6 mars 2023

ACTU : Plus de 100 États soutiennent l’initiative du Vanuatu pour que la CIJ se prononce sur les obligations des États en matière de changement climatique

Catherine MAIA

Figurant parmi les pays les plus vulnérables aux phénomènes météorologiques extrêmes et à l'élévation du niveau de la mer qui devraient se produire au cours de ce siècle en raison de l'augmentation des températures moyennes, la République de Vanuatu est à la tête d’une coalition mondiale souhaitant que la Cour internationale de Justice (CIJ) se prononce par un avis consultatif sur les obligations des États en matière de changement climatique.

Conformément à l’article 65 du Statut de l’organe judiciaire principal des Nations Unies : « 1. La Cour peut donner un avis consultatif sur toute question juridique, à la demande de tout organe ou institution qui aura été autorisé par la Charte des Nations Unies ou conformément à ses dispositions à demander cet avis. 2. Les questions sur lesquelles l'avis consultatif de la Cour est demandé sont exposées à la Cour par une requête écrite qui formule, en termes précis, la question sur laquelle l'avis de la Cour est demandé. Il y est joint tout document pouvant servir à élucider la question ».

Ne pouvant saisir lui-même la CIJ d’un avis consultatif, le Vanuatu a décidé de passer par l’Assemblée générale pour que l’organe plénier des Nations Unies dépose une telle demande d’avis. Sa démarche avait été annoncée dès octobre 2022, aux débuts de la 77e session de l’Assemblée générale, dans le cadre de la présentation par la présidente de la CIJ du rapport annuel de cette juridiction. Cette présentation avait été l’occasion pour de nombreuses délégations de commenter l’affaire relative à des Allégations de génocide au titre de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Ukraine c. Fédération de Russie), qui a conduit la Cour à rendre le 16 mars 2022 une ordonnance demandant notamment aux deux parties de ne rien faire qui puisse aggraver le différend.

Elle avait aussi permis de lancer un appel à ce que le droit international soit au service de la lutte contre les changements climatiques. En effet, le Vanuatu, au nom d’un groupe d'États (Allemagne, Angola, Antigua-et-Barbuda, Bangladesh, Costa Rica, Liechtenstein, Maroc, Micronésie, Mozambique, Nouvelle-Zélande, Portugal, Roumanie, Samoa, Sierra Leone, Singapour, Ouganda, Vanuatu et Viet Nam), avait alors annoncé qu’il allait présenter un projet de résolution demandant un avis consultatif à la CIJ concernant l’impact des changements climatiques sur les petits États insulaires en développement et les États en développement particulièrement exposés aux effets des changements climatiques. Ce pays insulaire avait alors expliqué que cette demande d’avis consultatif avait vocation à encourager les pays à afficher un niveau élevé d’ambition, tout en respectant le principe de responsabilité commune mais différenciée, mais aussi à préciser les exigences de diligence requise pour les émetteurs de gaz à effet de serre, ainsi que les implications en termes de droits humains pour les générations présentes et futures.

Parmi les États ayant pris la parole, on peut relever le Samoa qui, au nom des petits États insulaires en développement du Pacifique, a indiqué qu’il ne s’agissait pas de cibler des pays en particulier, mais de clarifier les obligations des États, ou encore l’Azerbaïdjan qui, au nom du Mouvement des pays non alignés, a rappelé que le Conseil de sécurité n’a pas saisi la CIJ depuis 1970, une sous-utilisation de la procédure qui devrait conduire cet organe à solliciter davantage les avis consultatifs et l’interprétation du droit international de la CIJ.

Le Vanuatu est parvenu à un projet de résolution final qui, selon une déclaration du 2 mars de la mission permanente de ce pays auprès des Nations Unies, était parrainée par 106 États au total. Ce chiffre pourrait grandir encore, puisque le texte restera ouvert aux coparrainages jusqu'à sa mise au vote à l’Assemblée générale au cours de sa 77e session.

Sur son compte Twitter, la mission permanente de la République du Vanuatu auprès de l'Office des Nations Unies a félicité le groupe des 18 États ayant travaillé sur le document pour son « effort d'équipe herculéen » ayant permis d’arriver à cette étape importante. Pour l’heure, les deux plus grands pollueurs du monde, les États-Unis et la Chine, ne figurent pas parmi les parrains du texte. L'Inde et l'Indonésie, qui sont également d'importants pollueurs, ne le sont pas davantage, alors qu’un pays tel que l'Australie, pays exportateur de charbon, l'est.

Le projet de résolution s’inscrit dans la lignée d’autres textes de l’Assemblée générale, en particulier la Résolution 77/165 du 14 décembre 2022 sur le « Développement durable : sauvegarde du climat mondial pour les générations présentes et futures » et la Résolution 76/300 du 28 juillet 2022 sur le « Droit à un environnement propre, sain et durable ». Il rappelle que « le changement climatique présente un défi sans précédent aux proportions civilisationnelles, et que le bien-être des générations actuelles et futures de l'humanité dépend de notre réponse immédiate et urgente à ce défi ».

Il note également avec une « profonde inquiétude que les émissions de gaz à effet de serre continuent d'augmenter alors que tous les pays, en particulier les pays en développement, sont vulnérables aux effets néfastes du changement climatique et que ceux qui sont particulièrement vulnérables aux effets néfastes du changement climatique et dont les capacités sont fortement limitées, comme les pays les moins développés et les petits États insulaires en développement, connaissent déjà une augmentation de ces effets, notamment la persistance de la sécheresse et des phénomènes météorologiques extrêmes, la dégradation des sols et le recul des terres, l'élévation du niveau de la mer, l'érosion côtière, l'acidification des océans et le recul des glaciers de montagne qui entraînent le déplacement des personnes touchées et menacent encore davantage la sécurité alimentaire, la disponibilité de l'eau et les moyens de subsistance, ainsi que les efforts visant à éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et dans toutes ses dimensions et à parvenir à un développement durable ».

Face à une telle situation alarmante, deux questions seront soumises à l’appréciation de la CIJ. Tout d’abord, quelles sont les obligations des États en vertu du droit international pour assurer la protection du système climatique et l’environnement en général contre les émissions anthropiques de gaz à effet de serre pour les États et les générations actuelles et futures ? Ensuite, quelles sont les conséquences juridiques, en vertu de ces obligations, pour les États qui, par leurs actes et omissions, ont causé des dommages considérables au système climatique et à l’environnement en général, en ce qui concerne, d’une part, les États, spécialement les petits États insulaires en développement, qui, en raison de leur situation géographique et de leur niveau de développement, sont lésés ou spécialement touchés par les effets néfastes du changement climatique ou y sont particulièrement vulnérables, d’autre part, les peuples et les individus des générations actuelles et futures touchés par les effets néfastes du changement climatique ? 

Si la CIJ est amenée à se prononcer sur ces deux questions, son avis ne sera pas contraignant pour les États. Toutefois, il pourrait donner plus de poids aux arguments en faveur d'une réduction par les pays développés de leur dépendance aux combustibles fossiles et d'une compensation pour les pays les plus touchés par le dérèglement climatique et, plus généralement, aux arguments en faveur d’un renforcement de l’action des États en matière de climat et d’environnement.

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