19 juin 2018

OUVRAGE : SFDI, La souveraineté pénale de l’État au XXIe siècle

SOCIÉTÉ FRANÇAISE POUR LE DROIT INTERNATIONAL

En une formule tout à fait politiquement incorrecte, que l’on m’a parfois reprochée, j’ai écrit ailleurs que la souveraineté c’est comme la virginité, on l’a ou on ne l’a pas. L’image n’est pas forcément de très bon goût (surtout en cette période de retour de l’ordre moral), mais je maintiens l’idée : la souveraineté est un concept qui caractérise l’État ; elle ne se limite pas (ce sont les compétences de l’État, qui trouvent leur fondement dans la souveraineté, qui peuvent être limitées) ; et elle ne peut être «saucissonnée» en souverainetés «économique», «culturelle», «territoriale» ou ... «pénale». Ces expressions sont pourtant d’un usage commode en ce qu’elles attirent l’attention sur l’étendue, particulièrement importante, des compétences de l’État (ou serait-ce des compétences revendiquées par les États ?) dans ces différents domaines. Va donc pour la «souveraineté pénale» de l’État – mais de qui d’autre pourrait-il s’agir ? Seul il est souverain au plan international, étant remarqué qu’elle va de pair avec (ou qu’elle est l’une des manifestations de) cette autre «tranche» de souveraineté qu’est la souveraineté territoriale, manifestation la plus accomplie des compétences de l’État.

Au demeurant, les compétences pénales de l’État ne se limitent pas, aujourd’hui, à son seul territoire – ce qui fait mentir le principe énoncé par la CPJI en 1927 dans l’affaire du Lotus selon lequel tout exercice de la puissance publique sur le territoire d’un autre État serait exclu. En témoignent, par exemple, les exceptions (conventionnelles) au confinement de l’exercice des compétences pénales de l’État au seul territoire national ou, pour discutables qu’ils soient, les exécutions ciblées ou les enlèvements à l’étranger à fin de jugement (Eichmann, Barbie) : on peut y voir des manifestations de «souveraineté pénale», mais une «souveraineté» extraterritoriale, relativisant ainsi l’idée de juge (territorial?) «naturel» déjà mise à mal avec l’extension de la compétence personnelle de l’État de nationalité, qui est une source de concurrence en matière de compétences pénales sans, à vrai dire, porter davantage atteinte à la «souveraineté juridictionnelle» de l’État que les conflits de lois en matière civile.

(Extrait de la préface d'Alain Pellet)

TABLE DES MATIÈRES
Remerciements
Préface, Alain Pellet
Avant-propos, Fatou Bensouda
RAPPORT INTRODUCTIF
Muriel Ubéda-Saillard, Le lien entre souveraineté et droit de punir
I. L’EXERCICE RATIONE MATERIAE DU DROIT DE PUNIR : L’ÉLARGISSEMENT DES VALEURS POLITIQUES ET SOCIALES PROTÉGÉES
Louis de Carbonnières, Le droit pénal, expression de l’autorité du souverain : imperium ou jurisdictio
Theodor Meron, L’esquisse d’une politique pénale mondiale
Bertrand Repolt, Le principe de neutralité d’Interpol comme vecteur d’une protection croissante des droits et intérêts individuels
Olivier Cahn, Les interactions normatives entre les régimes de common law et de droit romano-germanique
Marina Eudes, Punir en marge du droit ?
II. L’APPLICATION RATIONE PERSONAE DU DROIT DE PUNIR : LA MULTIPLICATION DES COMPÉTENCES JURIDICTIONNELLES CONCURRENTES
Julie Alix, Le juge national comme juge naturel ?
Marc Henzelin, La souveraineté pénale nationale à l’heure de la concurrence des États et des procureurs : vues d’un praticien
Paola Gaeta, La concurrence du juge international
Daniel Fransen, Face à l’internationalisation : existe-t-il des compétences irréductibles du juge interne?
III. ATELIERS THÉMATIQUES CONSACRÉS À LA COOPÉRATION ENTRE LES AUTORITÉS COMPÉTENTES EN MATIÈRE PÉNAL

Atelier I. L’évolution des techniques de la coopération « mineure », sous la présidence de Audrey Darsonville, Patrick Meunier,
Jonathan Bourguignon, Les atteintes aux intérêts financiers de l’Union européenne : réponses institutionnelles et reconnaissance du pouvoir de punir de l’Union
Aude Brejon, Le contrôle de l’exécution des peines prononcées par la Cour pénale internationale :une confiance démesurée de laCPI à l’Etat ?
Manon Dosen, Les défaillances de la coopération post-jugement des Etats avec les juridictions pénales internationales
Philippe Ch.-A. Guillot, La coopérationpolicière et judiciaire internationale enmatièrede lutte contreletrafic illicite de biens culturels
Maxime Lassalle, Souverainetés et responsabilitésdans la collecte internationale de preuves L’exemple de l’accès aux données bancaires en matière pénale
Atelier II. La géométrie variable de la coopération « majeure », sous la présidence de Pascal Beauvais, Florence Bellivier
Juan Manuel Bradi, La colaboración internacional en materia penal y el derecho internacional público. El caso argentino en el contexto latino americano
Philippe Flory, La coopération majeure entre les États et les juridictions pénales internationales: vers la fin de la verticalité?
Rachel Lucas, Le dénuement de la Cour pénale internationale face aux défauts d’exécution des demandes d’arrestation et de remise
Crescence Marie-France Okah, Le mandat d’arrêt européen face à la souveraineté pénale des États : une plaie ou un atout ?
Atelier III. Les résistances nationales ou régionales, sous la présidence de Julian Fernandez, Hélène Tigroudja
Olga Bodnarchuk, L’effet relatif de la compétence complémentaire de la CPI sur la souveraineté pénale de l’État : exemple de la Fédération de Russie
Gabin Fabrice Eyenga Seke, La régionalisation du droit international pénal : «une résistance à la justice internationale pénale»
Scott Fougère, Les résistances à la mise en œuvre de l’obligation internationale de répression des violations graves des droits de l’homme : l’exemple des pays d’Amérique latine
Mathilde Massé, La politique juridique de la France à l’égard des crimes de guerre
IV. L’APPLICATION SPATIALE DU DROIT DE PUNIR : LE DÉPASSEMENT DES FRONTIÈRES
Michel Massé, Les aménagements conventionnels de l’exercice de la puissance publique sur le territoire national
Benjamin Juratowitch, QC, Alexandra van Der Meulen, Daniel Müller, L’extraterritorialité du droit pénal et les sanctions
CONCLUSIONS
Denis Alland, La communauté internationale malade de la peste : quelques notes conclusives (?) sur la souveraineté « pénale » de l’État

SFDI, La souveraineté pénale de l’État au XXIe siècle, Paris, Pedone, 2018 (520 pp.)


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