16 février 2016

ACTU : 70 ans après son adoption, la Charte des Nations Unies fait l’objet d’interprétations différentes parmi les membres du Conseil de sécurité

Catherine MAIA

Sous la présidence de la ministre des Affaires étrangères du Venezuela, Mme Delcy Eloína Rodríguez Gómez, et en présence du secrétaire général de l’ONU, le Conseil de sécurité a débattu, le 15 février, du respect des « buts et principes » énoncés dans la Charte des Nations Unies en tant qu’élément fondamental du maintien de la paix et de la sécurité internationales, dont cet organe a la charge. Outre les membres du Conseil, une soixantaine de délégations sont intervenues au cours de cette réunion, dont plusieurs au niveau ministériel.

« Loin d’être de pure forme », cette question est « liée à des problèmes mondiaux trop réels qui touchent l’Organisation », précise la note de synthèse (S/2016/103) élaborée par la présidence vénézuélienne à l’attention des participants.  En effet, l’année 2015 – « l’une des plus tourmentées » de mémoire récente –, a révélé les défis qui se posent au Conseil de sécurité pour s’acquitter de ses obligations en vertu de la Charte, notamment en Syrie et au Yémen, a relevé le secrétaire général, M. Ban Ki-moon.

Rappelant que la « responsabilité de protéger » doit prévaloir lorsqu’un État n’est pas en mesure de protéger sa population ou ne démontre pas de volonté politique en ce sens, M. Ban a assuré que l’ONU peut apporter une assistance effective à cet égard. « Je sais que, parfois, les États membres perçoivent nos efforts comme une forme d’ingérence dans leur souveraineté nationale. Mais ce sont la violence et les conflits qui menacent cette souveraineté, et non pas notre tentative de les prévenir. Ce sont les violations des droits de l’Homme par l’État qui érodent sa légitimité », a-t-il encore plaidé, avant d’évoquer l’article 99 de la Charte, un « mécanisme clef » très peu invoqué selon lui, qui habilite le secrétaire général à « attirer l’attention du Conseil sur toute affaire pouvant mettre en danger la paix et la sécurité internationales ».

La ministre des Affaires étrangères du Venezuela a souligné, de son côté, que la Charte des Nations Unies interdit de faire de la guerre un « instrument de politique extérieure », en rejetant toute « intervention dans les affaires internes des États ». C’est la raison pour laquelle elle a demandé au Conseil de sécurité d’éviter de recourir à la politique des « deux poids, deux mesures », dénoncée par de nombreuses délégations, de l’Égypte à la Fédération de Russie. De même, précise la note de synthèse, la « tendance négative » à imposer des « mesures coercitives » dans des situations qui ne constituent pas une menace doit être « renversée ». Il faudrait, en lieu et place, privilégier la négociation, la médiation et la conciliation, ainsi que le recours à des organismes ou accords régionaux, conformément aux chapitres VI et VIII de la Charte.

La diplomatie préventive a également été plébiscitée par les participants, dont le vice-ministre des Affaires étrangères et de la coopération de l’Espagne, M. Ignacio Ybañez, qui a rappelé l’importance pour le Conseil de s’appuyer sur des mécanismes d’alerte précoce, puisque la plupart des conflits actuels sont souvent déclenchés par des rivalités internes. Il a annoncé que son pays serait l’organisateur d’une conférence sur la diplomatie préventive en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, dont la date reste à préciser.

Dans ce contexte, le rôle des organisations régionales est revenu avec insistance parmi les intervenants, qui ont invité le Conseil de sécurité à renforcer sa coopération avec celles-ci, observatrices privilégiées des situations à risque. C’est le cas de l’Union africaine, qui a plaidé en faveur d’un financement plus « flexible, durable et prévisible », alors que cette organisation fournit plus de 45% des personnels de maintien de la paix à travers le monde depuis 2003.

C’est aussi sur le sens à donner aux buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies que des divergences sont apparues parmi les membres du Conseil. Accusée par l’Ukraine d’avoir violé les principes fondamentaux de la Charte en occupant « illégalement » la Crimée, la Fédération de Russie a expliqué que, au contraire, ses habitants n’avaient fait qu’exercer leur droit à l’autodétermination, « prévu par la Charte ». La ministre des Affaires étrangères du Venezuela a, d’ailleurs, reconnu à la Palestine un « droit souverain » similaire pour récupérer son territoire. Quant à l’« agression » qui a été reprochée aux autorités à Moscou dans l’est de l’Ukraine, notamment par le Royaume-Uni, les États-Unis et l’Union européenne, la délégation russe a expliqué que la responsabilité de la situation actuelle dans ce pays était imputable aux États ayant jugé bon « d’apporter leur soutien » à Kiev.

Pour sla délégation russe en revanche, ou encore la France, l’accord sur le dossier nucléaire iranien et la finalisation du programme d’élimination des armes chimiques syriennes ont démontré ce que le Conseil de sécurité peut accomplir lorsqu’il fait preuve de l’« unité » à laquelle le secrétaire général a appelé.

Alors que la crise en Syrie a été l’objet d’un recours au droit de veto à plusieurs reprises par le passé, l’Union européenne enjoint au Conseil de sécurité de prendre les « décisions adéquates » si le régime de Bashar Al-Assad n’assume pas sa responsabilité de protéger sa population civile.

Pour la France, l’année 2016 doit être le « temps de l’action », pour trouver ensemble une issue aux conflits, en Syrie et au Yémen, au Moyen-Orient comme en Libye, pour en prévenir d’autres comme au Burundi et consolider les processus de paix comme au Mali ou en République centrafricaine, « ou encore apporter la réponse sévère et rapide qu’appellent les dernières provocations en date de la Corée du Nord ».


Source : ONU

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