les Nations Unies, mis en œuvre et financé la majorité des six plans d’action humanitaire lancés depuis le début de la crise.

Chiffrant à 4,5 millions le nombre de personnes, en Syrie, qui résident dans des régions difficiles d’accès, Mme Kang a expliqué que leur situation résultait non seulement des conditions de sécurité liées au conflit, mais aussi de l’obstruction délibérée de la fourniture de l’aide et des secours. À cet égard, Mme Kang a exhorté le Gouvernement syrien à autoriser les demandes de passage de convois qui sont restées sans réponse. « Les vivres, l’eau et les médicaments ne sont pas des faveurs que les parties au conflit pourraient octroyer ou interdire selon leur volonté », a-t-elle fait valoir.

Le représentant syrien a voulu se dédouaner en expliquant que son Gouvernement ne pouvait pas délivrer les autorisations requises de manière automatique. Il est, en effet, obligé de prendre toutes les précautions nécessaires à la sécurité des travailleurs humanitaires qui accompagnent les convois dans les zones où opèrent des organisations terroristes armées. De plus, il faut éviter que l’aide tombe entre les mains des terroristes, comme cela a été le cas à Madaya, a-t-il fait remarquer.

De leur côté, les Nations Unies et leurs partenaires, y compris le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et le Croissant-Rouge, œuvrent sans relâche pour fournir une aide alimentaire à ces peuples, a souligné Mme Kang, en citant notamment l’eau fournie à 8 millions de personnes et les 130 camions arrivés cette semaine dans les villes assiégées. En moins de deux jours, a précisé le représentant du Venezuela, 200 bénévoles et travailleurs humanitaires ont conduit 45 convois à Madaya pour aider 40 000 personnes et 18 convois à Kefraya et à Fouah pour atteindre 20 000 autres personnes.

Mme Kang a indiqué que 390 patients avaient ainsi pu être examinés et 9 autres évacués, tandis que 19 sont en attente d’évacuation. Les Nations Unies, a-t-elle dit, ont demandé un transfert immédiat et sans condition de ces personnes en vue de leur traitement.

Madaya n’est cependant que la partie émergée de l’iceberg, car cette zone ne représente que 10% des zones assiégées, selon le représentant du Royaume-Uni. Au total, ce sont 400 000 personnes qui sont prises au piège dans les zones assiégées de Madaya, Kafraya ou Fouah et au-delà, tandis que 4,5 millions de personnes se trouvent encore dans des zones difficiles d’accès. Le représentant de la Russie a également attiré l’attention sur la ville d’Al-Zahraa, dans la province d’Alep, où des dizaines de milliers de personnes se trouvent dans une situation extrême.

Outre l’accès sans condition et sans obstacle à toutes les personnes dans le besoin, la Sous-Secrétaire générale a invité à protéger les civils contre les attaques aveugles et l’utilisation de barils d’explosifs.
À l’instar des membres du Conseil de sécurité, elle a aussi appelé les parties concernées à remettre la Syrie sur la voie de la paix. Seule une solution politique mettra fin à la violence et au conflit, ont rappelé les intervenants en plaçant leur espoir dans le dialogue intersyrien qui sera lancé le 25 janvier 2016.
Pour le représentant de la France, « il n’y aura pas de processus politique crédible sans progrès sérieux et tangibles, sur le front humanitaire.  La France, a-t-il précisé, avait demandé cette réunion d’urgence du Conseil de sécurité avec trois objectifs complémentaires, à savoir mettre chacun devant ses responsabilités face à la tragédie à Madaya; réunir les conditions nécessaires pour le dialogue intersyrien du 25 janvier 2016; et assurer un accès immédiat, permanent et sans restriction aux acteurs humanitaires.

À ce propos, son homologue russe s’est montré inquiet de la convocation d’une seconde réunion du Conseil sur cette question en l’espace d’une brève période, tandis qu’une autre est prévue le 27 janvier 2016 pour discuter des aspects humanitaires de la crise syrienne. Il a émis la crainte que cette situation ne soit un prétexte pour essayer de faire échouer le début du dialogue syrien et a dénoncé une politisation de l’action humanitaire.

Pour sa part, le représentant de l’Ukraine a regretté que « certaines voix, y compris au sein de ce Conseil, essayent de justifier les actions commises par le régime syrien » et soutiennent ceux qui assiègent Madaya. L’Ukraine, qui a connu la famine organisée de l’Holodomor au début des années 1930, souhaite que ce Conseil affirme haut et fort que les attaques délibérées de civils et l’utilisation de la famine comme méthode de guerre ne seront pas tolérées, a déclaré son représentant.


Source : ONU

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